« Morceau de sucre » pour les uns, « coffre précieux » pour les autres, le bâtiment conçu à Pierrefitte-sur-Seine par l’architecte Massimiliano Fuksas pour abriter le Centre des archives nationales séduit autant par sa silhouette avant-gardiste que pour ses remarquables performances énergétiques. Dernier volet de notre série sur les JEP 2015 à l’heure de la COP21 (3/3).

Avant même son ouverture, en 2013, le bâtiment de Massimiliano Fuksas attisait la curiosité. Sa situation isolée au milieu d'un vaste terrain allait-elle lui permettre de remplir sa mission vis-à-vis des chercheurs, des étudiants et du grand public de la Seine-Saint-Denis ? Quelles prouesses technologiques allait-il déployer pour conserver les archives, en particulier les fonds datant de la Révolution, et devenir un fer de lance dans ce domaine ? « L'idée de construire un bâtiment d'avant-garde pour abriter un patrimoine aussi ancien, précieux et fragile, était très motivante pour un architecte tel que Massimiliano Fuksas. Plusieurs principes l'ont guidé. Le bâtiment devait mettre en avant la notion de patrimoine, être grand par sa contenance en archives, et exemplaire en termes d'isolation et d'économies d'énergie », explique l’architecte Jean-Luc Bichet. Imaginez un « morceau de sucre » de 38m de haut sur dix étages, 160m de longueur et 50m d'épaisseur, posé au milieu de nulle part. Il brille légèrement car, pour montrer la valeur du patrimoine qu'il renferme, l'architecte l'a entièrement revêtu de panneaux métalliques en aluminium anodisé en forme de losanges. Fuksas l'appelle son « coffre précieux ». En 2013, il a fait partie des douze projets nominés à l’Équerre d'argent (le lauréat était le Louvre-Lens). « C'est un bâtiment dont l'architecture marque son temps et dont les performances ont fait faire un grand pas en avant dans l'histoire des bâtiments d'archives », assure Jean-Luc Bichet.

« Ce bâtiment offre une vraie visibilité sur l'avenir. Il n'a pas fini de nous étonner »

En effet, quelle est la raison d'être d'un tel bâtiment, si ce n'est de voir loin (sa capacité d'accueil est de trente ans) et de « conserver les archives pour l'éternité » ? Et comment les conserver, si ce n'est en les soustrayant à ses ennemis naturels que sont la lumière, l'humidité, les variations climatiques, mais aussi les polluants internes ? « Les archives sont le bien le plus précieux que contient ce bâtiment. Tout tourne autour d'elles ». Aussi le bâtiment est-il exemplaire, voire drastique, en termes d'isolation, de réglementation thermique, d'économie d'énergie. Les locaux de travail du personnel ne sont pas climatiquement traités comme les magasins d'archives. Justement, les magasins n'ont pas de température constante puisque la variation des températures est de 16° l'hiver à 24° l'été, et l'hygrométrie relative associée est de 40 % à 57 %. Cette variabilité acceptée par les conservateurs permet également des économies d'énergie.

Même si la réglementation thermique date de 2005 - dix ans déjà, autant dire une éternité - certaines choses ont pu être changées en cours de projet, comme par exemple le coût du brassage d'air qui a été divisé par deux, et celui du débit d'air neuf par trois. De même, un ancrage existe pour intégrer dans le futur une surface importante de panneaux photovoltaïques (5000 m2). « Aujourd'hui encore, des délégations étrangères viennent voir nos installations, relève Bruno Bonandrini, ingénieur thermicien.Certaines de ces installations sont des « premières » pour un bâtiment culturel. Ainsi, par exemple, les gaines venues d'Italie : elles diffusent de l'air à haute vitesse selon un procédé utilisé dans les hangars d'Airbus. Ou encore le système d'extinction d'incendie par brouillard d'eau qui vient de l'Europe du nord : il est utilisé sur les bateaux. Il s'agit de procédés industriels peu destructifs. Ce bâtiment offre une vraie visibilité sur l'avenir. Il n'a pas fini de nous étonner ».

Le Centre des archives nationales de Pierrefitte aux Journées européennes du patrimoine 2015

Pour sa troisième participation aux Journées européennes du patrimoine, le Centre des archives nationales de Pierrefitte-sur-Seine a axé sa programmation sur la découverte d'un bâtiment récent. « Nous voulions attirer la curiosité du public sur un bâtiment et un site tout neufs, eux-mêmes intégrés dans un département récent, la Seine-Saint-Denis, laquelle n'existe – somme toute – que depuis 1964 », explique Ghislain Brunel, directeur des publics. Au programme, il y aura un concert de percussions (marimbas), présenté par l'association Jeunes talents dans le grand hall d'entrée. Des étudiants venus spécialement de Nancy serviront de guides pendant les deux jours. Lors de leurs études d’architectes, ils ont réalisé des maquettes du bâtiment et du site qui seront présentées au public. Les plus jeunes pourront découvrir les principes de l'architecture et s'initier au dessin en 3D, ce qui leur permettra d'appréhender le travail de l'architecte. Les enfants de Pierrefitte-sur-Seine, Saint-Denis et Stains apprendront notamment comment on restaure un bâtiment du XXIe siècle. Quant aux ateliers... « Il n'y a qu'à puiser dans nos ressources, poursuit Ghislain Brunel. La Déclaration des droits de l'homme, la guerre d'Espagne, les carnets de guerre 1914-1918, les archives des présidents de la République : ce sont autant de sujets qui séduisent le public. Nous proposons même un atelier sur la géographie de la Seine-Saint-Denis, avec des cartes et documents originaux, pour permettre aux visiteurs de mieux se rendre compte de l'insertion du bâtiment dans leur territoire ». Qui pense encore que les archives n'attirent pas les foules ? Pierrefitte-sur-Seine fait chaque jour l'expérience du contraire. « Les archives étonnent et intéressent les primovisiteurs dès lors qu'on leur parle de la grande diversité des matériaux d'archives et de la multiplicité des métiers qu'elles représentent ».