Développer les territoires par le design : c’est tout l’enjeu du programme « Design des territoires », porté depuis 2021 par l’École Nationale Supérieure des Arts Décoratifs (ENSAD). Dans ce cadre, six étudiants en post-master sont chaque année invités en résidence sur un terrain spécifique pour réfléchir à différentes problématiques en abordant des disciplines transversales (design, architecture, paysagisme ou des sciences humaines et techniques).
Le projet « Design des mondes forestiers » est l’une des déclinaisons de ce programme, parmi six résidences dispersées sur le territoire national. Il est accueilli dans le Grand Est à Volmunster en Moselle, dans la communauté de communes du Pays de Bitche, au cœur du Parc Naturel Régional des Vosges du Nord. L’enjeu est de développer des alliances territoriales susceptibles de fédérer une volonté commune, c’est-à-dire de miser sur la culture comme un vecteur de transformation territoriale. Les projets d'étude sont ainsi définis avec les collectivités territoriales, les institutions, les entreprises ou les associations du territoire. Ils permettent aux collectifs d’étudiants sélectionnés de se confronter à des enjeux réels par une pratique de terrain.
Une approche par le milieu
Comment cela fonctionne-t-il ? Le programme, qui entend notamment sensibiliser les acteurs du monde rural aux pratiques du design, s’organise sur une année universitaire (septembre-juin) à travers :
- une école de terrain car les participants sont immergés dans le territoire, disposant d’un espace commun de logement et de travail ainsi que d’un encadrement dédié, avec la possibilité de se former in situ ;
- un bureau d’étude car la formation s’organise autour de commandes passées par des acteurs public ou privé.
La résidence se développe ainsi autour de quatre sujets d’étude en immersion, autant de questions traitées à l’échelle locale, dans l’objectif d’une application à d’autres territoires similaires. Pour l’année 2024-2025, ils concernent la formation (bois et forêts), la préservation et la production, la mise en tourisme du territoire et les forêts citoyennes.
Quel imaginaire et connaissance des métiers du bois et de la forêt ont les plus jeunes jusqu’aux formations supérieures ? Comment repenser la question du genre dans la filière, en forêt et dans les ateliers ? Quelle place donner aux jeunes générations : quelle vision d’avenir et trajectoires professionnelles sont désirables ? Quelles sont les opportunités liées à l’héritage culturel, technique et économique du territoire ?
Quelle cohabitation des besoins et des usages pour une forêt multifonctionnelle ? Quelle articulation forêts privées / forêts publiques ? Quelles nouvelles dynamiques forestières à court, moyen, long terme vis à vis du changement climatique ? Quels usages conserver, abandonner et introduire pour une meilleure cohabitation entre humains, faune et flore ? Comment repenser les valeurs sociales et productives de la forêt et les formes qui y sont associées ? Quelles méthodes et pratiques mettre en place pour la valoriser comme un bien commun pour le vivant ?
Quelle attractivité touristique et culturelle durable autour de l’écosystème forestier, des filières du bois et de ses produits manufacturés ? Quels impacts du tourisme sur les rapports du quotidien des habitants à leur milieu ? Quels opportunités et enjeux pour le massif transfrontalier ?
La question des communs dans les usages et formes de gestions : de l’eau, des forêts, des structures de production (coopératives,), de l’espace public, etc… Quelle articulation forêts privées / forêts publiques et communales ?
Le moulin d’Eschviller, témoin du patrimoine industriel et culturel de la région
La résidence est accueillie sur le site du moulin d’Eschviller à Volmunster, situé au cœur du Parc Naturel Régional des Vosges du Nord (classé Réserve mondiale de la Biodiversité par l’UNESCO), au sein de la Communauté de Communes du Pays de Bitche, qui rassemble 35 000 habitants de 46 communes. Le cadre naturel exceptionnel offre une biodiversité riche et des paysages préservés. La gestion écologique des fonds de vallées, mise en place par des éleveurs, contribue à la préservation de cet environnement unique.
