La réduction de la statue équestre de Louis XIV, reconnue d’intérêt patrimonial majeur, rejoindra les collections du musée breton en septembre après un passage de trois mois au musée du Louvre. Une acquisition rendue possible grâce au soutien de l’État.

Conçue entre 1688 et 1689 à la demande des États de Bretagne, installée à Rennes en 1726 sur l’actuelle place du Parlement avant d’être démontée et fondue en 1793, la statue équestre de Louis XIV d’Antoine Coysevox retrouve sa place dans la capitale bretonne… presque sous sa forme originale. En septembre, son modèle réduit de 94 centimètres reposant sur un piédestal de 120 centimètres du XIXe siècle, qui a été reconnu en octobre 2019 « œuvre d'intérêt patrimonial majeur » par le ministère de la Culture, va venir enrichir les collections du musée des Beaux-Arts.

Cette réduction est aujourd’hui l’unique témoignage de cette statue monumentale, hormis la gravure réalisée par l'architecte Jean-François Huguet. Elle était conservée depuis plus d'un siècle dans une collection aristocratique britannique. La vente a eu lieu en février 2021 entre le vendeur et les acheteurs - la Réunion des musées nationaux-Grand Palais pour le compte de l'État et la ville de Rennes – pour une somme de 2,37 millions d’euros, faisant de cette acquisition la plus importante jamais réalisée par l’établissement.

C’est la reconnaissance par le ministère de la Culture de « l'intérêt patrimonial majeur » d’une œuvre qui permet également à des Musées de France territoriaux d'acquérir des biens culturels grâce à un dispositif fiscal qui autorise le financement de l’achat par une entreprise mécène, celle-ci bénéficiant, en contrepartie, d’une réduction de son impôt sur les sociétés. Pour cette œuvre, il s’agit du groupe Norac, spécialisé dans l’agroalimentaire et dont le siège est installé en plein cœur du centre historique de Rennes.

À travers ce dispositif, l’État marque ainsi son soutien important et ambitieux à l’enrichissement des collections publiques territoriales, comme celle de Rennes. Entretien avec Guillaume Kazerouni, conservateur au musée des Beaux-Arts.

L’histoire de la statue originale est pour le moins mouvementée. Pouvez-vous nous la raconter ?

Cette sculpture a quarante ans de conception derrière elle. Nous sommes à l’époque de la révolte du papier timbré (en 1675 ndlr) qui conduit le Parlement à s’exiler à Vannes. Les États de Bretagne proposent de faire une statue pour le roi et c’est Nantes qui est au départ choisie pour recevoir cette œuvre. Ce monument, qui fait presque 14 mètres de haut avec son socle et qui est composé de bronze, apparaît donc particulièrement coûteux et difficile à faire.

L’évêque de Saint-Malo va alors entrer en jeu et poser ses billes pour récupérer la statue et l’installer à Rennes d’autant plus qu’à Nantes, il n’y avait pas de place pour l’accueillir. La statue va rester ici soixante-sept ans, jusqu’à la Révolution. Pour l’anecdote, on va d’abord enlever le roi que l’on envoie à la fonte tout en gardant le cheval. Mais il va y avoir des plaintes des habitants et des révolutionnaires pour dire que le cheval avait l’air d’attendre le roi suivant et il sera à son tour enlevé.

Quel est le lien entre cette œuvre et la ville de Rennes ?

_D5S7735 Presentation presse de la statue de Coysevox au Louvre.jpg

Cette œuvre raconte toute une part de l’histoire de Rennes et de son urbanisme. L’incendie de 1720 a détruit tout le centre-ville et c’est peut-être « grâce » à ce sinistre que l’architecte Gabriel, chargé de la reconstruction, a pu créer une place autour du Parlement sur le même modèle que les places Vendôme et des Victoires à Paris et coordonner le placement de la statue au milieu. Et c’est autour de cette place que Gabriel a pu reconstruire tout le centre-ville avec une seconde place, l’actuelle place Louis-XV où se trouve aujourd’hui l’hôtel de Ville. La statue participe donc pleinement au visage de Rennes aujourd’hui.

Quel est l’intérêt d’un point de vue artistique pour votre musée d’acquérir le modèle réduit de cette œuvre ?

Le XVIIe siècle est le point fort de nos collections anciennes grâce à une politique d’acquisition volontariste et régulière qui nous a permis de multiplier par cinq le nombre de pièces de cette période en une quarantaine d’années. Elle compte aujourd’hui environ 250 tableaux du XVIIe siècle dont près des trois quarts acquis à partir des années 60.

Nous nous sommes positionnés petit à petit autour de deux œuvres clé de la ville : Le Nouveau-né de Georges de La Tour, le joyau du musée, et l’extérieur du musée avec le Parlement. Ce bâtiment du XVIIe est un chef d’œuvre de l’architecture et son intérieur, un exemple du grand décor de l’époque de Louis XIV. Pour répondre à ces deux œuvres, le musée a développé cette section du musée et ce modèle réduit est donc essentiel dans cette collection d’autant plus que nous n’avions quasiment pas de sculptures.

Le XVIIe siècle est le point fort de nos collections anciennes grâce à une politique d’acquisition volontariste

Après une présentation au musée du Louvre (voir encadré), cette réduction rejoindra à partir de septembre le musée des Beaux-Arts, à l’occasion des Journées européennes du Patrimoine. Comment envisagez-vous de la présenter ?

Nous avons la chance d’avoir déjà au musée les deux grands reliefs de cette statue qui n’ont pas été fondus à la Révolution. Ils étaient souvent conservés à l’époque pour leur valeur artistique et aussi car ils représentaient moins le souverain, étaient plus allégoriques. C’est donc aujourd’hui une opportunité formidable de les réunir. La statue sera présentée devant notre grand Christ en croix de Charles Le Brun. Nous pensons que tout cela devrait très bien marcher ensemble.

Une œuvre exposée trois mois au Louvre

Avant de rejoindre le musée des Beaux-Arts de Rennes, ce modèle réduit de la statue équestre de Louis XIV est exposé temporairement au musée du Louvre jusqu’au 5 septembre cour Puget. Il est mis en regard avec une autre réduction, celle de la statue équestre du roi qui ornait la place Vendôme par Girardon. Cette exposition temporaire reflète la collaboration entre les deux établissements. « Le Louvre a apporté une aide générale via notre politique de relation et de partenariats menés avec les Musées de France, explique Sophie Jugie, directrice du département des sculptures du Louvre. Il y a également eu une aide spécifique lors de l’étude de l’œuvre puisque le musée est également un lieu de recherche. »

Depuis son ouverture en 1793, le Louvre soutient en effet les musées territoriaux à travers des prêts, dépôts, expositions ou partenariats. Le musée cherche aussi à favoriser les collaborations avec les musées porteurs de nouveaux projets scientifiques et culturels ou qui ont des projets de rénovation. C’est ainsi que les réouvertures des musées de Nantes, de Montauban, d’Amiens, de Besançon, de Dijon ou du musée Girodet de Montargis ont bénéficié récemment du concours actif du musée parisien.