3.Le Salon et les expositions
Le Salon de l’Académie royale
Exposer ses œuvres est, pour un artiste, un enjeu essentiel. Pour cela, il existe des foires et des salons. L’Académie royale, créée en 1648, réserve un droit d’exposition à ses membres. Ces expositions ne deviendront régulières qu’à partir de 1737. Les femmes peuvent être académiciennes depuis 1663. Avec des heurs et des malheurs, elles exposeront régulièrement au Salon. Si la Révolution de 1789 entraine la suppression de l’Académie, le Salon s’ouvre à toutes et à tous à partir de 1791. Huit ans plus tard, une trentaine de femme y exposeront.
Le Salon au dix-neuvième siècle
Créée en 1816, l’Académie des beaux-arts se ferme résolument aux femmes. Cependant, le principe du Salon est maintenu et les femmes peuvent y exposer. Elles seront plus de quatre-vingts en 1824. Dans les années 1800-1830, les femmes ne représentent jamais moins de 14 % des exposants. En 1855, elles ne représenteront plus que 6,7 %. Leur nombre va ensuite s’accroitre. Le collectionneur Ernest Hoschedé (1837-1891) dénombre « plus de six cents exposantes » au Salon de 1880. Le chiffre peut paraître considérable. Toutefois, les femmes ne représentent que 12,5 % des exposants. Les impressionnistes font un peu mieux que le Salon officiel puisque, dans les années 1880, les femmes représentent entre 15 et 17% des exposants du groupe. La réputation du Salon de Paris est telle que, pour la plupart des artistes étrangers, femmes ou hommes, y avoir exposé au moins une fois est une obligation, s’ils veulent ensuite faire carrière dans leur pays d’origine, voire devenir enseignant.
Le jury
La sélection des œuvres présentées au Salon est assurée par un jury (supprimé en 1848 et recréé en 1851) composé d’Académiciens. L’obtention d’une médaille de 3e classe permet de ne plus avoir à soumettre ses œuvres au jury. Les Académiciens ayant aussi le monopole de l’enseignement, la presse accuse régulièrement les membres du jury de favoriser leurs élèves, aux dépens de talents plus originaux. C’est dans ce contexte qu’est organisée la première exposition dite impressionniste, en 1874, assez unanimement saluée par la presse comme un effort salutaire pour s’affranchir du monopole de l’Académie. Contrairement aux livrets du Salon officiel, celui des impressionnistes abandonne les civilités, ainsi que les références à un maître. Ceci témoigne d’une volonté inhabituelle de présenter l’artiste, ou plus exactement ses œuvres, indépendamment de son sexe ou de sa formation. Berthe Morisot est la seule femme à participer aux trois premières expositions impressionnistes. A partir de 1879, elle est rejointe par Marie Bracquemond puis, en 1881, par Mary Cassatt. Curieusement, les civilités réapparaissent alors. Il n'y aura plus d'expositions impressionnistes après 1886. Néanmoins, M. Cassatt gardera pour devise celle de ce groupe d'artistes indépendants : pas de jury, pas de médailles, pas de récompenses
(lettre à A. Harrison Morris, 15 mars 1904).
Salons
Un décret de 1880 met fin au monopole de l’Académie. Désormais, le Salon est organisé par une association d’artistes, mais qui doivent avoir exposé au dit Salon. Les membres du jury sont élus par leurs pairs. Virginie Demont-Breton sera fière d’avoir été « nommée (seule femme avec Rosa Bonheur) membre du grand jury de peinture par le vote du Comité des Artistes Français », en 1891. Le décret de 1880 donne la possibilité de créer d’autres salons. Très vite, on voit se multiplier les associations qui, toutes, ont un salon, plus ou moins confidentiel : Société des Aquarellistes, Société des Aquafortistes, Société des Pastellistes, Société des Graveurs sur bois, Société des Artistes graveurs au burin, Photo Club de Paris…
Jeanne Baudot (1877-1957), Lucie Cousturier et Jenny Montigny rejoignent le Salon des Indépendants, lancé à partir de 1884.
Cecilia Beaux, Olga Boznanska, Louise Breslau, Marie Cazin (1844-1924), Camille Claudel, Cécile (1853-1937) et Marie (1856-1938) Desliens, Jeanne Gonzalès, Agnes Goodsir (1864-1939), Beatrice How, Amélie Beaury-Saurel, Annie Swynnerton (1844-1923) exposent au Salon de la Société nationale des beaux-arts, créée à partir de 1890.
