Ces idées sont fausses : le musée n’est pas une institution du passé, il n’est
pas un conservatoire poussiéreux. Depuis le début des années 1980, les
musées connaissent une dynamique nouvelle, qui s’exprime par des
innovations muséographiques mais aussi économiques et sociales. Les
musées, tout à la fois projets urbains, pôles touristiques, lieux de
connaissance et sources d'émerveillement, sont aujourd’hui des lieux
vivants, innovants, stimulants. J’ai pu le voir lors de mes déplacements en
région, j’ai pu le mesurer à chacune des nombreuses visites que j’ai
effectuées depuis plus d’un an.
Je suis convaincu que le 21e siècle sera un « siècle des musées », je suis
convaincu qu’ils sont et qu’ils seront des lieux d’acculturation et de
connaissances ouverts sur le monde et inscrits dans leur environnement.
Depuis quelques années, en effet, de grands projets de niveau international,
en France, ont attiré l’attention des médias et d’un très large public. Je pense
au musée Fabre de Montpellier dont le succès ne se dément pas ou, plus près
de nous encore, au remarquable Centre-Pompidou Metz, porté par
l’ architecture visionnaire de Shigeru Ban.
Ces projets sont le fruit d'une collaboration réussie entre une collectivité, des
scientifiques de haut niveau et des architectes de réputation internationale.
Grâce à ces compétences rassemblées, ouvrir ou rouvrir un musée, au 21e
siècle, est un événement médiatique de portée internationale, mais c’est aussi
un geste culturel et social à forte résonance.
Car le musée est par excellence un lieu de rencontres, d’émotions,
d’apprentissage. Ouvrir un musée c’est offrir à chacun des collections, témoins
multiples de l’histoire des hommes et du monde. C’est créer un contact
exceptionnel et rare entre le visiteur et une oeuvre d’art unique ou un
témoignage historique irremplaçable.
Je suis en effet persuadé que, même à l'ère de l'image et de la numérisation,
rien ne remplace ce contact charnel, physique, presque sensuel avec l’oeuvre,
avec l’objet symbolique, avec le document historique. Les excellents chiffres de
fréquentation de nos musées en 2009, - plus de 50 millions de visiteurs dans
toute la France - renforcée par la gratuité pour les moins de 26 ans décidée par
le Président de la République, démontrent la vitalité de cette pratique culturelle.
Je souhaite que le musée reste ce lieu, souvent magique, de plaisir et de
découvertes, un lieu accessible, quel que soit l’âge, quel que soit le niveau
d’études, quel que soit le lieu où l’on réside. Il ne doit pas être ce « pays
lointain » réservé à quelques uns mais bien cet « univers familier ». Car
« c’est à la vue des chefs d’oeuvre qu’on se sent né pour de grandes choses
et qu’on s’essaye à vivre dans la postérité ».
A l’aube du XXIe siècle, faciliter cette rencontre et offrir à chacun, dans
chaque territoire, une part d'un patrimoine universel, doit être une ambition
renouvelée pour mon ministère : c'est toute la vision qui guide ce plan pour
les musées en régions.
Cette ambition pour le territoire n’est pas nouvelle : elle est au coeur même de
l’idée de musée à l’époque révolutionnaire, elle est inséparable de l’histoire
des collections dans notre pays. Issus des collections royales et des cabinets
de curiosités, les musées façonnent notre histoire culturelle et sont
inséparables d’une histoire républicaine qui confère au musée une fonction
éminemment symbolique : la rupture avec le « secret » d’ancien régime et
l’ouverture au peuple. Ils sont le fruit de l’action éclairée et novatrice
d’hommes comme Alexandre Lenoir ou Vivant Denon qui portaient l’ambition
de « créer un second Louvre aussi éclatant dans la province » pour reprendre
la jolie expression de Philippe de Chennevières, dans son manuel à
destination des Inspecteurs du Patrimoine en 1848.
Depuis plus de 200 ans, cette filiation fait de la France un pays tout à fait
exceptionnel par sa richesse muséale. L'histoire des musées, l’utopie
révolutionnaire de ces « petits Louvres de province », est comme une
préfiguration de la décentralisation culturelle que nous revendiquons
aujourd’hui. Je retrouve dans l’origine et dans l’histoire des musées de France
cette ambition de la « culture pour chacun » qui guide mon action rue de
Valois.
