Sculptures médiévales de la cathédrale de Strasbourg
Le musée de l'Œuvre Notre-Dame conserve dans ses salles et dans ses réserves une partie de la statuaire originale de la cathédrale de Strasbourg. Voici une découverte de ces collections, mises en ligne sur Joconde, catalogue collectif des musées de France.
Crédits : Ce contenu était originellement mis en ligne sur le site Joconde et a été constitué en 2005 par Cécile Dupeux, conservatrice au musée de l'Œuvre Notre-Dame à Strasbourg et Jeannette Ivain, service des musées de France. Les notices des collections citées sont en ligne sur POP, plateforme ouverte du patrimoine. Le lecteur est invité à consulter également les collections en ligne des musées de Strasbourg.
Des chefs-d'œuvre de la statuaire gothique
Le musée de l'Œuvre Notre-Dame conserve dans ses salles et dans ses réserves une partie de la statuaire originale de la cathédrale de Strasbourg. Exposées aux intempéries, à la pollution et aux chutes de pierre, ces 320 sculptures ou éléments d'architecture sculptés ont été pour la plupart déposés à la fin du 19e et au début du 20e siècle. Certaines de ces sculptures ont été remplacées sur l'édifice par des copies.
Dans la grande salle du jubé du musée sont présentés, depuis 1939, les chefs-d'œuvre de la statuaire gothique provenant des portails : L'Eglise et La Synagogue du portail Sud, Le Tentateur et plusieurs Vierges du portail latéral droit de la façade occidentale, deux Vertus du portail latéral gauche, les Prophètes et les Bustes accoudés du grand gâble du portail central.
Cette exposition virtuelle s'organise par rapport à l'emplacement d'origine de ces sculptures dans la cathédrale : la façade occidentale, les parties orientales, la nef centrale et enfin les autres emplacements.
Façade occidentale
Les portails
Commencés en 1277, les portails de la façade occidentale de la cathédrale sont achevés en 1298. La statuaire de ces trois portails propose un vaste programme d'enseignement théologique, dont l'iconographie est d'une richesse et d'une cohérence rarement égalées.
Les sources possibles de ce programme, qui s'articule autour du Salut de l'âme, ont souvent été attribuées au grand théologien Albert le Grand qui aurait séjourné à Strasbourg vers 1260.
Chacun des trois portails abrite une série de sculptures monumentales dans ses ébrasements. Ces ensembles sont répartis par la plupart des spécialistes en deux groupes stylistiques : l'atelier des vierges et l'atelier des prophètes. Ils synthétisent des modèles divers provenant de grands chantiers parisiens et champenois, mais expriment aussi des tendances propres au chantier strasbourgeois. On a parfois souligné leur "caractère bourgeois" par opposition au style aristocratique de la statuaire du portail Sud et en particulier de l'Eglise et de la Synagogue.
Le portail central
Les deux Prophètes présentés au musée font partie d'un groupe de dix statues placées dans les ébrasements et à l'extérieur du portail central. Tous deux étaient placés sur le mur extérieur de l'ébrasement droit. Ces témoins annonciateurs du Christ entouraient une figure de la Vierge (moderne). Leur expression outrée et leur allure efflanquée les rattachent à une veine expressionniste qui les éloigne du groupe des Vierges du portail latéral sud.
Le tympan du portail central décrit, en quatre registres superposés, les scènes de la Passion (certaines des scènes sont modernes). Dans les voussures de l'archivolte, les scènes de l'Ancien et du Nouveau Testament ont été remplacées dans la première moitié du 19e siècle par les sculpteurs Etienne Malade et Jean Vallastre.
Vestiges des ébrasements et voussures sur Joconde
Les éléments authentiques du grand gâble surmontant le portail central de la façade occidentale ont été déposés au musée au début du 20e siècle.
Il s'agit d'une sorte de transcription du texte biblique décrivant le trône de Salomon dans le premier Livre des Rois. Placé au centre, ce trône a subi les destructions révolutionnaires et seule subsiste la tête du roi Salomon, qui préfigure ici le Christ.
Plus haut un autre trône accueillait la statue de la Vierge à l'Enfant. Le long des rampants prennent place des musiciens. Deux lions s'appuient au marchepied du trône et douze lionceaux symbolisant les tribus d'Israël s'ébattent sur les gradins, décorés de bas-reliefs représentant des animaux fantastiques. Des démons et autres êtres hybrides ornent les écoinçons surmontant les arcatures qui soutiennent le second gâble.
