Dévoiler les coulisses de la création, tel est le pari de Plaine d’artistes, une manifestation gratuite organisée jusqu’au 2 août à La Villette. Aujourd’hui, les répétitions de l’Académie équestre de Versailles dirigée par Bartabas (4/5).

Après le laboratoire débordant de vitalité – et de générosité – du chorégraphe Mourad Merzouki, « Plaine d’artistes » n’en finit pas de nous étonner avec ses expérimentations artistiques. La preuve : depuis le 9 juillet, cette manifestation gratuite organisée par La Villette suscite à nouveau la surprise – ainsi que, comme l’avait promis son président, Didier Fusilier, des « éclats d’émerveillement » – en accueillant les répétitions du prochain spectacle de l’Académie équestre nationale du domaine de Versailles fondée en 2003 par le mythique Bartabas : « La voie de l’écuyer – opus 2020 ».

Accueillir Bartabas, ce géant de l’art équestre, metteur en scène, scénographe, écrivain, créateur du célèbre Théâtre Zingaro en 1984, et les jeunes écuyers et écuyères de son académie (ici, ce sont surtout des écuyères qui sont à la manœuvre), cela ne s’improvise pas. Pour célébrer l’événement que constituent ses premières répétitions publiques depuis la fin du confinement, La Villette a mis les petits plats dans les grands en aménageant, place du Charolais, l’un des lieux du Parc de La Villette, un dispositif inédit – en l’occurrence, « un manège éphémère » – autour duquel les spectateurs peuvent prendre place jusqu’au 19 juillet dans le plus strict respect des règles sanitaires.

Qu’elles durent cinq minutes ou une heure et demie, les séances de répétitions de l’Académie équestre de Versailles sont un véritable spectacle qui coupe le souffle aux plus blasés des spectateurs

Une répétition à couper le souffle

Le soleil de plomb qui règne ce jeudi 9 juillet dans le ciel de Paris n’a pas dissuadé le public, bien au contraire. Les spectateurs sont particulièrement nombreux ce jour-là (comme ils le seront à chacune de ces représentations) ; ils repartiront fascinés devant tant d’élégance, de rigueur, de somptuosité. Une chose est sûre : les séances de répétitions de l’Académie équestre de Versailles, qu’elles durent cinq minutes ou une heure et demie, sont un véritable spectacle qui coupe invariablement le souffle aux plus blasés des spectateurs.

Le maître est là, dans un coin, qui dirige sa troupe. De son œil d’aigle, il voit tout – une allure hâtive ici, une diagonale approximative là. Parmi les indications qu’il donne, certaines passent par les mots, d’autres par des gestes. Toutes, elles aboutissent à organiser au millimètre le mouvement dans l’espace, à le dominer, le dompter, à mettre au point une sorte de chorégraphie inédite, unissant en un seul corps l’homme et le cheval. « Pourquoi es-tu allée là-bas ? », demande Bartabas à une écuyère. Les mouvements sans équivoque de ses bras et de ses mains permettent d’anticiper la suite – ces diagonales notamment où les chevaux, qui vont par paires, se croisent, tandis que les écuyères entrechoquent leurs poings.

Bartabas -Académie équestre Versailles

La magie de la transmission

Sur le côté de la piste, deux petits garçons ne manquent pas une miette de ce qui se passe. « Ce qui me plaît, ce sont les animaux, explique Gaudence. Certaines races sont plus élégantes, d’autres plus rapides, d’autres encore sont plus fortes au saut d’obstacle. Ce qui m’impressionne ici, c’est le dressage ». On a manifestement affaire à un connaisseur. De fait, Gaudence, venu avec son petit frère Auguste, est un « passionné d’équitation ». Quand il n’est pas occupé à prendre des leçons, il accompagne son frère dans le cours des petits. De toute évidence, il aimerait bien être à la place des écuyères : « Quand je les vois, j’ai moi aussi envie d’avoir un cheval et de lui faire faire des exercices ». Après un silence, il ajoute, rêveur : « J’aimerais en monter un tout de suite, un plus petit, à ma taille ».

Après que le sol a été ratissé et rafraîchi, d’autres chevaux s’apprêtent à faire leur entrée. L’attention des enfants est à son comble. « Vous êtes idéalement placées pour les voir arriver », dit un père à ses filles, alors que les chevaux approchent. C’est aussi le moment de présenter les caractéristiques de chaque cheval, ce qui le distingue des autres, comme « cette belle crinière tressée » que signale cet autre père à sa fille. De toute façon, plus aucun des spectateurs ne détache les yeux du manège. La magie n’a pas fini d’opérer, manifestement.

Son actualité : prochain spectacle de l’Académie équestre de Versailles à partir du 26 septembre 2020 à la Grande Ecurie du Château de Versailles / dernier ouvrage publié : D’un cheval l’autre, par Bartabas (Gallimard, février 2020)