On les voit, parfaitement alignés le long du canal de l’Ourcq, prêts à recevoir demain les visiteurs du Club France de Paris 2024 au parc de la Villette : le pavillon de la fédération française de voile conçu par l’ENSA Marseille reconnaissable à sa voile et à sa proue issus du réemploi, celui tout en paille de la fédération française d’équitation piloté par l’ENSA de Versailles, ou encore celui de la fédération française de Canoë-Kayak conçu par l’ENSA Grenoble, identifiable à ses parois ajourées…
Ensemble ou séparément – leur installation harmonieuse au sein du parc de la Villette était un élément central du cahier des charges – les Archi-Folies ont fière allure. Qui s’en étonnerait ? Depuis que le ministère de la Culture, la Villette, et le comité national olympique et sportif français ont décidé de confier aux étudiants des vingt écoles nationales supérieures d’architecture et de paysage (ENSA-P) la réalisation de vingt pavillons éphémères, chacun représentant une fédération sportive, tout a concouru à la réussite de cette vaste opération collaborative conçue dans le cadre des Jeux Olympiques et Paralympiques 2024 , modèle du genre en matière d’éco-conception.
Une rencontre de l’architecture et du sport sous le parrainage de Bernard Tschumi
Tout a commencé, en novembre 2022, par la combinaison d'un workshop et du lancement officiel, qui a galvanisé les équipes. Du côté du workshop, une feuille de route claire enjoignant les étudiants à utiliser les ressources locales dans le cadre d’une « pédagogie par le faire » et une présentation de différentes hypothèses de « plan-guide », autrement dit le schéma général qui doit faire résonner les pavillons avec leur lieu d’implantation, le parc de la Villette.
Du côté du lancement officiel, la présence de Bernard Tschumi, le « père » du Parc et de la Grande Halle de La Villette, lauréat du Grand Prix national d’architecture en 1996, qui donne sa bénédiction à un projet « entièrement fidèle à l’esprit du parc » et enjoint les étudiants à « créer une série d’étendards symbolisant le mouvement pour chaque pavillon ».
Les premières maquettes dévoilées
Premier temps fort en juillet 2023 avec l’exposition des premières maquettes à l'école nationale d'architecture de Paris-Malaquais (ENSAPM). Cette « photo à un instant T. » selon son commissaire Yann Rocher, maître de conférences à l’ENSAPM, témoigne de la diversité des approches. On y trouve « aussi bien des maquettes conceptuelles et thématiques, qui mettent en avant des formes, des techniques ou des idées, que des maquettes plus réalistes. » Les maquettes sont également le fruit de la rencontre entre chaque école et sa fédération partenaire.
Enfin, pour ce projet « qui met en jeu des pédagogies axées sur la réalisation grandeur nature, le processus de conception et la matérialité priment donc encore plus que d’habitude. Il y a une volonté partagée par tous d’avoir des solutions intelligentes en termes de ressources, de techniques et de réemploi » dit encore Yann Rocher. A noter que si les maquettes ne permettent pas encore de juger de la manière dont les pavillons vont s’intégrer sur le site, elles sont présentées dans un ordre proche de celui que l’on retrouvera au Parc de La Villette.
Des pavillons inscrits dans les problématiques contemporaines
Dans l’amphithéâtre de l’École nationale supérieure d’architecture de Paris-Belleville où a lieu un nouveau workshop en février 2024, ce sont des projets désormais en phase de réalisation que chaque école présente en duo avec sa fédération sportive partenaire.
Le projet est bien entré dans sa dernière ligne droite. Ces derniers mois, les échanges n’ont cessé de s’intensifier avec les fédérations sportives partenaires. Pour ne citer que cet exemple, des danseurs de breakdance sont ainsi venus à l’ENSA de Lyon, qui pilote le pavillon de la Fédération française de danse, ce qui a permis aux étudiants « d’avoir un autre point de vue sur la discipline ».