Le moulin est un espace vivant de culture et d'éducation, restauré et ouvert au public, permettant de partager le patrimoine local et de valoriser les savoir-faire traditionnels. Il offre plusieurs espaces de visite adaptés à tous les publics :
- le Moulin lui-même (musée de la Farine) : à la découverte des meuniers d'antan, du fonctionnement d’un moulin à aubes et de la fabrication de la farine ;
- la Scierie pédagogique : en 2003 s'est ajouté une scierie pédagogique fonctionnant sur le modèle des scieries d'antan équipés d'une roue à aubes ;
- le Rucher école : découverte du monde des abeilles.
Édifié au XVIIIe siècle, ce moulin à eau a joué un rôle central dans la vie économique locale en fournissant de la farine. Au fil des ans, le site a connu diverses transformations et rénovations, témoignant de l'évolution des techniques de meunerie. L'activité meunière y a été pratiquée jusqu'au milieu du XXe siècle puis le site a été restauré dans les années 80.
Le site accueille plus de 5 000 jeunes chaque année sur l’ensemble de ses espaces muséographiques et pédagogiques. Dans le cadre de la valorisation du patrimoine naturel, un projet d'éducation aux Espaces Naturels Sensibles (ENS) est en cours de développement autour du cours d’eau de la Schwalb. Ce projet vise à préserver et à mettre en valeur les richesses écologiques du site par des médiations diverses (visites, signalétiques, jeux, activités, …).
Enfin, des associations historiques participent à l'animation et la valorisation du site et une programmation culturelle et festive est mise en œuvre chaque année.
La Communauté de Communes met à disposition de la promotion 2024/2025, 8 chambres d’hébergement, des espaces communs de convivialité ainsi qu’un bâtiment à ossature bois. Elle a également investi dans des moyens logistiques et matériels (véhicule 9 places, vélos à assistance électrique, mobiliers, matériels informatiques, outillages…).
Cet accueil donnera un élan nouveau au site, qui pourrait transformer son musée en atelier-vivant. L’objectif est la redynamisation de la filière bois du territoire grâce au travail des designer et artistes accueillis sur site.
Renforcer la place de la culture en ruralité
Cette action s’inscrit dans le cadre du plan « Culture et ruralité », lancé en juillet 2024 par le ministère pour renforcer la place de la culture au cœur des territoires ruraux.
Pour la ministre de la Culture Rachida Dati, qui a inauguré la résidence le 7 octobre 2024, « les territoires ruraux ne manquent pas de vie culturelle, ils manquent de considération, ils manquent d’écoute et ils manquent de soutien ». La ministre a notamment salué « l'action concertée du ministère de la Culture / DRAC Grand Est […] mais aussi celle de l’École nationale des arts décoratifs ». Le programme, qui repose sur les liens entre les acteurs locaux tout en les renforçant, constitue, « une action menée aux côtés des collectivités territoriales et de leurs élus, particulièrement l'engagement de la Communauté de communes du Pays de Bitche, avec le soutien financier du Département de la Moselle et la Région Grand Est ».
Avec près de 60 % de terres agricoles et 34 % de forêts et milieux semi-naturels, le Grand Est est l’un des terrains privilégiés du plan « Culture et ruralité ». La DRAC Grand Est s'attache à développer une politique culturelle ambitieuse dans les territoires, à l’image du dispositif de résidences « Jeunes ESTIvants », proposé depuis 2021, dans le cadre de l’Été culturel, pour mettre en valeur la jeune création artistique sur le territoire.
La promotion 2024/2025
Six étudiants encadrés par le designer Nicolas Verschaeve, designer, référent pédagogique de la promotion, ont été sélectionnés suite à un appel à candidature. Il s’agit de :
- Eudine BLANCARDI, architecte, médiatrice en co-conception, ENSA Paris-Belleville (Nice)
- Simon FRAJER, designer de l’humusité, ESAD Reims et Saint-Etienne (Reims)
- Adriana GOEPP, designer d’objets, ENSAAMA, Paris 15e (Bas-Rhin)
- Emma LAVAL, paysagiste des récits, D.E. Paysagiste concepteur, école de la Nature et du Paysage de Blois (Bayonne)
- Bazile ORIOL, paysagiste des situations, école de la Nature et du Paysage de Blois (Haut-Vivarais)
- Alice ROUX, designer bricoleuse exploratrice, école de design STRATE à Sèvres (Paris)
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