Pour sa troisième édition, la Semaine de l'accessibilité réunit, du 29 novembre au 7 décembre au musée du quai Branly, public handicapé et public valide. Entretien avec Anne Picq, directrice des publics depuis septembre.
Pourquoi une Semaine de l'accessibilité au musée du Quai Branly ?
La question de l'accessibilité du musée est posée depuis sa conception architecturale par Jean Nouvel. C'est aussi une volonté politique forte du président du musée, Stéphane Martin, depuis l'origine. Tous nos projets portent en eux l'exigence d'accessibilité. Toutes nos équipes sont formées dans ce but. Deux temps forts soulignent notre cause : la Journée internationale du handicap, le 3 décembre, à laquelle le musée s'associe chaque année et la Semaine de l'accessibilité, qui a lieu au musée tous les deux ans. L'idée de cette Semaine est d'éclairer par un coup de projecteur ce que nous proposons tout au long de l'année. Avec des surprises spécialement proposées durant cette semaine, telle que la cuisine dans le noir. L’aventure d’une œuvre dans le noir permet de découvrir autrement nos collections. Le visiteur valide, équipé d’un bandeau sur les yeux, rencontre le visiteur non voyant, il partage avec lui la même émotion. Voilà un bon exemple de cette « accessibilité universelle » que nous cherchons à atteindre. En mélangeant tous les types de handicap entre eux, le public valide et les publics handicapés, le jeune public et le public adulte, nous favorisons la rencontre autour d'émotions communes.
Quelles autres expériences le visiteur va-t-il vivre, au cours de cette semaine ?
On a cette chance d'être un musée jeune, ouvert sur la modernité et axé sur les outils numériques les plus performants. Cette semaine est l'occasion rêvée de découvrir la large palette des dispositifs sensoriels qui sont la marque du musée. Nous proposerons en libre accès des ateliers, des visites, des projections, des rencontres, dont certaines dureront au-delà de la semaine de l'accessibilité. Prenez l'exposition « Mayas, révélation d'un temps sans fin ». Son succès est dû en grande partie aux expériences qu'elle permet de faire. L'espace tactile qui y est installé a été pris d'assaut par les familles. Les enfants adorent toucher. En clôture, le 7 décembre, sera donné un spectacle universellement accessible. Il s'agit d'un conte visuel féérique, intelligible par tous, qui bénéficiera d'une audiodescription et d'une interprétation en LSF, la langue des signes française.
Les personnes en situation de handicap ont-elles une sensibilité particulière qui les rapproche des arts premiers ?
Le musée présente des oeuvres d'une grande variété, qui parlent à tous les publics, à toutes les sensibilités. Ces collections ont une force extraordinaire, qui permet une authentique approche sensorielle pour chacun d'entre nous. Sans pour autant simplifier le propos, on s'appuie beaucoup sur cette émotion première. Sur le Plateau des collections du musée, et selon certaines modalités, les visiteurs non-voyants peuvent toucher des oeuvres originales avec des gants. Cette première approche, complétée ensuite par un discours scientifique adapté, permet une compréhension en profondeur de nos collections. Il y a les objets du quotidien, qui font écho à notre propre expérience. Il y a les objets qui demandent à être compris dans un cadre rituel, comme les masques. Je signalerai pour finir une belle expérience faite dans l'un des « ateliers nomades » conduits par le « musée hors les murs » dans le cadre de sa politique de démocratisation culturelle. A l'hôpital de jour de Clichy Montfermeil où la peinture aborigène leur est présentée, les patients en psychiatrie trouvent un écho avec leur propre vécu. En peignant, ils figurent leur propre territoire. Ils se réapproprient leur ville de Montfermeil, dont bien souvent ils ne sont jamais sortis. Cet exemple touchant montre qu'il existe une continuité secrète entre ces œuvres et nous.