Quelles initiatives pour renforcer l’attractivité culturelle de la France ? De grands acteurs culturels publics et privés ont fait part de leurs ambitions – et de leurs projets – lors d’un colloque qui s’est tenu le 9 mars au ministère des Affaires étrangères. Compte rendu.
La France est attractive, qu’on se le dise !, lance Olivier Poivre d’Arvor, ambassadeur chargé de l’attractivité culturelle de la France, pour présenter le Grand Tour, une opération destinée à mettre en avant le potentiel de notre pays. Les Cassandre et autres déclinistes, ceux-là mêmes qui prédisaient il y a quelques années la mort de la culture française dans les colonnes du magazine Time, en seront pour leurs frais. Au programme du Grand Tour, la démonstration en une cinquantaine d’étapes – et autant d’événements – de l’extraordinaire attractivité culturelle de la France.
Le nouveau tourisme culturel
On a longtemps opposé tourisme et culture. Aujourd’hui, nous pourrions presque célébrer leur mariage, se félicite Christian Mantei, le directeur général d'Atout France, qui insiste sur le rôle essentiel joué par les villes – et en creux par leur offre culturelle – dans la croissance du secteur touristique aujourd’hui. Des villes doublement gagnantes, si l’on songe qu’elles engrangent de belles retombées économiques et profitent du regard des touristes.
S’il est une manifestation généreuse dans son approche du territoire, c’est bien le Voyage à Nantes. Si elle est, au premier chef, un voyage dans la ville – Nous créons un parcours pour les touristes, nous mettons la ville en scène comme on le ferait d’une pièce de théâtre, c’est une façon littéraire de rentrer dans la ville, précise Jean Blaise, son directeur général – sa programmation se déploie tout le long de l’estuaire de la Loire jusqu’à Saint-Nazaire.
Le Centre des monuments nationaux n’est rien de moins quele premier opérateur culturel et touristique français, selon son président Philippe Belaval. Les monuments qu’il gère combinent deux atouts principaux : ce sont des lieux que l’on ne peut véritablement sentir qu’en se déplaçant et ils sont d’une incroyable plasticité, des opérations autour de la transmission autant que des expositions d’art contemporain ou des mises en scène de théâtre, peuvent y être organisées.
Autre fait notable, l’essor du tourisme de mémoire. Joseph Zimet, le directeur général de la Mission du centenaire de la Première Guerre mondiale, évoque une géographie des morts et des paysages de la Grande Guerre. A la clé, rendre attractif ce vaste conservatoire de la mémoire : Un immense cluster réunit aujourd’hui toutes les parties intéressées autour de la marque Verdun 2016. En mai, le réalisateur Volker Schlöndorff signera la mise en scène de la cérémonie de commémoration à laquelle sera associé l’orchestre West-Eastern Divan dirigé par Daniel Barenboïm.
Toujours au registre des réussites, Pierre-Olivier Bandet, directeur de cabinet du PDG d’Air France, évoquant le partenariat entre le ministère de la Culture et de la Communication et la compagnie aérienne, se félicite du succès rencontré par les documentaires Escales Culture proposés aux voyageurs pendant les vols.
"Nous sommes en première ligne pour mesurer l’amour dont la France est l’objet dans le monde. L’imaginaire est très fort autour de notre pays, mais paradoxalement, il existe une rupture entre la perception à l’étranger et à l’intérieur de nos frontières. Pour produire de la conscience nationale et citoyenne, nous devons relayer ce que disent de nous les publics étrangers" Marie-Christine Saragosse, PDG de France Médias Monde
« Un festival, et quoi d’autre ? »
S’il est un avis unanimement partagé, c’est qu’il n’existe plus aujourd’hui de « festival-citadelle » pour reprendre la formule utilisée par Bernard Foccroule, directeur général du festival d’Art lyrique d’Aix-en-Provence. Aujourd’hui, les festivals, plus que jamais, sont ouverts sur leur environnement. C’est vrai à Aix-en-Provence – l’expérience festivalière s’est aujourd’hui considérablement élargie, le festival devient notamment une interface entre l’Europe et la Méditerranée, cet été, nous présenterons un opéra chanté en arabe– mais aussi à Chaumont-sur-Loire où le festival international des jardins bénéficie pleinement de sa situation, comme en témoigne Chantal Colleu-Dumont sa directrice, ou encore à Angoulême où le festival international de la bande dessinée « a fait naître toute une économie de l’image », selon son directeur Franck Bondoux. Une préoccupation que résume parfaitement Sam Stourdzé, le directeur des Rencontres d’Arles, qui ont accueilli 93 000 spectateurs en 2015 : Notre principal enjeu aujourd’hui est territorial, nous avons une dynamique collective à jouer.
Et chacun d’indiquer ses initiatives propres. Ainsi, les présentations sont systématiquement traduites en quatre langues à Chaumont-sur-Loire – le visiteur doit se sentir attendu précise Chantal Colleu-Dumont – ; des lunettes proposant un vaste choix de surtitrages en différentes langues sont testées dans le cadre du Label French Tech Culture ainsi qu’une Web TV, indique Paul Rondin, directeur délégué du Festival d’Avignon. Arles fait des émules à l’étranger, nous avons ouvert une version chinoise du festival, selon Sam Stourdzé. Quant au festival des Vieilles Charrues, il reste fidèle à sa stratégie du coup d’éclat : cette année, nous serons les seuls en France à accueillir Lana Del Rey, souligne Jérôme Tréhorel son directeur général. Pour autant, il ne s’agit pas de se reposer sur ses lauriers : les festivals restent encore des événements fragiles, de nouveaux modèles doivent être inventés, nuance Franck Bondoux.
Un Grand Tour autour du monde
Enfin, point d’attractivité sans ces promoteurs essentiels de la culture française que sont les opérateurs de l’action culturelle extérieure, réseaux des Instituts français et des Alliances françaises en tête. Leurs représentants ne mâchent pas leurs mots. Jérôme Clément, président de la Fondation Alliance française, estime que la langue française devrait être davantage promue dans l’espace francophone : C’est un formidable atout, il faut s’en servir comme un outil majeur d’influence. Un propos que l’on retrouve presque au mot près – le partage du français au sein de la francophonie est essentiel– chez Yves Bigot, directeur général de TV5 Monde. Marie-Christine Saragosse, PDG de France Médias Monde, tire quant à elle les leçons de la situation actuelle : Nous sommes en première ligne pour mesurer l’amour dont la France est l’objet dans le monde. Les événements tragiques que nous avons vécus l’an dernier l’ont bien montré. L’imaginaire est très fort autour de notre pays, mais paradoxalement, il existe une rupture entre la perception à l’étranger et à l’intérieur de nos frontières. Pour produire de la conscience nationale et citoyenne, nous devons relayer ce que disent de nous les publics étrangers. Autre message fort, celui de Renaud Donnedieu de Vabres, ancien ministre de la Culture, président de RDDV Partner : Aujourd’hui, l’image extérieure de l’Europe se résume aux frontières fermées. À l’origine pourtant, l’Europe est une fraternité de destins. Quand le ministère de la Culture et de la Communication a lancé le label européen du patrimoine, c’était pour créer des liens entre ces lieux culturels qui sont le ciel étoilé de l’Europe. Point d’attractivité enfin sans les conventions de l’UNESCO véritables instruments de coopération participant au rayonnement de la France pour Philippe Lalliot,ambassadeur,délégué permanent de la France auprès de l’institution.