Avec plus de 1200 musées labellisés « musées de France » par ce
Ministère, nous possédons un trésor incomparable, une ressource
insoupçonnable.
Vous le savez, l’Etat conduit une politique de grands projets dans ses
musées les plus emblématiques.
Mais parallèlement, il conduit une politique de soutien aux collectivités
territoriales, afin de proposer dans les régions, au plus près des publics,
des projets culturels et muséaux de qualité.
Car pour que croissent les grands arbres, toutes les espèces doivent être
préservées, toutes les plantes doivent pouvoir coexister : la forêt des
musées de France a besoin aujourd’hui d’un nouveau semis et de taillis
plus serrés pour continuer à croître plus harmonieusement.
C’est pourquoi j’ai souhaité mettre en place ce plan pour les Musées en
régions.
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A travers une sélection de 79 musées, répartis dans l’ensemble des
régions de France, j'ai souhaité mettre en lumière de remarquables projets
de créations, de rénovations, d'extension de musées afin de mieux faire
connaître les richesses artistiques de notre territoire.
Par ce plan, je souhaite réaffirmer le rôle majeur des musées dans
l’aménagement et le développement culturel et économique des territoires
Les Musées de France sont des points d’ancrage solides pour la politique
culturelle mais aussi pour l’attractivité de notre pays, comme j'ai pu le
constater dans mon « tour de France » des musées entrepris depuis plus
d'un an.
Des réussites récentes, comme le magnifique musée Fesch d'Ajaccio que
j'ai eu le plaisir de découvrir cet été, ont ainsi fait la démonstration de
l'attractivité des musées dès lors qu'ils bénéficient d'un effort
d'investissement suffisant et d'une gestion active.
D'autres projets sont près d'aboutir et rencontreront, je n’en doute pas, un
grand succès, comme le musée Lalique de Wingen-sur-Moder, en Alsace,
qui s’appuie sur un projet de revitalisation du territoire mais aussi sur le
stimulant projet architectural de Jean-Michel Wilmotte.
Nombreux sont ces projets exemplaires qui illustrent l'ambition partagée
des collectivités et de l'Etat pour nos musées.
Par ce plan pour les musées, je fais de cet engagement auprès des
musées en régions une priorité forte de mon ministère, qui mobilisera
près de 70 millions d’euros sur le projet de loi de finances 2011-2013.
Cet engagement garantira pour cette période un rythme accéléré de
réalisation à des chantiers engagés et des projets déjà mûris.
Par ce plan, l'Etat réaffirme sa volonté de renforcer le rééquilibrage
territorial, dans le cadre d'une « nouvelle donne » que j’entends proposer
dans le dialogue avec les collectivités locales.
Car c'est aussi une manière de reconnaître l'investissement et
l'engagement des collectivités territoriales, qui sont les premiers acteurs
en régions, et de donner la plus grande visibilité aux projets qu'elles
portent.
Ce Plan Musées en régions est le fruit d’un choix exigeant.
Il repose sur des critères objectifs et sur des principes partagés :
d'une part, la qualité du projet scientifique et de l’offre au public, qui doit
rester au coeur de la mission du musée au 21e siècle.
d’autre part la reconnaissance de la diversité des musées : le plan
musées soutiendra des musées de société ( comme le musée des Terreneuvas
et de la pêche à Fécamp, ou les Salines de Salin, patrimoine
industriel de premier ordre).
Le plan musées soutiendra des musées de Beaux-arts comme le musée
Toulouse-Lautrec d'Albi, au coeur de cette ville magnifique tout récemment
inscrite au patrimoine mondial de l'Humanité par l'Unesco, ou le musée
Girodet de Montargis.
Le plan musées soutiendra, aussi, des musées d'Histoire tels que le
musée franco-américain de Blérancourt, témoignage de l’amitié
transatlantique, ou le musée Schoelcher de Pointe-à-Pitre.