Vestiges du grand gâble sur Joconde
Le portail Sud
Le portail de droite, dont sept sculptures des piédroits sont exposées au musée, illustre la parabole des Vierges Sages accueillies par le divin Epoux, et des Vierges Folles séduites par le Tentateur. Ce récit précède celui du Jugement Dernier dans l'Evangile selon saint Matthieu.
Les Vierges sages, jeunes filles souriantes et familières, tiennent leur lampe à huile droite, alors que les Vierges folles la renversent symboliquement. Le Tentateur, élégant jeune homme habillé à la mode du temps, présente la pomme avec assurance, mais masque mal son dos envahi de crapauds, lézards et serpents.
Ce thème, connu depuis le 12e siècle, n'avait auparavant fait l'objet que de figurations dans la miniature ou la sculpture de petite dimension. Très en faveur dans l'Empire Germanique, il se retrouve également à la même époque dans les cathédrales de Magdebourg, puis de Fribourg en Brisgau et de Bâle.
Vestiges du portail latéral Sud sur Joconde
Le portail Nord
Les deux Vertus issues du portail gauche qui en compte huit autres terrassent de leur lance les Vices qu'elles foulent aux pieds.
Toutes deux proviennent des murs extérieurs des ébrasements. Leurs visages à l'expression presque asiatique et aux très hautes arcades sourcilières, d'un type assez répandu en cette extrême fin du 13e siècle, affichent un demi sourire un peu inquiétant.
La figuration des Vertus et des Vices, développée au 4e siècle dans la Psychomachie du poète latin Prudence, n'est pas un thème rare depuis l'époque romane. Mais son traitement sous une forme monumentale est par contre exceptionnel.
Vestiges du portail latéral Nord sur Joconde
Les parties hautes de la façade occidentale
En 1365, la cathédrale était pratiquement terminée avec une façade principale très décorée. Le musée conserve un ensemble de sculptures et d'éléments d'architecture provenant des parties hautes de la façade occidentale et en particulier de l'étage octogonal de la tour, édifié au début du 15e siècle avec la flèche.
Vestiges du Massif occidental sur Joconde
Vestiges de la galerie des Apôtres sur Joconde
Vestiges du beffroi sur Joconde
Vestiges de la tour Nord sur Joconde
L'octogone
Huit statuettes accroupies, regardant vers le ciel, flanquaient l'octogone de la tour de la cathédrale. Quatre sont actuellement présentées au musée dans la salle de la Loge, et une conservée en réserve. Elles étaient placées à l'origine sur la balustrade de la première galerie à laquelle elles ont donné le nom de "Galerie des spectateurs". L'une d'entre elles, portant l'écu d'Ulrich von Ensingen sculpté en bas-relief sur le fragment de la balustrade, a été longtemps considérée comme une figuration de cet architecte (inv. MOND 143). Deux des autres sculptures représenteraient des prophètes et la troisième sainte Barbe.
Créées vers 1419 par l'atelier du maître d'œuvre Ulrich von Ensingen, ces sculptures sont liées au "style adouci" des années 1400 par la souplesse de leurs amples draperies. Mais le soin apporté au travail des visages, érodés aujourd'hui, et la puissance expressive des personnages manifestent déjà une notable évolution.
Quelques éléments d'architecture de la même période provenant de l'octogone sont aussi conservés au musée, ainsi que d'autres sculptures de la fin du 15e siècle.
Statues de l'octogone sur Joconde
Eléments d'architecture de l'octogone sur Joconde
Parties orientales
Le transept sud
Entre 1225 et 1235, un atelier extraordinairement novateur venu de régions plus occidentales conçoit les parties supérieures du croisillon sud et le Pilier des Anges, puis les tympans des deux portails sud et le couple de l'Eglise et de la Synagogue placé de part et d'autre de ces portails. Ces deux figures de femmes, allégories des religions chrétienne et judaïque, comptent parmi les plus célèbres chefs-d'œuvre de l'art occidental du Moyen Age.
La Synagogue vaincue et l'Eglise triomphante appartiennent à une symbolique traditionnelle dont les représentations se multiplient à partir du milieu du 13e siècle.
