Alors que la Conférence sur la protection du patrimoine culturel en péril, voulue par la France et les Émirats arabes unis, débute le 2 décembre à à Abou Dabi, la ministre de la Culture et de la Communication évoque les enjeux de ce sommet.

 

Alors que les risques encourus par le patrimoine n’ont jamais été aussi importants, le Président de la République a décidé, aux côtés des Émirats arabes unis, de mobiliser la communauté internationale lors d’une conférence sur le patrimoine en danger. Qu’attendez-vous de ce sommet ?

A Palmyre, Mossoul, Tombouctou ou en Afghanistan, la destruction des œuvres d’art, qui sévit dans les zones des conflits, est devenue l’une des formes les plus choquantes de la barbarie contemporaine. C’est pourquoi il y a urgence aujourd’hui à protéger par tous les moyens les vestiges archéologiques et les biens culturels qui appartiennent – il faut le rappeler très fortement – au patrimoine de l’humanité tout entière. C’est le sens d’une mobilisation internationale qui en appelle, derrière le Pape François mercredi, et cinq prix Nobel aujourd’hui, à une véritable prise de conscience de la communauté internationale. La Conférence d’Abu Dhabi sur la protection du patrimoine culturel en danger, voulue par la France et les Émirats arabes unis, doit avant tout nous permettre de trouver des solutions concrètes face à ces destructions et pillages devant lesquels nous sommes, le plus souvent, impuissants. Parmi ces nouveaux outils et ces solutions innovantes, je citerai une déclaration politique engageant les 40 États participants, la création d’un Fonds international ouvert aux contributions publiques et privées et la constitution d’un réseau international de refuges pour les biens culturels en danger.

Il y a urgence aujourd’hui à protéger par tous les moyens les vestiges archéologiques et les biens culturels qui appartiennent au patrimoine de l’humanité tout entière

La création d’un Fonds mondial pour la sauvegarde du patrimoine menacé est l’une des mesures phares de ce sommet. Quel est son objectif  ?

La création d’un Fonds international dédié à la protection du patrimoine culturel en danger se révèle aujourd’hui indispensable pour accroître les ressources consacrées à la préservation du patrimoine culturel menacé. Ce Fonds permettrait en outre de parvenir à une meilleure coordination des nombreuses initiatives qui existent déjà dans le monde. La stratégie du Fonds s’appliquera sur l’ensemble de la chaîne patrimoniale, notamment en matière de formation, de restauration, d’inventaire, de numérisation, d’intervention pendant les conflits, de lutte contre les trafics illicites. L’objectif annoncé par le Président de la République lors d’une conférence au Metropolitan Museum of Arts de New-York en septembre dernier est de 100 millions d’euros, soit la somme nécessaire pour agir avec efficacité dans les deux années qui viennent. La France, qui l’abondera à hauteur de 30 millions d’euros, et les Émirats arabes unis, en sont les deux premiers contributeurs.

Autre mesure attendue  : la possibilité d’accorder refuge aux œuvres menacées en offrant toutes les garanties de sécurité pendant un conflit que vous avez fait adopter lors du vote de la loi relative à la liberté de la création, à l’architecture et au patrimoine. Pourquoi cette mesure – qui devrait être l’un des fils rouges de la conférence à Abu Dhabi – est-elle si attendue ?

Le but de la création d’un réseau international de refuges est de renforcer la coopération internationale sur deux plans. D’abord, pour aider les pays à constituer des refuges temporaires sur leur propre territoire, ce qui reste une priorité pour nous. Ensuite, pour apporter toutes les garanties nécessaires en cas de transfert temporaire à l’étranger, en dernier recours. Dès que des biens culturels mobiles sont menacés en raison de conflits, un État doit pouvoir disposer de moyens pour les mettre à l’abri. Les procédures de déclenchement et d’évacuation des biens culturels en péril peuvent être provoquées par une demande d’évacuation et d’accueil temporaire émanant de l’État propriétaire déposant, ou par une résolution du conseil de sécurité des Nations Unies. Le 1er novembre 2016, le Président de la République a proposé que le Centre de conservation du Louvre à Liévin devienne le centre refuge pour la France sur la base de loi du 7 juillet 2016 relative à la liberté de la création, à l’architecture et au patrimoine.

Patrimoine en danger : enjeux politiques, outils juridiques

Mandaté par le Président de la République pour organiser avec les Émirats arabes unis, la Conférence internationale sur le patrimoine culturel en danger d’Abou Dabi, Jack Lang, ancien ministre et président de l’Institut du Monde arabe, est revenu le 29 novembre sur les enjeux de ce sommet international. Soulignant le caractère « historique » de cet événement, le président de l’Institut du Monde arabe a souhaité que la Conférence d’Abou Dabi soit « résolument tournée vers l’action ». Il a également indiqué que sa « composition est tout à fait originale. Elle réunira une quarantaine d’États, qu’ils soient victimes ou susceptibles de participer au Fonds international pour la protection du patrimoine en danger, qui sera l’une des réalisations phare de cette conférence, mais aussi des représentants d’institutions culturelles de très haut niveau, des fondations, des mécènes… Réunir États, fondations privées, institutions culturelles, c’est la seule méthode pour réussir à dégager un consensus positif et actif ». En clôture de la Conférence, une déclaration publique devrait être adoptée par les pays représentés. « Nous souhaitons que les conclusions de la Conférence soient consacrées par une résolution au Conseil de sécurité de l’ONU », a ajouté Jack Lang.