Signé le 2 octobre, un accord prévoit l'installation des réserves du Louvre à proximité du Louvre-Lens. Créant une « synergie entre les deux musées », le projet met en avant la « protection des collections » aussi bien que la programmation « scientifique » du site. Entretien avec Hervé Barbaret, administrateur général du musée du Louvre.
Avant la décision d’implanter le Centre de réserves du Louvre à Lens, de nombreux autres sites ont été pressentis. Comment s'est fait le choix du site ?
Le projet d’externalisation des réserves du Louvre est en effet un projet ancien. Il est lié au risque, scientifiquement avéré, de crue centennale de la Seine, qui mettrait en danger une grande partie des collections des musées parisiens. En 2008, a eu lieu une étape importante: un appel à projets en direction des collectivités territoriales et des aménageurs, suivi d'une vaste recherche en 2008-2009. A la question « où mettons-nous nos réserves », il y avait deux réponses : soit on construisait un « blockhaus » destiné à protéger les œuvres, mais qui n’apporterait aucun élément de valorisation scientifique ou culturelle, ce qui était dommage ; soit on choisissait d’édifier un lieu vivant, de travail, avec un programme scientifique ambitieux. Cet appel à projets a permis de sélectionner un premier site, celui de Cergy-Pontoise, où la collectivité locale portait un projet ambitieux. Ce projet n’a finalement pas pu aboutir, et pour le Louvre, le site du Louvre-Lens, placé à la limite des communes de Lens et de Liévin, avec ses importantes réserves foncières, est apparu comme une évidence. Il se créait ainsi une synergie naturelle entre les deux musées.
Y aura-t-il une circulation entre les réserves du Louvre et celles du Louvre-Lens ?
Dans l'optique d'animer ses réserves et de montrer les coulisses de son musée, le Louvre-Lens a créé 1000 m2 de réserves visibles et visitables, avec tout un programme de visites, d'expositions et d'ateliers. Sachant que le public aime passer de l'autre côté du miroir, il a ainsi « scénarisé » des ateliers de restauration. En revanche, les réserves du musée du Louvre n’ont pas vocation à être visitables pour des raisons évidentes de conservation et de normes d'accès au public. Elles n'en irrigueront pas moins la programmation du Louvre-Lens. Si une œuvre des réserves du Louvre fait l'objet d'une restauration, par exemple, elle fera plus facilement les 300 m qui la séparent du Louvre-Lens pour y être dévoilée. Je pense notamment au Sarcophage des Epoux, chef d’œuvre des collections étrusques du Louvre, qui fait actuellement l’objet d’une restauration à Lens avant d’être présenté lors de la prochaine exposition du Louvre-Lens, « Les Etrusques et la Méditerranée », qui ouvrira le 4 décembre.
Quelles oeuvres venues du musée du Louvre figureront dans le futur Centre de réserves ?
Il ne faut pas s’attendre à y trouver les œuvres les plus « célèbres » du musée, celles-ci étant logiquement présentées dans les galeries du palais. Au Louvre, une partie des œuvres est destinée à rester sur place car elles ne souffrent pas du risque d'inondation. C'est le cas – entre autres – des fragiles collections d'arts graphiques, situées au premier étage. Les œuvres des réserves, par définition, ne sont pas seulement des œuvres dites majeures, mais toutes présentent un réel intérêt scientifique. Elles peuvent par exemple expliquer la genèse d'un chef d'œuvre. Dans le futur Centre, on trouvera des œuvres représentant l’ensemble des départements du musée de Louvre, hors les Arts graphiques : tous les matériaux seront représentés, des plus fragiles comme les ivoires, au moins fragiles comme les œuvres en lapidaire.
Décrivez-nous ce futur Centre? Quel sera le rôle du comité de pilotage ?
Avant toute chose, le bâtiment devra être totalement dévolu à la protection de nos collections. C’est sa raison d’être. Face au caractère encyclopédique du musée, il faudra qu’il soit adapté à la spécificité de chaque œuvre – d’un bijou antique à un tombeau monumental en passant bien entendu par les tableaux de tous formats et de toute nature. Il y a d’innombrables aspects techniques à prendre en compte quand on construit des réserves. Le comité de pilotage suivra trois chantiers. Un chantier juridique qui définira la maîtrise d'ouvrage. Un chantier technique pour dresser un diagnostic concernant le terrain – notamment sur le plan archéologique et de la pollution. Enfin, un chantier budgétaire unissant les efforts, de la Région et du musée du Louvre, qui participera sur ses fonds propres à hauteur de 30 ME, soit 51 % du financement du projet. D'autres financements nous seront nécessaires, notamment européens. Dans douze mois, l’ensemble de ces chantiers fera l’objet d’un point d’ensemble. La construction devrait s'étaler sur trente-six mois pour une ouverture prévue en 2017.