Architecture et conservation préventive, 2012
Manifestation organisée par la direction générale des patrimoines, ministère de la Culture et de la Communication, en partenariat avec la Cité de l'architecture et du patrimoine les 2 et 3 octobre 2012
Accueil, allocution
Mot d'accueil de Laurence de Finance, directrice du musée des Monuments français. Allocution de Bertrand-Pierre Galey, directeur général des patrimoines par interim.
Introduction générale
Gaël de Guichen, conseiller du directeur général du Centre international d'études pour la conservation et la restauration des biens culturels (ICCROM).
Ingénieur chimiste. Après avoir été responsable pendant deux ans de la conservation de la Grotte de Lascaux en France, Gaël de Guichen a rejoint en 1969 l’ICCROM (Centre international d’études pour la conservation et la restauration des biens culturels) à Rome où il a fait toute sa carrière. Cela l’a amené à réaliser plus de 500 missions dans les pays membres de l’organisation, au cours desquelles il a donné de très nombreuses conférences et cycles de cours sur la conservation dans les musées.
Depuis 1975 il a développé le concept de « Conservation préventive » qu’il a appliqué en particulier depuis 1985 dans le cadre d'un vaste programme de revitalisation des Musées en Afrique sub-saharienne « PREMA » - prévention dans les musées africains .
Dialogue et sensibilisation
Sous la présidence de François Goven, inspecteur général des Monuments historiques, Inspections des patrimoines.
L'expérience des Archives départementales du Bas-Rhin, ou de la nécessité de prendre l’attache de spécialistes lors d’un projet de construction
Pascale Verdier, directrice des Archives départementales du Bas-Rhin.
Intervenant : conservatrice du patrimoine, elle a dirigé les Archives départementales de la Meuse, où existait un projet de construction de bâtiment, et où ont été formalisés, au stade du programme, certains principes assez novateurs à l’époque pour les bâtiments d’archives, notamment l’affranchissement partiel des normes climatiques alors en usage.
À la tête des Archives départementales du Bas-Rhin depuis 2003, elle a suivi le chantier de construction de ce bâtiment entièrement climatisé, dont le lot climatisation n’a pas été réceptionné car il ne répondait pas aux exigences du programme.
Elle a également suivi les travaux correctifs qui ont suivi, ce qui la conduit à porter une très grande vigilance aux questions de construction et de conservation préventive.
En 2006, au moment de la préparation du déménagement des collections, les connaissances minimales sur l’état des collections faisaient défaut (climat dans les magasins actuels ; état sanitaire des collections ; activité ou non des micro-organismes ; type de traitement anciennement appliqué). Les sinistres anciens, de faible ampleur, étaient en effet peu documentés. J’ai donc choisi d’initier une « étude scientifique sur l'état sanitaire des collections dans le cadre du déménagement des Archives départementales du Bas-Rhin (diagnostic climatique, préconisations à court et moyen terme et conseils pour l'ajustement climatique à long terme) », attribuée à un cabinet spécialisé en conservation préventive, In Extenso.
En parallèle à la première phase de l’étude, portant donc sur le climat dans les anciens magasins de conservation, M. Diaz Pedregal a travaillé sur les installations climatiques du nouveau bâtiment. Des anomalies dans la conception même de l’installation ont été relevées en phase de chantier, qui ont finalement conduit le département à résilier le marché de maîtrise d’œuvre et le lot climatisation, puis à mettre en œuvre une nouvelle campagne de travaux destinés à corriger l’existant et à rendre le bâtiment apte à sa destination de lieu de conservation de documents patrimoniaux.
Dans l’expression des besoins, In Extenso nous a, à nouveau, beaucoup aidés, en travaillant avec le bureau d’études techniques sur les modifications à apporter à l’installation existante. Il a également rédigé un protocole de réception spécifique pour ces installations climatiques.
