Rendez-vous incontournable des spectacles du monde entier, le Festival d’Avignon, où Françoise Nyssen s'est rendue du 6 au 8 juillet, c'est aussi, on le sait moins, une riche programmation de spectacles jeune public. Focus sur 5 créations destinées aux plus jeunes.

Où sont les ogres ? de Pierre-Yves Chapalain : une exploration des instincts naissants de deux jeunes filles

Auteur et metteur en scène au sein de sa compagnie Le temps qu’il faut, Pierre-­Yves Chapalain, est artiste associé aux Scènes du Jura et au Canal Théâtre de Redon. Il met en scène ses propres textes, s’attachant à donner des cadres contemporains à sa vision de l'humanité, en brouillant réel et fantastique. Dans sa création Où sont les ogres ? pour le festival d’Avignon, Pierre-Yves Chapalain mêle rêve, magie et virtualité pour explorer les instincts naissants de deux jeunes filles Hannah et Angelica qui communiquent par internet et semblent seules à se comprendre l’une l’autre. La pièce donnera naissance à l’automne prochain au Secret, petite forme à voir à partir de 5 ans, conçue en miroirs afin de parcourir les petites salles (de classe, par exemple) entre ventriloquie et théâtre d’objets. Pour les enfants, cela « peut aider de rencontrer quelqu’un qui vit la même chose que soi. S’apercevoir qu’on est particulier mais qu’on a des traits communs permet de se faire une place au sein du monde », précise le metteur en scène.
A la Chapelle des Pénitents Blancs, du 6 au 9 et le 11 juillet

Tristesse et joie dans la vie des girafes de Thomas Quillardet : l'odyssée d'une enfant de neuf ans

Metteur en scène et traducteur, Thomas Quillardet a été lauréat de la « Villa Médicis hors les murs », en 2007. Il traduit des auteurs brésiliens et portugais. Fusionnant leurs compagnies, Aurélien Chaussade, Maloue Fourdrinier, Claire Lapeyre Mazérat, Aliénor Marcadé-­Séchan et Thomas Quillardet fondent le collectif Jakart. En 2014, il travaille une première fois pour le jeune public en créant Les Trois Petits Cochons à la Comédie-­Française. Au Festival d’Avignon, il met en scène le texte de Tiago Rodrigues, récit d’une enfant de neuf ans qui part, accompagnée de son ours en peluche à travers les rues de Lisbonne, à la recherche d'une aide pour enrayer la crise économique qui la prive de la télévision câblée. Pour suivre l’odyssée de cette petite fille férue de définitions et riche en questions, Thomas Quillardet dresse la cartographie fluctuante de son monde et des représentations qu’elle en a. Les quatre acteurs font avancer ce conte sans morale qui multiplie lieux et personnages pour faire grandir l’enfant.
A la Chapelle des Pénitents Blancs, du 14 au 16 et du 18 au 19 juillet

Les grands de Fanny de Chaillé : une interrogation sur le statut d'adulte

Artiste associé à l’Espace Malraux, Scène nationale de Chambéry et de la Savoie, Fanny de Chaillé a notamment travaillé avec Daniel Larrieu, Matthieu Doze, Rachid Ouramdane et Gwenaël Morin. Elle a participé à des projets d’artistes plasticiens comme Thomas Hirschhorn et Pierre Huyghe et a été en résidence au Théâtre de la Cité internationale, à Paris. Sa collaboration avec l’auteur Pierre Alferi, commencée avec Coloc (2012) et le duo Répète (2014), continue avec Les Grands, création qu’elle donne au Festival d’Avignon, où elle interroge le statut d’adulte. Les Grands est l’histoire de quadragénaires qui se penchent sur leurs années d’enfance et d’adolescence. Sur le plateau, trois adultes-acteurs sont accompagnés chacun d’un enfant et d’un adolescent, formant trois trios. Discussions et danses révèlent leurs visions et leurs mondes. Si pour la chorégraphe Fanny de Chaillé Les Grands se situe dans la continuité d’un travail déjà entamé avec l’auteur Pierre Alferi sur les individus et leurs statuts, mais la pièce révèle aussi la poésie des corps qui se reconnectent.
Au théâtre Benoît-XII, du 19 au 21 et du 23 au 26 juillet

