Martin Parr compte aujourd’hui parmi les photographes les plus célèbres au monde, sans conteste un des regards les plus espiègles de la photographie actuelle, nommé le « chroniqueur de notre temps » par Thomas Weski, spécialiste international de la photographie contemporaine et biographe officiel de l’artiste. Martin Parr est reconnaissable entre tous avec ses motifs étranges et décalés, pleins de dérision et d'ironie, parfois emprunts de bienveillance, ses couleurs criardes et ses perspectives peu orthodoxes. Il explore tour à tour le tourisme de masse, nos modes de consommation, avec un regard intuitif sur nos modes de vie sans jugement de valeur. Ses clichés sont en outre emprunts de son regard très anglais pour le sous-entendu ironique, un goût du kitsch avéré et l'attirance de la surabondance. L'exposition déroule la fresque d'un demi-siècle hautement problématique en termes sociaux dans la société occidentale, marqué par l'évolution des modes de consommation de classes, les vicissitudes politiques et les aléas économiques.
Martin Parr, Autoportrait, Dubai, United Arab Emirates, 2007. © Martin Parr/Magnum Photos
Comme le souligne Thomas Weski, « Parr nous montre des choses qui nous semblent familières d’une manière complètement nouvelle. Il crée ainsi sa propre vision de la société, qui nous aide à combiner une analyse des signes visibles de la globalisation à des expériences visuelles inhabituelles. Dans ses photos, Parr juxtapose autant des images spécifiques qu’universelles, sans en résoudre les contradictions. Les caractéristiques individuelles sont acceptées et les excentricités sont chéries. » Et encore : « Martin Parr sensibilise notre subconscient, et une fois que nous avons vu ses photographies, nous continuons à découvrir ces images encore et encore dans notre vie quotidienne et à nous reconnaître en elles. L’humour qui s’en dégage nous permet de rire de nous-mêmes, en jouant sur l’identification et la distanciation. »
Martin Parr, Death by Selfie – Versailles, France, 2018 © Martin Parr / Magnum Photos
Au début de sa carrière, à 23 ans, Martin Parr, avec sa série The Non Conformists, débute en 1975 un long compagnonnage avec une petite ville du Yorkshire, photographiant aussi bien la nature que la vie industrieuse des ouvriers, mineurs, paysans, croyants, garde-chasse ou colombophiles. Il entame en 1982 la série Bad Weather sur l'obsession britannique du mauvais temps, capturant en noir et blanc ses concitoyens évoluant au quotidien sous les averses, la bruine et les tempêtes de neige. La série The Last Resort évoque entre 1983 et 1985 les congés des familles aux revenus modestes à New Brighton, qui prennent des airs de zone industrielle, dénonçant aux yeux du photographe la fin du monde ouvrier et la nostalgie des années 1960. À laquelle suit le portrait de la Grande-Bretagne, The Cost of Living, après 10 ans de thatchérisme avec l'émergence de nouvelles classe moyennes, riches et ambitieuses.
Dans les années 1990, le regard de Martin Parr se tourne avec Small World vers le reste du monde et l'univers saugrenu du vacancier moyen, loisir récent permis par le développement des avions gros-porteurs puis des compagnies low-cost, menant à un rêve frelaté et uniformisé. En 1999, Common Sense se concentre sur la consommation de masse et les déchets dans une quête photographique du vulgaire, du cassé et de l'absurde. Cette série, largement diffusée à travers le monde, se présente comme une accumulation d'images aux couleurs vives imprimées au format A3. La série Luxury, entre 1997 et 2011, explore un tout autre monde à l'échelle internationale, celui des défilés de mode, foires d'art, marchés de produits de luxe ou champs de courses hippiques ; elle pose un regard intransigeant sur les comportements d'une classe internationale encore émergente aux codes sociaux fondés sur l'ostentation et la dépense. En parallèle, Think of England (1995-2003) vient relancer le débat sur ce que signifie être anglais aujourd'hui, à force de clichés constituant autant de révélations provocantes, autant pleines d'affection que brutalement directes.
Martin Parr, Luxury – DIFC Gulf Art Fair, Dubai, United Arab Emirates, 2007 © Martin Parr / Magnum Photos
En 2006, avec Mexico, Martin Parr, au-delà des clichés culturels,mène une enquête photographique sur la confrontation entre deux cultures dans les rues du Mexique : celle du Mexique vernaculaire contre celle des marques et icônes provenant des États-Unis. Il réalise également d'autres séries sur le thème de la danse, pour lui la forme la plus démocratique d'expression, sur l'autoportrait photographié à travers le monde puis sur le selfie, nouveau rituel d'une visite touristique. Un autre travail récent, Establishment, série élaborée de 2010 à 2016, s'inscrit dans le vaste projet de Martin Parr de photographier l'establishment britannique, ces élites qui dirigent son pays et leurs curieux rituels.
Exposition du 13 juin 2020 au 24 janvier 2021. Frac Bretagne, 19 avenue André Mussat, CS 81123 F – 35011 Rennes cedex. Tél. 02 99 37 37 93. Ouverture du mardi au dimanche de 12h à 19h.
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