L’Union des femmes peintres et sculpteurs, naît en 1881 par la volonté d'Hélène Bertaux. L'union lance son propre Salon dès 1882. Initialement, ce salon n’a pas de jury. H. Bertaux déplore la médiocre qualité de certaines œuvres (L’Œuvre d’Art, 20 avril 1893). Des dissensions interviennent au sein de l’Union. Dans une lettre ouverte à H. Bertaux, V. Demont-Breton accuse celle-ci d'avoir provoqué le départ « de Mmes Louise Breslau, Muraton, Beaury-Saurel, Real-del-Sarte, etc., etc. » (Journal des Débats, 27 février 1894). H. Bertaux va se retirer de l’Union et V. Demont-Breton lui succèdera comme présidente. Elle va placer le salon de l’Union dans une posture très officielle, obtenant son inauguration par le président de la République, n’hésitant pas à parler de la confraternité dont la grande Société des Artistes français est animée à l’égard de sa petite sœur l’Union des Femmes peintres et sculpteurs
(L’Œuvre d’Art, 1er juin 1897, p. 86). Si l’Union peut se targuer d’avoir 450 membres en 1896 (pour une trentaine initialement, et 130 en 1885), certaines artistes exposent dans des salons moins conventionnels, notamment le Salon de la Société nationale des Beaux-Arts, ou encore celui des Indépendants. Dans les années 1890-1900, il y a également une Exposition des Femmes artistes, dont témoigne Gustave Geffroy (1855-1926), défenseur des impressionnistes, « Intéressante et curieuse manifestation que celle-là, où l’on peut voir s’épanouir, auprès de désirs délicats, une extraordinaire poésie convenue, un goût d’imitation poussé à l’excès. La vérité, c’est que l’artiste, femme ou homme, est une exception, et que les formations et les associations de groupes n’y feront rien. Voici une autre exposition, celle des peintres-graveurs, chez Durand-Ruel, où l’on rencontre deux femmes artistes, et d’une rare distinction. Mlle Mary Cassatt, avec d’exquises pointes-sèches, Mme Marie Bracquemond, avec ses portraits de femmes gravés à l’eau-forte en traits d’une suprême élégance, et quatre peintures, où les figures et les paysages sont évoqués en fin modelés, en lumineuses apparitions » (La Vie artistique, 4 avril 1890, p. 322-323).
Province et étranger
Il y a également des expositions dans de nombreuses villes de province, souvent organisées par les sociétés des amis des arts, ainsi qu’à l’étranger. La plus emblématique, pour la fin du dix-neuvième siècle, est la World’s Columbian Exposition de Chicago, avec son ambitieux pavillon de la Femme, organisé par B. Palmer. Les artistes de la sélection française sont : Louise Abbéma, Marie Bashkirtseff, Juliette Peyrol-Bonheur, Rosa Bonheur, Marthe Boyer-Breton, Marie Bracquemond, Laure Lapierre-Brouardel, Julie Buchet, Berthe Burgkan, Marie Cazin, Laure de Châtillon, Uranie Alphonsine Colin-Libour, Jeanne Contal, Delphine de Cool, Virginie Demont-Breton, Maximilienne Guyon, Joséphine Houssaye, Camille Cornélie Isbert, Élodie La Villette, Madeleine Lemaire, Marie Louveau-Rouveyre, Euphémie Muraton, Gabrielle Poynot, Hortense Richard, Jeanne Rongier, Marguerite Turner, Frédérique Vallet-Bisson, Jenny Villebesseyx, Jenny Zillhardt.
A Bruxelles, le groupe des XX (auquel appartient Anna Boch) organise pendant son éphémère existence des expositions auxquelles il invite des artistes françaises ou d’avant-garde : Louise Breslau en 1885, Berthe Morisot en 1889, Mary Cassatt en 1892, mais aussi Jeanne Gonzalès et Juliette Wytsman (1866-1925).
FAM
En 1930 est créée FAM, la société des femmes artistes modernes, dont le salon annuel réunira, jusqu’en 1938 des artistes particulièrement intéressantes : Jeanne Bardey, Anna Bass, Marguerite de Bayser, Maria Blanchard, Olga Boznanska, Suzanne Duchamp, Hélène Dufau, Louise Hervieu, Beatrice How, Marie Laurencin, Tamara de Lempicka, Sacha Leroy, Mela Muter, Chana Orloff, Jane Poupelet, Valentine Prax, Suzanne Valadon. En 1934, FAM organisera un double hommage à Camille Claudel et Marie Bracquemond, et en 1935 à Mary Cassatt. La carrière officielle et l’art fortement dérivé de l’impressionnisme, de la fondatrice de cette association, Marie-Anne Camax-Zoegger (1881-1952, certaines de ses œuvres sont conservés aux musées Eugène Boudin à Honfleur, des Beaux-Arts de Rouen et de Strasbourg, de Grenoble, au Petit Palais, musée des beaux-arts de la ville de Paris) a contribué à occulter cette intéressante personnalité qui, en 1946, participera à la vente d’œuvres organisée au bénéfice de Berthe Weill. Beaucoup de participantes au salon de FAM seront sélectionnées par Laure Albin Guillot, présidente du comité beaux-arts de l’Exposition des femmes artistes d’Europe, en 1937.
Laurent Manoeuvre
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