Troisième critère retenu : la part des projets dans le développement
culturel des territoires
Beaucoup de musées sont au coeur de grands projets urbains et
métropolitains, à l’image de ceux qui prendront part à Marseille-Provence
capitale européenne de la Culture 2013,
D’autres s’inscrivent dans le développement de territoires ruraux, à
l’image du musée des vallées cévenoles à Saint-Jean du Gard ou du
musée du jouet, à Moirans-en-montagne, dans le Jura, lieu d’un savoirfaire
artisanal, porteur d’une mémoire et d’une exemplarité.
Enfin, l’ambition architecturale, qui est aujourd’hui un élément majeur du
rayonnement des musées, a guidé cette sélection. Les musées doivent
apporter leur pierre à l'excellence architecturale de notre pays : ils sont
aussi une vitrine et un vecteur de rayonnement pour la création
contemporaine.
Je pense, notamment, au Muséoparc d'Alésia dessiné par Bernard
Tschumi, au musée de la Grande Guerre de Meaux par Christophe Lab,
au musée Dobrée de Nantes par Dominique Perrault.
Le Plan musées concerne, vous l’avez compris, l’ensemble du territoire
national : territoires urbains et territoires ruraux, territoires métropolitains
et Outre-Mer.
C’est un plan sur-mesure, adapté à la spécificité de chaque territoire,
respectueux de la diversité du paysage. Le niveau d’intervention de l’Etat
– situé à 20% en moyenne - est modulé, adapté à chaque situation, à
chaque contexte. Il ne s’agit pas de saupoudrer pour préserver l’existant
mais bien de porter une vision stratégique pour le territoire afin de
préparer l’avenir. Il concerne chacune des collectivités territoriales –
région, département, commune - sans exclusion ni ostracisme : en
matière d’offre culturelle, je tiens à le dire, chacune est un interlocuteur
légitime de l’Etat.
En revitalisant le tissu des musées en région, en renforçant sa diversité,
en s’appuyant sur les projets des collectivités locales pour leurs territoires,
le « Plan musées » traduit la continuité des missions de l’Etat mais aussi
l’ambition d’un nouvel équilibre entre un Etat partenaire, incitateur et
acteur et les promoteurs de la culture en région. Il s’agit de repenser la
place de l’Etat comme « centre d’impulsion et de coordination (…) de
lumières autonomes » pour reprendre la belle expression de l’historien
François Guizot dans son Histoire du gouvernement représentatif. Il
dessine aussi un projet pour les musées du XXIe siècle, des musées
rénovées, des musées modernisées, des musées inscrits dans leur
territoire mais ouverts sur de larges horizons grâce à des partenariats
nombreux et diversifiés.
Le Musée est et restera un lieu majeur pour l’entrée dans la culture, un
lieu où l’on s’instruit, un lieu où l’on puise des modèles, un lieu où l’on
verse des larmes aussi, un lieu où l'on rêve enfin. Un lieu où chacun peut
former sa sensibilité, un lieu où chacun peut appréhender physiquement
les chefs d’oeuvre et les témoignages légués par le passé, mais aussi se
les approprier.
Un lieu où le temps long de la conservation et le temps court de
l’exposition se complètent. Un lieu où le visiteur habitué et le spectateur
occasionnel se rencontrent et dialoguent. Un lieu qui soit un « lieu de
mémoire » autant qu’un « atelier de l’esprit humain » pour la société du
XXIe siècle.
C'est pour mettre en valeur toutes ces facettes de la mosaïque des
musées de France que j'ai souhaité les placer au coeur de mon action.
Discours de Frédéric Mitterrand, ministre de la Culture et de la Communication, prononcé à l'occasion de la conférence de présentation du « Plan Musées en Régions » 2011-2013
« Nous n’irons plus au musée » : c’est ainsi que débute le pamphletprovocateur d’un ancien pensionnaire de la Villa Médicis, historien d’art,Bruno Nassim Aboudrar. Certains diront qu’à l’heure numérique, qu’àl’heure de l’accès virtuel aux collections, le lieu physique n’a plus de sens,qu’à l’heure de la mise en ligne des oeuvres, il est vain de croire à unepolitique ambitieuse en faveur des musées.
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