Plusieurs points me semblent aujourd’hui fondamentaux, et probablement généralisables :
- prendre l’attache de spécialistes de la conservation préventive, dès le programme (ou même avant) et tout au long de l’avancement du projet de construction ;
- il n’est jamais trop tard pour bien faire : dans un bâtiment neuf comme dans un bâtiment ancien, on peut obtenir un audit du climat et de l’installation par un spécialiste, bien que ceux-ci ne soient pas légion. Et, par la suite, élaborer un plan de sauvegarde adapté ;
- il est nécessaire de mettre en place une véritable politique de conservation préventive, avec surveillance effective des collections, et documentation précise de chaque incident.
Au travers de la relation de cette expérience, certainement non généralisable, je souhaite surtout appeler l’attention de chacun sur cet indispensable contrôle climatique qui est à mener à chacune des étapes d’un projet de construction de bâtiment d’archives.
Etats des lieux (et conservation préventive) au Museon Arlaten : conjuguer les compétences autour de la rénovation
Dominique Serena, directrice du Museon Arlaten, Arles.
Intervenant : Historienne de formation, d’abord enseignante à l’étranger, elle intègre le cursus professionnel lié au patrimoine muséal à la fin des années 1970.
Se spécialisant dans l’action culturelle et éducative en cours de mutation qui se développait à cette époque dans les musées, elle occupe des fonctions essentiellement dans les musées d’ethnologie dépendant d’abord de parcs naturels régionaux, puis de collectivités territoriales et initie des méthodes de médiation.
En 1991, elle prend la direction du Museon Arlaten, musée départemental d’ethnographie et élabore le Projet Scientifique et Culturel sur lequel s’articule le vaste chantier de rénovation.
Auteur de nombreux articles sur les rapports entre l’histoire et l’ethnologie au musée et sur les collections du Museon Arlaten.
Au début des années 1990, le Museon Arlaten, musée d’ethnographie provençal créé près d’un siècle auparavant par F. Mistral (1830-1914), poète consacré par le prix Nobel en 1904, partageait avec certains musées de ce type une situation particulièrement délicate : bâtiments proches du délabrement ne bénéficiant d’aucun équipement fonctionnel, collections en quasi déshérence, souvent dégradées ou subissant des infestations actives, absence de professionnels en nombre suffisant pour gérer l’institution.
Pourtant, l’histoire inédite de ce musée ethnographique, l’un des premiers de ce type installé en province à la fin du XIXème siècle, sa place privilégiée dans une culture régionale sans cesse réinventée, les sentiments d’appartenance que la population régionale développait autour de lui ont motivé pour le Conseil Général 13, collectivité tutelle du Museon Arlaten, un vaste projet de rénovation permettant de réhabiliter le bâti, d’assurer une meilleure conservation des collections, et de refonder le propos scientifique sous tendant le parcours muséographique.
Une telle situation et les étapes incontournables d’un chantier de cette envergure, ont imposé en parallèle à l’élaboration du Projet Scientifique et Culturel du musée sur lequel s’articulerait le projet architectural et muséographique, l’adoption d’une méthode très pragmatique rendant systématiques des états des lieux précis, permettant seuls d’appréhender la complexité de ce musée singulier et d’accompagner de manière pertinente toutes les décisions quel que soit le domaine d’intervention.
Tout en élargissant ou en renforçant les compétences de l’équipe, il s’est agi, non seulement de conjuguer les compétences de prestataires mais aussi de décliner et d’adapter les principes de la conservation préventive au projet architectural et muséographique, de sa conception à sa réalisation encore à venir.
Entre contraintes fortes liées à des bâtiments soumis à diverses règlementations (MH, secteur sauvegardé) dessein scientifique de restituer des présentations muséographiques historiques devenues patrimoine et état des collections ethnographiques souvent présentées depuis près d’un siècle, se sont lentement élaborées des solutions inédites, adaptées aux lieux, au propos, à la nature du patrimoine muséal.
Alors que s’achève la phase de PRO du chantier, celles-ci assureront un équilibre harmonieux entre les exigences de conservation des bâtiments ou des collections, les enjeux des présentations muséographiques historiques et le confort ou le plaisir des visiteurs.
Économies d'énergie, esthétique architecturale et conservation des œuvres : l'exemple de la rénovation du musée des Beaux-arts de Dijon
Sophie Jugie, directrice du musée des Beaux-arts, Dijon.