Quelque chose se libère et ouvre de l’avenir et du possible

L’imparfait d’Olivier Balazuc : un monde en crise vu par un enfant

Auteur, acteur, metteur en scène de théâtre et d’opéra, Olivier Balazuc entame, après une formation au Conservatoire national supérieur d’art dramatique, un compagnonnage artistique avec Olivier Py et travaille avec de nombreux metteurs en scène tels que Clément Poirée, Christian Schiaretti, Laurent Hatat, Richard Brunel. Ses mises en scène mettent souvent à l’honneur des textes contemporains. C’est en tant qu’auteur et metteur en scène qu’il se tourne vers le jeune public, considérant la littérature jeunesse comme « un point d’arrivée pour un auteur ». Sa pièce L’Imparfait, création présentée au Festival d’Avignon, décrit un monde en crise vu par un enfant, où le triangle familial est remis en cause et où les modèles archaïques s’effritent face à l’indépendance sous-­jacente du fils. « Le petit Victor désaliène l’imaginaire de ses parents, et le monde ne s’écroule pas. Quelque chose se libère et ouvre de l’avenir et du possible. »
A la Chapelle des Pénitents Blancs, les 22, 23, 25 et 26 juillet

C’est une légende de Raphaël Cottin : une immersion dans l’art du mouvement

Après des études au Conservatoire national supérieur de musique et de danse de Paris, Raphaël Cottin danse pour Stéphanie Aubin, Christine Gérard, Odile Duboc et Daniel Dobbels. En 2008, il rejoint la compagnie de Thomas Lebrun. Ses projets de chorégraphe s’articulent au sein de sa compagnie La Poétique des Signes avec laquelle il conçoit sept créations, dont Buffet à vif, co-­écrit avec Pierre Meunier et Marguerite Bordat présenté au Festival d’Avignon en 2014. L’écriture pour le mouvement en cinétographie Laban est au cœur de sa pratique et inspire son nouveau spectacle pour le jeune public : C’est une légende. Du classicisme de Louis XIV à la théâtralité de Pina Bausch, C’est une légende offre au jeune public une immersion dans l’art du mouvement, dansée et racontée en six chapitres. Il partagera prochainement la scène avec le danseur étoile Jean Guizerix pour la création du duo Parallèles en 2018.
Au CDC Les Hivernales, du 23 au 26 juillet

Françoise Nyssen : "Priorité à l’éducation artistique et culturelle"

Lors de son déplacement au Festival d’Avignon du 6 au 8 juillet, Françoise Nyssen a tenu à afficher sa priorité absolue en faveur de l'éducation artistique et culturelle, en se rendant notamment à deux spectacles "jeune public", Où sont les Ogres? de Pierre-Yves Chapalain (voir notre article) et Nuit blanche de Anne Rehbinder. Interrogée sur les mesures concrètes destinées à accroître la place de l'art à l'école, la ministre a assuré que "ça a commencé à changer", mentionnant le travail conjoint réalisé avec le ministère de l'Éducation et celui de la Recherche et de l'Enseignement supérieur, qui s’est concrétisé le 4 juillet par une rencontre entre les recteurs et des directeurs régionaux des affaires culturelles. Lors de cette réunion, les trois ministres ont rappelé l’engagement du Président de la République de faire accéder 100% des enfants au parcours d’éducation artistique et culturel. Ils ont également affirmé leur volonté de porter un attention particulière à la musique avec notamment l’initiative « Rentrée en musique », de valoriser l’importance du livre et de la lecture dans le champ des apprentissages et de mieux intégrer l’art et la culture dans la formation des futurs enseignants. Afin de poursuivre cette mobilisation, ils réuniront le 20 juillet prochain le Haut Conseil de l’éducation artistique et culturelle. "Ce qui est important c'est que les gens se sentent accompagnés, autorisés, et je le dis haut et fort, la culture n'est pas un supplément d'âme, elle est constitutive du parcours éducatif de l'enfant et je vais m'attacher à cela", a-t-elle souligné. (Avec AFP)