2018 marque le cinquantenaire de Mai 68. A cette occasion, neuf institutions culturelles se sont associées pour présenter une programmation relative à l’anniversaire de ce mouvement culturel et populaire.
Mai 68, l’un des plus importants mouvements politiques du XXe siècle en France, continue de susciter, un demi-siècle après avoir eu lieu, analyses et polémiques. Il n’en reste pas moins un événement fondateur et à ce titre, sa commémoration s’impose d’elle-même. « Mai 68 a été un échec politique mais une réussite culturelle sur la longue durée », observe Pascal Ory sur France Culture. « Bien que nous soyons dans une période complètement différente, nous sommes des enfants de 68 en ce qui concerne les genres de vie », précise l’historien. Le cinquantième anniversaire des événements offre l’occasion de mener une réflexion sur l’héritage de 68 et de s’interroger sur l’évolution des représentations de cette histoire. Neuf institutions ont choisi de se coordonner pour rendre compte, à leur manière, de l’inscription de ce mouvement populaire et culturel dans la mémoire collective, nous revenons sur quatre d’entre elles.
Bien que nous soyons dans une période complètement différente, nous sommes tous des enfants de Mai 68 (Pascal Ory, historien)
La Bibliothèque nationale de France : la mécanique de fabrication des icônes
Pourquoi certaines photographies des événements de Mai 68, présentées comme documentaires, ont-elles atteint un statut d’icônes ? En s’appuyant sur près deux cents pièces, la Bibliothèque nationale de France (BnF) s’attache à mettre en évidence la trajectoire médiatique de ces images devenues célèbres, au premier rang desquelles figurent le portrait de Daniel Cohn-Bendit face à un CRS par Gilles Caron ou encore La Marianne de 68 de Jean-Pierre Ray. L’exposition « Icônes de Mai 68, les images ont une histoire » donne la possibilité de comprendre pourquoi la mémoire visuelle de Mai 68 se conjugue en noir et blanc alors que les événements ont été couverts en couleurs par la presse de l’époque ; de découvrir comment des initiatives d’expositions et de projections photographiques ont vu le jour face à une vision dominante des faits ; ou encore de saisir la raison pour laquelle la première « nuit des barricades » n’a paradoxalement laissé aucune image iconique. Enfin, elle décortique les conditions de l’émergence de ces icônes dans la mémoire collective pour mieux appréhender le rôle majeur des acteurs médiatiques dans l’élaboration de la représentation des faits.
« Icônes de Mai 68, les images ont une histoire », du 17 avril au 26 août 2018 à la Galerie 1 de la BNF
Assemblée générale au Centre Pompidou, une réactualisation de Mai 68
A rebours de toute nostalgie, le Centre Pompidou propose une manifestation pleinement contemporaine, qui interroge la permanence de Mai 68. L’événement « Mai 68, Assemblée générale » se développe d’abord autour d’une fresque de 60 mètres de long, véritable tapisserie de Bayeux moderne, réalisée à partir d’affiches de l’époque en partie détournée par le graphiste Philippe Lakits. Elle prend également la forme d’une « occupation » du Forum du Centre Pompidou par des étudiants de plusieurs écoles d’art et graphisme, calquée sur le modèle des Ateliers populaires d’où étaient sorties les nombreuses affiches de Mai 68. Enfin, une salle de conférence nomade conçue par designer Olivier Vadrot fera office d’amphithéâtre, accueillant des conférences, débats et autres performances voués à se dérouler au plus près du public. La manifestation est gratuite, largement ouverte à tous. « Entre réactivation, relecture et discussions collectives, c’est précisément cet esprit de Mai qu’il est bon de fêter et d’interroger ! », souligne Romain Lacroix, commissaire de la manifestation.
« Mai 68, Assemblée générale », du 28 avril au 20 mai 2018 au Forum du Centre Pompidou
Mai 68 : l’iconographie de la révolte aux Beaux-Arts de Paris
Au croisement de l’histoire, de l’art et des luttes politiques, l’exposition « Images en lutte » met à l’honneur une iconographie qui a essaimé lors de ces journées insurrectionnelles. Elle présentera jusqu’au 20 mai 2018 les magazines, peintures, sculptures, tracts ou encore photographies qui permettent aujourd'hui d'entendre battre le pouls de cette période. Notamment, les affiches produites par l’Atelier populaire des Beaux-Arts, largement liées à la mémoire collective de ce qu'on appelait « les événements » : parmi ces dernières, figurent notamment le fameux poing levé et l’illustration du slogan « la chienlit c’est encore lui ». Pour ses commissaires, Philippes Artières et Eric de Chassey, l’exposition vise avant tout à « redonner à la création portée par ces utopies révolutionnaires leur soubassement et leur complexité, sans distinguer a priori ce qui relève de l’art et ce qui relève de la propagande visuelle ».
« Images en lutte », du 21 février au 20 mai 2018 à l’École nationale supérieure des Beaux-Arts de Paris
Les Archives nationales : l’autre côté de la barricade
Outre le 50e anniversaire des événements, 2018 marque également l'ouverture de la majorité des documents d’archives de l’année 1968 aux citoyens. A cette occasion, les Archives nationales organisent sur leurs sites de Paris et Pierrefitte-sur-Seine, une exposition en deux parties présentant les événements de l’années 1968 vus de l’autre côté des barricades - depuis les bureaux de l’administration, de la préfecture ou du pouvoir exécutif. Face à 10 millions de grévistes, une jeunesse dans la rue et un service public à l’arrêt, le pouvoir en place se mobilise : que faire ? Par quels canaux ? Et comment adapter par la suite les institutions pour prévenir tout mouvement d’ampleur similaire ? A travers ce fonds documentaire en grande partie inédit – plus de 400 documents, dont certains toujours scellés, seront présentés au public - l’exposition « 68, les archives du pouvoir » contribue à la polyphonie des événements de 1968 et montre comment le patrimoine archivistique national peut expliquer et donner à voir les mécanismes d’un État en difficulté.
« 68, les archives du pouvoir », du 3 mai au 17 septembre à Paris et du 24 mai au 22 septembre à Pierrefitte-sur-Seine
Cinq autres manifestations culturelles autour de Mai 68
> Université Paris Nanterre : dans le cadre de son année thématique « 1968 – 2018 Prop’osons », l’Université organise tout une série d’événements allant du « Printemps des utopies et des libertés » aux « Déambulations 68 » des journées européennes du patrimoine, en septembre 2018. Du25 janvier au 12 octobre 2018.
> Théâtre des Amandiers, à Nanterre : d’avril à mai 2018, le centre dramatique national mettra à l’honneur des « créations artistiques dont le point commun est de défricher des territoires utopiques ».
> Le Palais de Tokyo : l’artiste urbain Escif sera invité à « déployer à l'arrière [du Palais de Tokyo] une peinture monumentale sur laquelle il va reproduire les écritures qui accompagnaient les révoltes étudiantes de Mai 68 et les graffitis tracés clandestinement par les visiteurs dans les toilettes du Palais ». A partir du 4 mai 2018.
> Cité de l’architecture & du patrimoine : l’exposition « Mai 68, L’architecture aussi ! » qui aura lieu du 16 mai au 17 septembre 2018 à la Cité de l’architecture et du patrimoine interrogera le renouvellement de l’enseignement, de l’architecture et de l’urbanisme induit par Mai 68.
> La Cinémathèque française : le musée vivant du cinéma revisitera Mai 68 à travers une grande exposition consacrée à Chris Marker et la reproduction grandeur nature de la toute première Quinzaine des Réalisateurs en Mai 69. Du 28 mars au 29 juillet.