Intervenant : École Nationale des Chartes (1982- 1986), École du Louvre (1983- 1986), en 1986 concours de conservateur de musée, spécialité Moyen Âge, fonction publique d’État, École du Patrimoine (1987- 1988), conservatrice du patrimoine au musée national de la Renaissance, à Écouen, puis conservatrice du patrimoine au musée des Beaux-Arts de Dijon, responsable des collections du Moyen Âge et de la Renaissance : recherches notamment sur l'art au temps des ducs de Bourgogne, le palais des ducs, les tombeaux des ducs, les primitifs suisses et allemands, les sculptures médiévales, les émaux peints de Limoges, le mobilier Sambin, depuis le 1er mars 2004, chargée également de la direction du musée : coordination générale de l'activité du musée, participation à la rénovation du musée.
Améliorer la conservation des collections dans les salles d'exposition permanente comme dans les réserves était un des enjeux majeurs du projet de rénovation du musée des Beaux-arts de Dijon. L'équipe est accompagnée par un cabinet spécialisé en conservation préventive pour le chantier des collections, qui la conseille pour la construction puis l'exploitation des nouvelles réserves et pour l'aménagement du futur musée dans les murs du palais des ducs de Bourgogne.
La demande de la Ville de prendre en compte ses objectifs en terme de développement durable a amené à revoir la conception de la gestion du climat. Si la température et l'hygrométrie restent contrôlées dans les salles accueillant les collections les plus sensibles, le musée n'est plus entièrement climatisé. Le dialogue entre la Direction des musées de France, les architectes, les bureaux d'études, les différents services de la Ville et les élus a permis de retenir tout un ensemble de solutions qui convergent pour réduire la consommation d'énergie sans sacrifier ni la conservation des collections ni l'esthétique du projet des Ateliers Lion et d’Éric Pallot, architecte en chef des Monuments historiques. On signalera notamment la mise au point d'huisseries accueillant à la fois vitrail traditionnel et double vitrage performant.
L'intégration de la conservation préventive dans les grands projets : le cas du musée du Louvre
Françoise Mardrus, responsable de la coordination des aménagements du palais du Louvre et des Tuileries ; Anne de Wallens, déléguée à la conservation préventive et à la coordination des régies, musée du Louvre.
Françoise Mardrus : Diplômée de l'Institut national du Patrimoine en 1988, elle est entrée au musée du Louvre en septembre 1988 pour assurer la coordination des projets d'aménagements du Grand Louvre au sein de la Direction du musée.
Depuis 1998, elle est responsable auprès du Président - Directeur de l'organisation des opérations de rénovation des espaces du musée et de leurs collections ainsi que de la coordination des projets de restauration du monument historique.En 2011, elle prend également en charge la coordination des projets du jardin des Tuileries. Françoise Mardrus est également professeur à l'École du Louvre où elle enseigne l'histoire du musée du Louvre et de ses collections ainsi qu’une initiation à la muséologie.
Anne de Wallens : Nommée par Henri Loyrette en 2007 pour créer la Délégation à la conservation préventive et à la coordination des régies après six années passées à la Réunion des musées nationaux et 15 au département des Peintures du Louvre, Anne de Wallens a pour mission, avec une équipe de restaurateurs et régisseurs, d’élaborer et mettre en œuvre la politique de conservation préventive de l’établissement, en collaboration avec les départements et directions concernés. Cette mission s’entend pour la vie quotidienne, les chantiers des collections ou les grands projets.
En outre, elle anime le groupe de travail européen de normalisation qui élabore les normes emballage et transport des biens culturels.
Ses dernières publications portent sur le projet de centre de conservation du patrimoine (IFLA-PAC n°49) et sur la conservation préventive (Techné n° 34, 2011).
