Par quelles opérations un édifice ou un objet se trouve-t-il intégré au corpus du patrimoine? Quelles sont les étapes de la «chaîne patrimoniale», depuis le premier regard jusqu’à l’éventuelle obtention du statut juridique de «monument historique»? Quels sont les critères mis en œuvre par les chercheurs de l’Inventaire pour décider que tel château, telle ferme, tel tableau d’église possède ou non une valeur patrimoniale? Quelles émotions animent les mobilisations des profanes en faveur des biens à préserver? Et finalement, sur quelles valeurs fondamentales repose la notion même de patrimoine?
Telles sont les questions auxquelles répond ce livre, à partir d’enquêtes au plus près du terrain. Car c’est dans le détail des procédures, des propos enregistrés, des scènes et des gestes observés que l’on peut réellement comprendre comment – c’est-à-dire pourquoi – les limites du patrimoine n’ont cessé, en une génération, de s’étendre, englobant désormais non seulement la «cathédrale» mais aussi la «petite cuillère» – selon les mots d’André Chastel définissant le service de l’Inventaire –, voire, tout récemment, la borne Michelin.
Appliquant à la question patrimoniale les méthodes de la sociologie pragmatique, cette étude s’inscrit dans la perspective d’une sociologie des valeurs, tentant d’élucider ce qu’on entend aujourd’hui dans notre société par l’ancienneté, l’authenticité, la singularité ou la beauté – et ce qu’on en attend.
Nathalie Heinich, chercheur au CNRS, est spécialisée en sociologie de l’art, en sociologie de l’identité et en histoire des sciences sociales. Elle est l’auteur de nombreux articles et ouvrages.
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