A gauche, l'Eglise victorieuse et couronnée, tenant dans ses mains le calice et la bannière que surmonte la croix, considère avec assurance la Synagogue. Celle-ci, qui tient une lance brisée, détourne sa tête aux yeux bandés, expression de son refus de reconnaître dans le Christ le Messie attendu. Elle paraît laisser tomber les tables de la Loi, symbole de l'Ancien Testament dépassé. Ces sculptures encadraient à l'origine une figure du roi Salomon placé entre les deux portails, assis sur un trône et tenant une épée, figure aujourd'hui disparue. Selon certaines hypothèses, la clef du rapprochement de ces trois personnages se trouverait dans les interprétations faites au 12e siècle du fameux livre saint le "Cantique des Cantiques", qui les présentent comme les trois personnages principaux des événements de la fin des temps.
La proximité stylistique de ces sculptures avec la statuaire de la cathédrale de Chartres a été soulignée, mais des rapprochements ont également été établis avec la statuaire bourguignonne et celle de la cathédrale de Sens. Selon certains spécialistes, les sculpteurs partis de Sens auraient gagné Chartres, puis la Bourgogne avant de rejoindre Strasbourg, alors que d'autres concluent plutôt à la simultanéité de ces chantiers. On a également souligné l'expressivité dramatique de ces deux figures, qui relèverait à la fois des grands courants français et germaniques.
Vestiges du Transept Sud sur Joconde
Vestiges du portail Sud sur Joconde
Vestiges de la tour de croisée sur Joconde
Eléments du chevet sur Joconde
Eléments du choeur sur Joconde
Retable du maître-autel
Sculpté par Veit, Paul et Nicolas de Haguenau vers 1500, ce retable monumental prenait place au dessus du maître-autel dans le chœur de la cathédrale. Démonté en 1682, il est connu par une gravure du 17e siècle et par des fragments conservés au collège Saint-Etienne de Strasbourg et au Musée de l'œuvre Notre-Dame.
Au centre de la caisse du retable était placée une Adoration des Mages flanquée de deux couples de saints - Arbogast et Jean-Baptiste, Florent et Laurent. Dans le feuillage s'inscrivaient huit bustes accoudés, groupe auquel les deux bustes accoudés du musée pourraient appartenir. Le style expressif de ces bustes est dans la veine des figures du retable d'Issenheim réalisées par Nicolas de Haguenau.
Sur le volet de gauche, figuraient les scènes de l'Annonciation et de la Circoncision, sur celui de droite, la Nativité et la Dormition ; dans la prédelle, la Déploration du Christ. Le retable fermé devait présenter la Crucifixion. Le thème iconographique de l'ensemble était celui des joies et des douleurs de Marie.
Eléments du maître-autel sur Joconde
Transept Nord : Le portail Saint-Laurent
Ce portail a été érigé entre 1494 et 1505 dans le prolongement du transept nord par le maître d'œuvre Jacques de Landshut. L'ensemble des dix figures monumentales qui l'ornait, chef d'œuvre gothique tardif dû au sculpteur Johann von Ach ou Jean d'Aix, est présenté au Musée de l'œuvre Notre-Dame depuis sa création en 1931. Les trois Rois mages et le Serviteur du Roi maure flanquaient le contrefort gauche du portail, aux côtés de la Vierge à l'Enfant placée près de la porte. Les quatre saints entouraient le contrefort droit, à la suite de la grande statue de Saint Laurent. Ces sculptures en grès à meules ont été déposées entre 1907 et 1914, comme l'essentiel de la grande statuaire des portails de la cathédrale, afin de les protéger des dégradations dues aux intempéries et à la pollution. Elles ont été remplacées sur l'édifice par des copies en grès, dont la mise en place s'est achevée en 1971.
Les statues de Jean d'Aix sont remarquables par la caractérisation des physionomies et une sensibilité du rendu de l'épiderme que l'on ne retrouve que chez les meilleurs sculpteurs de cette époque. Cette volonté de réalisme est contredite par les attitudes contorsionnées des personnages et les draperies pesantes qui enferment les corps.
Cet ensemble a fait l'objet d'une campagne de restauration entre 1997 et 2001. Seul le Serviteur du Roi maure a été laissé en l'état afin de garder le témoignage de l'aspect antérieur des sculptures.