Le Centre de Conservation et d'Étude archéologiques du Pas-de-Calais : un dialogue "constructif" entre partenaires (État, Département, architecte et bureaux d'études)
Intervenant : Sophie François est archéologue au Centre départemental d’archéologie du Pas-de-Calais depuis 2005. Attachée de conservation, elle dirige depuis sa création en 2009 le service des archives du sol dont les missions principales sont la conservation des mobiliers archéologiques et de la documentation associée. A ce titre, elle dirige deux projets structurants : la création du système d’informations archéologiques du Pas-de-Calais et la construction du Centre de Conservation et d’Étude archéologiques du Pas-de-Calais. Elle a suivi toutes les étapes du projet de la pré-programmation à la validation du projet architectural. Elle est responsable scientifique du CCE et participe au groupe de travail « tri, sélection, élimination » organisé par la Sous-direction de l’Archéologie.
L’ouverture du Centre de Conservation et d’Étude archéologiques du Pas-de-Calais prévue fin 2013 concrétisera 10 ans de dialogue entre différents partenaires. Dès 2003, le Service régional de l’Archéologie (SRA) et le Département du Pas-de-Calais recensent les lieux de conservation du mobilier archéologique et constatent des capacités réduites d’accueil et une hétérogénéité des pratiques. En 2007, suite au lancement du projet de « centre de conservation et d’étude » le SRA définit un schéma régional centré sur deux têtes de réseau : les départements. En 2009, le Pas-de-Calais vote le projet de construction d’un bâtiment de 1 200 m² utiles. Une deuxième phase incluant les locaux de son service d’archéologie et l’extension du CCE est prévue. Le CCE, phase 1, est financé à 50 % HT par l’État.
La maitrise d’œuvre est portée par le Département autour d’une équipe d’ingénieurs et d’archéologues. Dès la phase de pré-programmation, la conservation préventive a été intégrée via une étude externe financée par le Ministère de la Culture et de la Communication. Cette étude avait trois objectifs :
- Compléter les éléments techniques des espaces « sensibles » du CCE : premier traitement, étude et conservation ;
- Orienter la programmation de ces espaces en précisant les conditions indispensables de conservation préventive, ;
- Affiner le chiffrage surfacique et budgétaire du futur CCE.
Au stade de l’APD, le projet a également bénéficié d’une étude ergonomique des postes de travail. L’analyse du travail réel a déterminé les conditions optimales d’exercice favorisant la sécurité, la santé et le confort des agents ainsi que l’efficacité du travail ; cela contribue directement à réduire les risques humains que subissent les collections. Cette étude a précisé le cahier des charges des équipements, de l’aménagement des espaces de travail et des engins de manutention adaptés.
L’architecte et le bureau d’étude technique ont également visité et dialogué directement avec d’autres spécialistes de la conservation préventive. Ces échanges avec des lieux de conservation récemment construits ou en cours de construction ont permis de lister les points de vigilance notamment en termes de gestion climatique.
Si les missions du CCE sont de favoriser la conservation et l’étude du mobilier archéologique en son sein, l’intégration de la conservation préventive dès la phase de collecte est un gage de bonne pratique. Le SRA veille à harmoniser les pratiques de conservation, de conditionnement, d’inventaire à l’échelon régional. En parallèle du projet architectural, un système d’informations archéologiques a été conçu pour intégrer et gérer les données produites, du terrain à la régie des collections.
Le CCE du Pas-de-Calais s’est construit sur un partenariat fort entre l’État et le Département intégrant la démarche de conservation préventive en amont du projet.
Les besoins de conservation dans la conception architecturale
Intervenant : Adam Yedid est architecte conseil au Service des musées de France depuis 1998. A ce titre il suit de nombreux projets et participe au dialogue entre les maîtres d’œuvre et les équipes de conservation.
Il est architecte consultant de la Mission Interministérielle pour la Qualité des Constructions Publiques et participe à de nombreux jurys d’architecture. Adam Yedid est l’auteur de plusieurs réalisations dans des bâtiments ou des sites historiques en France ou à l’étranger, objet de publications dans la presse internationale. Il participe à la formation des Architectes Urbanistes de l’État à l’École d’Architecture de Versailles depuis 1999 et intervient à l’École de Chaillot sur le thème Patrimoine et Création depuis 2009. Il est l’auteur d’ouvrages d’analyse sur les centres historiques.
