La rencontre à Paris de Christo et Jeanne-Claude a été suivie d’un séjour sept ans dans notre capitale, entre 1958 et 1964. Ces sept années passées à Paris sont essentielles dans l’évolution de l'œuvre de Christo. Il s’affranchit de la surface du tableau, s’approprie et empaquette les objets du quotidien, réalise des actions en public : c’est à Paris qu’il donne une dimension monumentale à ses œuvres en concevant différents projets pour la Ville lumière. L’exposition réunit un ensemble d’œuvres d’atelier, méconnues du grand public, tels les Cratères, peintures matiéristes influencées par Jean Dubuffet, les Surfaces d’Empaquetage, les Boîtes, ainsi qu’une sélection exceptionnelle d’objets empaquetés, et les toutes premières Vitrines et Store Fronts.
En 1961, trois ans après leur rencontre à Paris, Christo et Jeanne-Claude commencent à créer des œuvres pour des espaces publics. Ils nourrissent le projet d’envelopper un bâtiment public. À l’époque, Christo, qui loue un petit appartement près de l’Arc de triomphe, fait plusieurs études pour ce monument, dont, en 1962, un photomontage avec l’Arc de triomphe empaqueté, vu depuis l’avenue Foch. Dans les années 1970-1980, Christo réalise quelques études supplémentaires.
Christo, L'Arc de Triomphe (projet pour Paris), Place de l'Etoile - Charles de Gaulle), détail, 2018. Photo © André Grossmann, © Christo
60 ans plus tard, ce projet programmé désormais avec une installation à partir du 15 juillet 2021, puis visible du 18 septembre au 3 octobre 2021, avec le concours du Centre Pompidou et du Centre des monuments nationaux, nécessitera l'emploi de 25 000 m² de tissu recyclable en polypropylène argent bleuté et de 7 000 mètres de corde rouge. Le chantier, dont le maître d'oeuvre sera les Charpentiers de Paris, est déjà entièrement autofinancé. Ceci grâce à la vente d'études préparatoires, dessins, collages, maquettes, oeuvres des années 60 et lithographies. Il ne bénéficiera d'aucun financement public ou privé.
Au milieu du parcours, le film des frères Maysles "Christo in Paris (1980)" rend compte de l'élaboration de ce projet urbain tout en évoquant la biographie de ce couple exceptionnel dont le travail commun a fait naître des œuvres parmi les plus spectaculaires de l'histoire des 20e et 21e siècles.
La seconde partie de l’exposition est consacrée au projet d’empaquetage du Pont-Neuf, réalisé en 1985. Elle revient sur toutes les étapes de l’élaboration de cette œuvre urbaine magistrale qui a marqué la mémoire collective, depuis les premières études et maquettes jusqu’aux photographies in situ. Dès 1975, Christo et Jeanne-Claude développent l'idée d'empaqueter le Pont-Neuf avec de la toile polyamide de couleur grès doré, qui recouvre les côtés et les voûtes des douze arches du pont, les parapets, les bordures et les trottoirs (le public devant pouvoir marcher sur la toile), ses 44 lampadaires, les parois verticales du terre-plein de la pointe occidentale de l'Île de la Cité et l'esplanade du Vert-Galant.
Christo et Jeanne-Claude, The Pont-Neuf Wrapped (Le Pont-Neuf empaqueté) Paris, 1975-1985
En choisissant le Pont-Neuf comme objet du geste d'empaquetage, Christo et Jeanne-Claude souhaitaient non seulement créer une œuvre temporaire en prise directe avec le réel, mais aussi inscrire leur proposition dans l'histoire de ce pont parisien, source d'inspiration des artistes. Après Turner, Renoir, Brassaï, Pissaro, Marquet... Christo et Jeanne-Claude dépassent la question de la représentation picturale pour opérer une transformation qui souligne les qualités architecturales du pont, et renouvelle notre rapport à l'appréhension de ses volumes et à la déambulation. The Pont Neuf Wrapped, Paris, 1975-1985 a été présenté durant peu de temps – du 22 septembre au 6 octobre 1985 – et a nécessité un dispositif technique et humain colossal, après dix ans de négociation auprès des politiques et des riverains.
Si les artistes financent leurs réalisations monumentales exclusivement grâce à la vente des collages et des dessins préparatoires, ils veillent à conserver, pour chaque projet majeur, la maquette du projet, les documents témoignant des étapes de sa concrétisation, et des éléments d'ingéniérie rendant compte de la situation de protection du monument. C'est cet ensemble autour de l'empaquetage du Pont-Neuf qui, telle une immense installation, est présenté au sein de l'exposition. Il témoigne de l'idée que les projets urbains de Christo et Jeanne-Claude ne se limitent pas au moment de l'empaquetage, mais commencent dès les premières approches et négociations, s'inscrivant de fait dans la réalité de la vie.
Les œuvres de Christo et Jeanne-Claude, temporaires – et non éphémères - comme ils les qualifiaient, ont toujours engagé un dialogue entre l'architecture et l'art, ou entre l'art et l'espace. Ils ont sans cesse sollicité les autorités publiques, les industriels, les habitants pour aboutir à la concrétisation de leurs projets spectaculaires, autofinancés par la vente de leurs dessins et collages, et accessibles à tous gratuitement. L'exposition Christo et Jeanne-Claude, Paris ! retrace le caractère fondateur des années parisiennes fondatrices pour le couple du développement ultérieur de leur œuvre commune. Une ultime exposition qu'aucun des deux n'aura le bonheur de visiter.
Commissaire de l'exposition : Sophie Duplaix
Exposition du 1er juillet au 19 octobre 2020. Centre Pompidou, place Georges Pompidou - 75004 Paris. Tél.: 01 44 78 12 33. Ouverture tous les jours sauf le mardi de 11h à 21h.
A partir du 12 juillet et jusqu'au 20 octobre 2021, une autre exposition est consacrée à Christo et Jeanne-Claude, cette fois en Alsace, au musée Würth d'Erstein (Bas-Rhin). Celle-ci propose une approche de l'ensemble de leur oeuvre - travaux préparatoires, projets réalisés ou non. Elle puise dans le fonds riche de 130 éléments de la collection Würth, constitué durant 20 ans d'amitié entre l'industriel allemand Reinhold Würth et le couple. Pour en savoir plus...
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