6.Sculptrices
Sculptrices et sculpture
Contrairement à la peinture, la sculpture met en œuvre une variété de techniques (allant du modelage à la taille) et de matériaux (de la terre au marbre, en passant par le bronze). Certaines de ces techniques sont complexes (fonte, report avec mise au point…) ou extrêmement physiques (taille, forgeage). De par cette technicité, la sculpture exige un total professionnalisme. Parce qu’elle autorise la reproduction, c’est également une technique qui évolue souvent à la frontière de l’artisanat, voire de l’industrie (galvanoplastie). Enfin, tant qu'elle est réaliste, elle peut être comparée, à la réalité ce qui oblige le praticien soit à une grande fidélité au modèle, soit à le transcender. Tels sont les défis auxquels s'engagent celles ou ceux qui s'engagent dans cet art difficile.
Peut-être à cause de cette difficulté, un certain nombre de femmes feront de la sculpture, parfois de manière exceptionnelle (Marie Bashkirtseff, Berthe Morisot), ou parallèlement à leur activité de peintre - Georgette Agutte, Rosa Bonheur.
Le nom de ces dernières est toutefois resté plus par leur production peinte que par leurs sculptures.
Le cas Sarah Bernhardt est tout à fait inhabituel, l’actrice se partageant entre sculpture et peinture. Tout aussi inaccoutumé est le cas de Marie d’Orléans (1813-1839), fille du roi Louis-Philippe, qui montre très tôt un véritable talent romantique, mais s’éteint prématurément.
Pour être emblématique, la carrière de Camille Claudel n’a rien d’exceptionnel. La trajectoire erratique de Félicia Ruys, dans le Nabab d’Alphonse Daudet (1840-1897) illustre parfaitement les difficultés rencontrées par les sculptrices pour s’imposer sur la scène artistique. Quelques fortes personnalités y sont parvenues. Sans doute en raison de leur forte personnalité, ces femmes n'agissent pas uniquement dans le domaine de la sculpture. Les unes manifestent ouvertement leurs idées légitimistes, telles Félicie de Fauveau ou Adèle, duchesse Castiglione-Colonna, dite Marcello. D’autres s’engagent pour la reconnaissance du droit des femmes, telle Hélène Bertaux, ou Noémie Cadiot (1832-1888), élève de James Pradier (1790-1852) et qui, après une jeunesse intense, fait une carrière officielle de sculptrice et de femme de lettres sous le pseudonyme de Claude Vignon.
Parfaitement illustrative de la difficile reconnaissance rencontrée par les sculptrices, notamment quand elles pratiquent une esthétique proche de l’académisme, est Marguerite Blanchon. Née en 1872 à Blois, on ne sait rien d’elle, sinon qu’elle expose dessins et sculptures au salon de sa ville natale, avant d’apparaître au Salon des artistes français en 1895, comme élève de Denys Puech (1854-1942), avec un groupe en plâtre intitulé Un jour de paye (probablement le groupe conservé aujourd’hui, avec d’autres plâtres originaux, dans les réserves du musée de Blois), et de disparaître après 1900.
Témoignage, sans doute, de ce volontarisme, c’est une sculptrice, Lucienne Heuvelmans, qui sera la première femme à obtenir le prix de Rome, en 1911.
Sculptant aussi bien des nus féminins que des animaux de la ferme, Jane Poupelet se démarque par une technique toute personnelle, qui privilégie les formes pleines et sensuelles. Par son style singulier, elle annonce en quelque sorte le style art-déco. A sa suite, plusieurs sculptrices vont jouer un rôle important dans la diffusion de cette tendance artistique, notamment Suzanne Brizard (1883-1936) Marguerite de Bayser (1881-1975) ou Anna Quincaud (1890-1984).
Laurent Manoeuvre
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