La production des musées est précédée d’un long processus : du Programme Scientifique et Culturel à l’esquisse architecturale, avec au préalable la programmation architecturale et muséographique. L’objectif fondamental du musée, la bonne conservation des œuvres, est parfois minoré par des considérations liées à l’impact de l’enveloppe du musée, la qualité visuelle et architecturale estimée du bâtiment. Dès lors, les problématiques de conservation ressurgissent à la suite du choix d’un projet, lequel s’opère souvent sans la prise en compte de l’avis du conservateur ou d’un spécialiste en conservation préventive.
A partir d’exemples contrastés, on examinera les conséquences au regard de la conservation de dispositions des projets architecturaux, en particulier au regard du climat interne. Une synthèse proposera des éléments de réflexion pour une meilleure prise en compte en amont de cette question essentielle dans la création ou la transformation d’un musée.
Vers une économie de la conservation-restauration
Sous la présidence de Hervé Lemoine, directeur, chargé des Archives de France.
Constructions à haute qualité environnementale : l'exemple des Archives départementales du Nord
Rosine Cleyet-Michaud, Conservateur général du patrimoine honoraire.
Intervenant : Archiviste paléographe (1971), Conservateur aux Archives du Loiret (1971-1978), Directeur des Archives des Alpes-Maritimes (1978-1992), Directeur des Archives de la Loire-Atlantique (1992-1995), Conservateur général chargé du service technique de la direction des Archives de France (1995-2001). Le service technique est chargé, entre autres, d'élaborer les textes normatifs et réglementaires intéressant les Archives en France ; une majeure partie de ces textes fixe les règles de conservation des documents d'archives publiques. Directrice des Archives départementales du Nord (2001-2012).
Les nouveaux magasins des Archives départementales du Nord représentent un exemple de bâtiment à haute qualité environnementale et à énergie positive.
A la base :
1- des exigences de température et d’hygrométrie adaptées à la conservation des documents d’archives
2- une exigence d’énergie positive
3- Une méthode :
un performantiel de résultats ; une procédure de conception-réalisation qui a permis, de la conception à la réalisation, une étroite collaboration entre maître d’ouvrage, maître d’œuvre et entreprises.
de très nombreuses modélisations
Caractéristiques du bâtiment :
un chantier sec (poteaux-poutres, une très forte isolation des parois extérieures, y compris le sol du rez- de-chaussée et le plafond du dernier étage)
une centrale de dessication ; co-génération à l’huile végétale (production de chaleur et d’électricité) ; panneaux photovoltaïques (production d’électricité).
Quelle opportunité de la démarche HQE pour la construction d'une bibliothèque ?
Fanny Clain, conservateur, Service commun de la documentation de l'Université d'Aix-Marseille.
Titulaire d’un Master d’Histoire de la philosophie, conservateur d’État des bibliothèques, Fanny Clain est actuellement en poste au Service commun de la documentation de l’Université d’Aix-Marseille où elle est en charge de la communication et de l’évaluation des bibliothèques. Elle a consacré son mémoire de fin d’étude du diplôme de conservateur à l’impact de l’architecture « Haute Qualité Environnementale » sur la construction des bibliothèques. Sur le même thème, elle a contribué à l’ouvrage « Architecture et bibliothèque 1992-2012 : 20 ans de constructions » (Presses de l’ENSSIB, à paraître).
Depuis le début des années 2000, la construction en « Haute Qualité Environnementale » (HQE) gagne du terrain dans le paysage architectural des bibliothèques françaises. De nombreux projets voient le jour, affichant de plus ou moins grandes ambitions HQE et concernant autant les bibliothèques de l’enseignement supérieur que les bibliothèques territoriales. Dans un contexte où la réglementation thermique se durcit tous les cinq ans et où la thématique du développement durable interroge de plus en plus les bibliothécaires dans leurs pratiques et leur vision du métier, la « démarche HQE » apparaît comme une solution structurée et complète pour maîtriser l'impact environnemental des bâtiments de bibliothèques.
A travers l’étude de quelques-unes de ces réalisations, il est notable que les professionnels des bibliothèques manifestent la volonté de s’approprier la démarche HQE, conçue comme généraliste et codifiée, pour l’adapter à leur réalité propre. La préoccupation environnementale le plus souvent à l’origine d’un projet de construction HQE se double ainsi systématiquement, voire se voit devancée, par les problématiques de confort d’usage et de fonctionnalité du bâtiment de bibliothèque.