Eléments d'architecture du portail Saint-Laurent sur Joconde
Nef centrale
Le jubé de la cathédrale
C'est l'œuvre d'un nouvel atelier présent à Strasbourg peu après le milieu du 13e siècle. Fermant le chœur, ce jubé s'ouvrait sur la nef par sept arcades surmontées de gâbles, entre lesquels étaient placées les sculptures de la Vierge et des apôtres. Destiné à isoler des fidèles les messes et les offices célébrés dans le chœur, il fut détruit en 1682 pour répondre à l'esthétique et à la liturgie nouvelles lors de la réintroduction du culte catholique qui suivit le rattachement de la ville au Royaume de France.
Les statues furent déposées avec soin, sans doute en vue d'un possible remploi. Sur les quatorze figures placées à l'origine entre les gâbles, neuf statues d'apôtres, ainsi que celle d'un diacre qui devait se trouver sur la galerie du jubé pour y servir de lutrin, furent retrouvées en 1893 dans l'octogone de la tour nord par l'architecte de la cathédrale Johann Knauth. Quelques fragments de reliefs ornant les gâbles ainsi que des débris de sculpture et d'architecture furent également récupérés à partir de 1842 par l'architecte Gustave Klotz dans les remblais de la surélévation du chœur établie au 17e siècle.
Deux des travées ont été reconstituées par Hans Haug dans la grande salle du musée d'après des gravures et dessins du 17e siècle afin d'y insérer les sculptures originales subsistantes. Celles-ci témoignent d'une proximité stylistique avec la statuaire de la cathédrale de Reims, dont la façade constituait le plus grand chantier de l'époque, ainsi qu'avec les apôtres de la Sainte-Chapelle de Paris.
L'ensemble des apôtres entourait initialement une Vierge au rosier qui, disparue depuis 1682, a été identifiée depuis avec une Vierge conservée au Musée des Cloisters de New-York. Le relief du Sacrifice d'Isaac, isolé stylistiquement, ainsi que la figure de la Reine de Saba, également appelée Petite Eglise et rattachée à l'activité des sculpteurs du portail sud, semblent avoir constitué le décor du revers du jubé.
Vestiges de la nef centrale sur Joconde
Eléments de la chaire sur Joconde
Eléments du narthex sur Joconde
Elément du triforium sur Joconde
Bas-côtés
Des sculptures proviennent des bas-côtés, en particulier de la chapelle Sainte Catherine avec le Saint-Sépulcre, de la salle du Trésor et de la galerie de Goetz.
Saint-Sépulcre de la chapelle Sainte-Catherine
Le saint sépulcre monumental est apparu dans le deuxième quart du 16e siècle et il s'est développé dans le bassin du Rhin supérieur et en Souabe. Il est étroitement lié à l'architecture de l'édifice religieux dans lequel il prend place. Il servait aux cérémonies parallèles aux célébrations officielles de la fête de Pâques.
Le saint sépulcre de la cathédrale de Strasbourg était placé dans la chapelle Sainte-Catherine fondée par l'évêque Berthold de Bucheck avant sa mort (1353) et qui abritait des autels et le tombeau de l'évêque. Le monument était constitué d'un sarcophage avec le gisant du Christ et les soldats endormis sculptés sur les parois, le tout sous un baldaquin sur lequel figurait les armes du commanditaire. L'ensemble a probablement été démoli au moment de la réintroduction du culte catholique en 1682.
Une partie des fragments a été retrouvée au début du 19e siècle et remontée pour sa présentation au musée. Ces hauts-reliefs, très restaurés, manifestent une grande force d'expression. Une attention particulière a été portée au rendu des armes et armures des soldats endormis ou réveillés en sursaut.
Vestiges des bas-côtés sur Joconde
Vestiges de la Chapelle Sainte-Catherine sur Joconde
Vestiges du Saint-Sépulcre sur Joconde
Vestiges de la Galerie de Goetz sur Joconde
Arcs-boutants
Les arcs-boutants sont ornés de personnages religieux mais aussi de personnages profanes comme le Sonneur de trompe et de représentations animalières.
Vestiges des arcs-boutants Sud
Vestiges des arcs-boutants Nord
Autres sculptures
Il n'a pas été toujours possible d'identifier l'emplacement exacte d'un certain nombre de statues dans la cathédrale. Certaines sculptures sont des restitutions modernes des 19e et 20e siècles. Enfin, dans la cathédrale un ensemble de sarcophages et dalles funéraires ont été inventoriées.
Vestiges provenant d'emplacements indéterminés, sur Joconde
Restitutions modernes sur Joconde
Sarcophages et dalles funéraires sur Joconde
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