Toute une école se mobilise pour accueillir du 8 au 23 mars la 16e édition du Printemps des poètes, avec des lectures, des rencontres. Une façon de favoriser l’ouverture des enfants sur la poésie et de l’encourager comme pratique culturelle. Reportage à l’école Paul Langevin à Ivry-sur-Seine.

Des poissons rouges dans un bocal, des mobiles en papier suspendus par un fil qui portent chacun le nom d’un poème bariolé à l’encre ou au pinceau, «Le chat et l’oiseau», «Le corbeau et le renard», «La cigale et la fourmi», un autre avec de grandes lettres découpées dans du papier noir qui bout à bout composent le nom de Jean de La Fontaine, une plante rouge vif posée sur un guéridon, des couleurs, encore des couleurs, puis un tableau vert tout au fond et des craies blanches...Cet ensemble plante le décor de la classe de cm2, de Mme Dubreuil-Barras, enseignante à l’école Paul Langevin pleinement mobilisée autour de la 16e édition du Printemps des Poètes.

Un petit tour dans l’imaginaire

Une élève place le mot Poésie pour figurer en premier sur l’emploi du temps de la journée, devant d'autres, Lecture, Écriture, Anglais, Grammaire...Aujourd’hui, une poétesse, et ancienne institutrice, Jeanine Salesse viendra raconter son expérience des mots.

Elle commence par une image. La reproduction d’une statuette de l’Égypte antique, une tanagra, représentant une fillette endormie. Les élèves décrivent ce qu’ils voient et imaginent ce qu’elle tient entre ses mains, ce par quoi elle est recouverte, un drap, « un doudou », dira l’un. Puis, ils citent à haute voix des poèmes appris en classe, mais d’autres aussi, comme «Les Compagnons d’Ulysse» de Jean de La Fontaine, brandi par l’un des élèves comme un "secret" dévoilé recueilli par sa grand-mère.

Les élèves cherchent dans l’un des poèmes dits par la poétesse des concordances entre des prénoms anciens et ceux d’aujourd’hui. Ils entendent des mots d’un autre temps, procèdent par associations. L'occasion d'évoquer le jeu des dés, de parler de la familiarité des oies, du dieu mi-homme mi-chien revenu de l’enfer, bref, de faire un tour dans l’imaginaire, sans limites, juste par petites touches, en passant.

Puis, Jeanine Salesse passe entre les rangées, distribue aux uns et aux autres de petits bouts de papier avec un début de phrase, « Dans le froid », « Qu’est-ce qu’on peut raconter à ses genoux », « Dans ton rêve », « Un jour, on ira jusqu’au désert »…à chacun ensuite de composer une histoire, de faire défiler les mots, d’inventer la suite, au gré de sa spontanéité.

Un élan qui vient de soi

« La poésie est rythme », dit Jeanine Salesse. « Elle est d’abord un élan qui vient de soi-même et raconte au plus juste ses sentiments, ses émotions, ce que l’on voit, mais en aucun cas quelque chose de joli ! », précise-t-elle. C'est sans doute pour cela que les enfants y sont sensibles, et l’apprennent vite car « à cet âge, ils ont une grande mémoire, une confiance, et beaucoup de choses à l’intérieur d’eux-mêmes qui ne sont pas exploitées. »

Ce qui va les toucher, explique Jeanne Salesse, « c’est la musique du poème ». C’est aussi ce qu’ils vont partager avec les autres, comme un fil qui relie, au-delà des mots et de leur compréhension logique.

L’école en synergie

L'année dernière, ce fut le déclic. Les élèves de Justine Donnard, enseignante à l’école Paul Langevin et passionnée de poésie, se retrouvent en classe de neige avec d'autres élèves de l’école. Ils se réunissent à «l'instant T à 19h tous les jours quinze minutes» et disent devant leurs camarades des poèmes qu’ils ont choisis. Pour certains élèves en difficulté, «c'est une façon de se mettre en valeur », explique l'enseignante qui depuis quatre ans participe avec ses classes aux actions organisées par le Printemps des poètes grâce au label « École en poésie ». Ils «apprennent un autre langage, universel, commun à tous ». L'enseignante rapproche la poésie des arts plastiques, de la danse… «A l’école », dit-elle, « on travaille sur l’expression corporelle ». On apprend à dire le poème : « Comment lui donner vie? : Il se prononce, se met en bouche, en voix, avec des intonations, des silences, des accélérations, des lenteurs. »

Le Printemps des poètes est aussi l'occasion de créer au sein de l'école une synergie. Les enseignants réfléchissent ensemble aux diverses approches pour aborder la poésie, aux actions « sur ce qu’on pourrait faire, à soi-même se former pour se familiariser plus encore à la pratique de la poésie, son écriture. »

Enfin, la poésie, dit Justine Donnard, permet aussi et notamment aux enfants, d’exprimer le trouble sans le nommer, « de dire des choses de la vraie vie, mais autrement, d’éclairer par la métaphore des instants légers ou graves,». Un espace de liberté. « Sans frontières fixes », dit-elle, en reprenant le mot du poète, Jean-Pierre Siméon.