Le bois apparaît comme le matériau roi : l’ENSAP Bordeaux, associée à la fédération française de pentathlon moderne, a noué un partenariat avec l’école supérieure du bois de Nantes, celle de Paris-Est, associée à la Fédération française d’escalade, a conçu « une structure en matériau bois biosourcé et a bénéficié de l’encadrement d’un artisan charpentier ».
Enfin, l’enjeu écologique est au cœur de tous les projets. Illustration avec l’ENSA de Montpellier qui, associée à la Fédération française de roller skate, a construit un pavillon en éléments d’échafaudages, et privilégié le circuit court : les éléments d’échafaudages seront ceux disponibles à Paris.
Pour Hélène Fernandez, directrice adjointe au directeur général des patrimoines et de l’architecture, chargée de l’architecture, au ministère de la Culture, les pavillons sont « emblématiques de l’évolution des études d’architecture qui sont de plus en plus inscrites dans les problématiques contemporaines ». Le projet Archi-Folies 2024 « est pionnier tant sur le plan de la réalisation que sur celui de la coopération. Il pose une question – comment travailler ensemble ? – qui est appelée à devenir centrale dans les études d’architecture ».
Une expérience unique
Au printemps, c’est aux Grands Ateliers, près de Lyon, que l’on retrouve les étudiants et les équipes pédagogiques. C’est en effet dans ce lieu de formation et d’expérimentation en architecture qu’est réalisé le prototype de chaque pavillon dont les éléments seront ensuite transportés et montés dans le parc de la Villette.
L’occasion de recueillir le témoignage de l’équipe de Grenoble qui a conçu le pavillon de la fédération française de canoë-kayak. « Il y a une grande différence entre dessiner et dessiner, construire, et concevoir. Le lien entre les communautés académique et industrielle est très riche » dit Gabriela, étudiante en master 1. « On suit le projet du début à la fin, y compris dans la phase de démontage » dit encore l’étudiante qui se réjouit de voir les pavillons « interagir avec les touristes et les parisiens pendant les Jeux olympiques et paralympiques. »
Pour son coordonnateur, Philippe Liveneau, architecte et professeur enseignant, le projet est vertueux à tous les niveaux. « La collaboration étroite avec la fédération française de canoë-kayak nous a permis d’appréhender les attributs de cette pratique sportive, en eaux vives, en eaux plate, mais également dans un rapport presque philosophique à la nature, à la liberté du cheminement, à l’idée d’aller vers un horizon ». Il en résulte un projet « d’enserrement spatial comprenant une enveloppe en métal prélaqué, laquelle est composée de 4700 perforations, dont le jeu de traitement de la lumière permet à la fois de faire des projections au sol, et d’organiser des visibilités réciproques entre l’intérieur et l’extérieur ». Blanches dehors, bleues dedans, les taules promettent « une immersion dans un environnement aquatique » pour le visiteur.
A vos marques, prêts…ouvrez !
Voici donc les pavillons désormais installés sur site. Ceux-ci « rappellent les 20 folies créées par son architecte Bernard Tschumi » s’enthousiasme Blanca Li. La présidente de l'établissement public du parc et de la Grande halle de la Villette vante par ailleurs le caractère « démontable, réutilisable et éco-responsable » de ces espaces éphémères. Même satisfaction du côté de Nathalie Péchalat, directrice du Club France : « Grâce à ces pavillons, nous allons proposer des initiations sportives mais aussi des visites immersives ou des démonstrations sportives, l’objectif étant de provoquer chez le visiteur l’envie de se mettre au sport et pourquoi pas d’adhérer à un club sportif, et donc d’avoir un héritage post jeux olympiques et paralympiques 2024 ».
Hôtes des fédérations sportives et de leurs visiteurs pendant les Jeux olympiques, les Archi-Folies seront en accès libre pendant les Jeux paralympiques du 28 août au 3 septembre. Ultime étape en septembre, quand, à l’issue des compétitions, les pavillons seront démontés et réinstallés sur le territoire d’implantation des écoles.
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