Le 11 février, Fleur Pellerin avait promis un « changement d’échelle » du dispositif éducatif de la Nuit des musées : La classe, l’œuvre. Pour la NDM 2015, les initiatives éducatives se font plus larges – elles touchent cette année 242 musées – et surtout plus diversifiées, comme celle du musée d’art et d’histoire de Saint-Denis, qui interroge la transmission en plusieurs langues, ou celle du musée du Louvre, qui se penche sur la LSF – la langue des signes – avec des élèves non scolarisés antérieurement. Rencontre autour de deux musées en régions.
« Célébrer l'Art nouveau en travaillant la spontanéité »
Séverine Altmayer enseigne les arts plastiques au collège La Plante Gribé de Pagny-sur-Moselle
« D'abord attirée, comme tant d'autres d'enseignants de la région, par le Centre Pompidou Metz, je me suis orientée vers un autre musée, celui de l’École de Nancy pour vivre l'aventure de « La classe, l’œuvre ! » avec ma classe de 5e. L’œuvre proposée par le musée – un grand vitrail de Jacques Grüber figurant un paon au milieu de fleurs – a subjugué les enfants. C'était un choc pour eux, après avoir d'abord travaillé sur images, de découvrir l’œuvre en taille réelle. Ils ont découvert aussi qu'un vitrail pouvait provenir non seulement d'une église, mais aussi – c'est le cas ici – d'une maison particulière et représenter non des motifs religieux, mais la faune et la flore, qui sont la source d'inspiration de l'Art nouveau. Les enfants sont fiers de s'approprier un peu de l’œuvre de Jacques Grüber, et plus largement, de découvrir le magnifique patrimoine de leur région. »
« Les productions qu'ils présenteront lors de la Nuit des musées avaient un but : essayer de donner une version plus contemporaine de l'art du vitrail, tout en respectant la sensibilité, la légèreté et le silence qui s'en dégagent. On a travaillé dans le concret et le spontané, afin d'être plus rapidement dans le sensible. Cela se ressent dans les travaux d'interprétation photographique « Trans-paraître » : des coulées de couleur dans des verres où l'on retrouve la verticalité, la vie, la lumière du vitrail de Grüber. L'autre production, « Paravents chorégraphiés », représente des fenêtres de papiers vitrail qui déstructurent au contraire l'oeuvre originale. Le 16 juin au soir, les enfants danseront dans le jardin du musée une sorte d'interprétation par le corps du vitrail de Grüber. Il n'y aura pas de musique mais les seuls sons de la nature, afin de célébrer l'Art nouveau qui est l'harmonie entre la faune et la flore. »
« Les élèves ont compris le tableau en regardant les arbres »
Fanny Lejay, médiatrice culturelle au musée Bonnard, Le Cannet, a accueilli des élèves de l'école Rebuffel de Mougins
« Manifestement, l'univers de Pierre Bonnard inspire les écoliers de Mougins. Tandis qu'une classe de CM2/6e travaillait sur les paysages, une classe de CP/CE1 – celle dont je me suis occupée – s'appropriait « L'amandier », daté de 1930, l'une des sept versions réalisées par le peintre. La plus connue, celle de 1947, est au Centre Pompidou. En trio, avec l'enseignant et le conseiller pédagogique, nous avons conçu une approche sensorielle, documentaire et plastique de cette oeuvre, qui – visiblement ! – parle aux enfants. A Bonnard aussi, cet arbre parlait. « A chaque printemps, il me force à le peindre », disait le peintre de l'amandier, toujours vivant aujourd'hui, qui fleurissait devant sa chambre, au Cannet. Dans le jardin du musée aussi, les amandiers fleurissent, ce qui permet aux enfants de faire le lien entre la réalité et la peinture. Ils ont compris le tableau en regardant les arbres, et inversement ! »
« L'amandier signe la fin de l’hiver, en étant le premier arbre à se couvrir de fleurs. A travers leurs productions, les enfants rendent hommage à celui qui, venu de Paris, s'était installé dans le midi, comme Monet à Giverny. A l'aide de fils de fer et de boules de coton, ils ont confectionné une sorte de très grande robe-arbre, « la robe de Philis », en souvenir de la princesse transformée en amandier dans la mythologique grecque. Ils ont également réfléchi à l’écriture du conte, en changeant la fin de la légende pour que Philis puisse renaître et retrouver son prince. Tout au long de l'année, car la préparation de « La classe, l’œuvre » est un travail au long cours, l'approche orale du sujet a donné lieu à des lectures, des interviews entre un journaliste (joué par un élève) et Pierre Bonnard... A partir des dérivés de l'amande, l'approche sensorielle n'a pas été oubliée, comme les visiteurs du musée et les familles pourront le vérifier lors de la Nuit des musées. Il y aura des dégustations d'orgeat et plus de cent cinquante financiers, préparés par nos chefs pâtissiers en herbe. »
Nuit des musées 2015 : entre performances et initiatives
> Pour séduire ses 2 millions de visiteurs annuels, la 11eédition de la Nuit des musées va mettre, dans plus de 1300 musées en France et 3400 en Europe, les petits plats dans les grands, en organisant 5000 animations. Cette année, l’accent est mis sur les performances d’artistes. A Brive-la-Gaillarde, le peintre Robert Combas, l’un des fondateurs de la Figuration libre, va créer une œuvre en direct et en public. Le MACVAL, à Vitry-sur-Seine, présente une pièce musicale d'Erik Satie, « Vexations », constituée de 840 interprétations du même court fragment. Au musée Champollion des écritures du monde, à Figeac (Lot), six voltigeurs danseront suspendus à la façade du bâtiment formée de caractères de différents alphabets.
> Pour les 242 musées et 540 classes participant au dispositif « La classe, l’œuvre » cette année, l’objectif reste inchangé : inviter des élèves à étudier des œuvres d’un Musée de France, à imaginer des productions en lien avec l’œuvre et à concevoir une médiation orginale, qui pourra être présentée aux visiteurs lors de la Nuit des musées. En 2015, au musée Magnelli, à Vallauris, des élèves de CM2 présenteront leurs travaux inspirés par l’œuvre de Jesse Small, qu’ils interrogeront sur Skype. A Chalons-sur-Saône, un film sur la tentative de réalisation d'une héliographie par les élèves de première scientifique du lycée Niépce sera présenté au musée Nicéphore-Niépce. Au musée des Augustins, à Toulouse, un travail sur L’entrée de Mehmet II dans Constantinople le 14 mai 1453, mettant en jeu le numérique et des micro mises en scène, sera présenté par une classe de 4e du collège Berthelot sur des tablettes. Au Centre Pompidou Metz, les élèves de CP de l’école de Jury, à Metz, ont créé des œuvres en référence à l’œuvre de Delaunay, Entrée du Hall des réseaux du palais des Chemins de fer, à partir de jouets (petites voitures, trains...) qu’ils ont eux-mêmes collectés.