Considérée dans son ensemble, la démarche HQE appliquée aux bibliothèques permet d’intégrer bien mieux que par le passé la réflexion sur les frais de fonctionnement, le confort d’usage et l’impact environnemental du bâtiment. Néanmoins la technicité et la relative nouveauté de ce type de construction déterminent à la livraison une « qualité environnementale » inégale d’une réalisation à l’autre, justifiant que la réflexion se poursuive vers une prise en compte encore plus globale, dans la conception et l’aménagement du bâti, des missions et des contraintes propres aux bibliothèques. La question de la conservation des collections mériterait notamment d’être posée au même titre que celle du confort d’usage ; la problématique de la réhabilitation en HQE des bibliothèques existantes doit quant à elle encore trouver sa place dans le débat.
La conservation des archives sans recours à la climatisation : l'expérience des Archives départementales de la Haute-Marne
François Petrazoller, directeur des Archives départementales de la Haute-Marne.
Les bibliothèques et le développement durable
Intervenant : Alain Caraco, directeur de la Documentation et des Bibliothèques de l'Université de Savoie. Après avoir dirigé les bibliothèques départementales de la Moselle, de la Savoie et de la Haute-Savoie, puis les bibliothèques municipales de Chambéry, Alain Caraco, conservateur général des bibliothèques, est actuellement directeur de la Documentation et des Bibliothèques de l'Université de Savoie. Il est également chargé d'une mission de développement durable pour cette université. Alain Caraco a été vice-président de l’Association des directeurs de bibliothèques départementales de prêt et président fondateur de l’Association des directeurs de bibliothèques municipales et intercommunales des grandes villes de France, associations dont il a créé et édité les sites web. Il a écrit plusieurs articles pour le Bulletin des bibliothèques de France, dont « Les bibliothèques à l'heure du développement durable » (2008) et a collaboré à des ouvrages professionnels.
La question écologique est apparue dans le paysage intellectuel, politique et médiatique français au début des années 1970, bien après les questions économiques et sociales. La notion de développement durable, assurant un équilibre entre les préoccupations économiques, sociales et écologiques, est apparue en 1987 dans le rapport Brundtland. La question écologique a tenu une place majeure pendant la campagne présidentielle de 2007, suivie du Grenelle de l'environnement. Depuis 2009, elle commence à être un sujet de journées d'étude chez les bibliothécaires.
- Les bibliothèques de l'ère de la croissance
Des débuts de la Révolution industrielle aux Trente glorieuses incluses, le monde des bibliothèques est resté anormalement stable comparé à la croissance de l'économie ambiante. Le grand décollage des bibliothèques françaises ne date que des années 1970. Avec la décentralisation, à partir de 1982, les collectivités territoriales se mettent à construire de nombreux mètres carrés de bibliothèques et à embaucher du personnel qualifié. La bibliothèque à grande surface fait son apparition : vastes espaces, important linéaire de rayonnages en libre accès, renouvellement régulier de l'offre, statistiques de prêt en forte croissance, distribution gratuite de sacs jetables aux emprunteurs. Le désherbage, théorisé par la Bibliothèque Publique d'Information, est une conséquence de la croissance vertigineuse de la production éditoriale.
- Les bibliothèques à l'heure du développement durable
Les bibliothèques commencent à se saisir peu à peu de la question environnementale. On peut cerner facilement leur impact écologique, qui est typique des activités tertiaires : les bibliothèques occupent des bâtiments, génèrent des transports, effectuent des achats et produisent des déchets. Malheureusement, il est encore difficile de trouver de nombreux exemples de prises en compte réussies.
- Le développement durable est une question culturelle
La bibliothèque est un établissement culturel qui peut aider la population à entrer dans la société du développement durable comme elle a contribué à son entrée dans la société de l'information. Elle doit d'abord le faire par l'exemplarité de ses choix et de ses comportements. Elle doit ensuite le faire dans le cadre des ressources documentaires qu'elle propose à son public, qu'il s'agisse de collections imprimées, de vidéos ou de ressources en ligne. Elle doit enfin le faire dans le cadre de sa mission de médiation, en aidant son public à repérer et à interpréter l'information dont il a besoin.
Prévenir les risques
Sous la présidence d'Isabelle Pallot-Frossard, directrice du Laboratoire de recherche des Monuments historiques
Table ronde : Rénovation du musée d'art et d'histoire Louis Senlecq, L'Isle-Adam : un dialogue bénéfique et constructif pour réduire les risques pour les collections ?
Médiateur : Régis Prévot, ingénieur d’études, Centre de recherche et de restauration des musées de France.
Participants à la table ronde : Danielle Porthé, adjointe au maire de L'Isle-Adam, chargée des affaires culturelles ; Anne-Laure Sol, directrice du musée ; Cécile Aufaure, directrice du projet de rénovation du musée de l'Homme ; Piotr Zaborski, agence Zaborski-Michalska architectes-scénographes-paysagistes sarl ; mandataire de l'équipe de programmation, Laurent Laidet, muséographe-programmiste ; Ethel Buisson, architecte-conseil au Service des musées de France, bureau de l'innovation et du conseil technique ; Jean-François Hulot et Cécile Des Cloizeaux, restaurateurs préventistes indépendants.
Régis PREVOT : Restaurateur d’objets ethnographiques, titulaire du MASTER 1 Conservation – Restauration des Biens Culturels et du DESS en conservation préventive de l’université PARIS 1. A partir de 1991, il exerce des fonctions de restaurateur au sein du service Conservation Préventive et Restauration du musée des Arts d’Afrique et d’Océanie dont il devient responsable en 1996 jusqu’à la fermeture du musée en février 2003. A partir de cette date il intègre le Centre de recherche et de restauration des musées de France où il assure :
- pour le Département Conservation Préventive des fonctions de conseil. A ce titre il suit entre autres des rénovations/agrandissements de musées, des constructions de réserves.
- pour le Département Restauration, le suivi des collections ethnographiques.
Piotr Zaborski : Diplômé du Département d’Architecture de l’Ecole polytechnique de Cracovie en coopération avec l'Istituto Universitario di Architettura di Venezia, il travaille en indépendant depuis une vingtaine d’années, avec la majeure partie de ses activités située dans le domaine des musées, centres d’interprétation, lieux de mémoire, expositions. Il assure aussi bien des missions, des études préalables de programmation (musée Soulages à Rodez) que des missions de maîtrise d’œuvre (réalisation en 2011 du Lieu de mémoire « 26 couleurs » dans le cadre d’une ancienne centrale électrique classée MH à Saint-Fargeau-Ponthierry, Espace culturel dédié à l’histoire du christianisme dans l’enceinte d’un ancien couvent des Visitandines à Lyon, Crypte archéologique du parvis de Notre-Dame à Paris (chantier en cours).Par le biais du parcours de son associée Katia MICHALSKA, l’agence offre la compétence d’Architecte du Patrimoine (Ecole de Chaillot et DESS conservation préventive du patrimoine Paris I Sorbonne Panthéon). Grâce à sa pluridisciplinarité, l’agence assure également des missions de maîtrise d’œuvre technique au carrefour de plusieurs disciplines (restructuration complète de l'éclairage et de la signalétique de sécurité de 70 000m² d’exposition du musée du Louvre, chantier en cours de lancement). En 2012, l'agence a été déclarée lauréate de deux concours en Pologne (musée du Théâtre à Cracovie ( Arkona partenaire), musée dédié à la collection Schaffgotsch à Jelenia Gora).
Laurent Laidet : Après des études d'histoire et d'archéologie, et un début d'activité comme archéologue sur le site médiéval de La Charité-sur-Loire, il rejoint MNES-Etudes (Muséologie nouvelle et expérimentation sociale), dirigé par Marie-Odile de Bary. Depuis 1996, il est consultant indépendant en muséologie, programmation et développement culturel. Il réalise des études de faisabilité et de programmation - ou y contribue - pour des musées, des centres d'interprétation, des sites ou monuments, des études pour la reconversion de friches industrielles, des études liées au label des Villes et Pays d'Art et d'Histoire ou encore sur les aspects musée et patrimoine de schémas de développement culturel.
Cécile des Cloizeaux : Diplômée du département restaurateur du patrimoine de l’ INP, elle exerce depuis plus de vingt ans la conservation-restauration des peintures sous un statut indépendant.Dans les années 2000, le master en conservation préventive de biens culturels, Paris I, lui a permis d’élargir ses domaines d’expertise. Depuis mars 2008, envoyée par le Centre de recherche et de restauration des musées de France, elle intervient dans les institutions muséographiques en tant que restaurateur conseil pour la conservation préventive et la restauration.
Jean-François Hulot : Diplômé du master en conservation-restauration et du DESS en conservation préventive de l’université de Paris I. Expert en diagnostic des peintures sur toile et en programmes de conservation-restauration, il est coauteur de « La Dégradation des peintures sur toile, méthode d’examen, introduction au diagnostic» (École nationale du patrimoine, 1997).
Fondé en 1939, le musée d’art et d’histoire Louis Senlecq à L’Isle-Adam est abrité depuis 1950 dans un ensemble édifié en 1661, la Maison des Joséphites. A compter de 1998, il dispose d’un espace annexe avec l’ouverture du Centre d’art Jacques Henri Lartigue aménagé non loin, dans un hôtel particulier, du milieu du 18e siècle, l’hôtel Bergeret.
De 1950 à sa fermeture pour des raisons de sécurité en 2006 le musée ne bénéficie d’aucune adaptation de ses espaces à sa nouvelle destination. La fermeture au public des salles d’exposition entraîne la municipalité à reporter sur le Centre d’art Jacques Henri Lartigue les fonctions de diffusion/médiation.
Ses collections d'environ 8 000 numéros, non compris son fonds d’archives (environ 80 000 pièces) et sa bibliothèque historique, sont conservées en trois lieux différents : la Maison des Joséphites, le Centre d’art et un espace externalisé en ville. La collection regroupe des peintures, des estampes, des dessins, des sculptures, des objets d’art, des photographies anciennes et des médailles.
La fermeture du musée pousse la municipalité à s’engager dans un processus de réorganisation de l’institution dans sa gestion matérielle et physique des collections. La piste qui s’est dégagée est de regrouper l’ensemble des fonctions du musée en un seul lieu, en l’occurrence le Centre Jacques Henri Lartigue. Outre l’intérêt pour la gestion des collections et pour le personnel de la conservation, cette solution devrait permettre d’offrir au public un lieu unique en centre ville à peu de distance de celui d’origine. Pour mener au mieux ce projet l’équipe scientifique s’est appuyée sur un Projet scientifique et culturel abouti au sein duquel est définie la politique en conservation préventive du musée.
A ce stade, puis tout au long des marchés et études qui s’en suivent, la conservation du musée et la municipalité s’associent à des partenaires extérieurs dont les compétences leur semblent indispensables et utiles à la conceptualisation du projet. Cet échange s’est concrétisé à tous les stades : de la rédaction des cahiers des charges pour le recrutement de l’architecte programmiste ou du cabinet en conservation préventive à la validation des études, en passant par la participation aux jurys de sélection des mandataires.
Cette communication souhaite montrer que le dialogue entre le maître d’ouvrage et les acteurs de la conservation, de la conservation préventive, indépendants et C2RMF, de l’architecture, programmation/construction, mais aussi architecte muséographe ou conseil du Service des musées de France, a eu un apport très positif dans l’intégration très en amont des principes de la conservation préventive. Ces échanges sont à l’origine de réorientations du projet dans sa forme architecturale et dans la prise en compte des risques majeurs en particulier liés aux inondations, aux incendies dès le pré-programme.
On constate que l’enveloppe architecturale peut très bien être conçue comme une enveloppe protectrice des collections. Si, pour ce faire, le dialogue avec tous les acteurs est essentiel il est aussi indispensable que les risques soient pris en compte au bon moment au fur et à mesure de l’évolution du projet. C’est probablement le meilleur moyen de développer un milieu protecteur pour les collections, tout en assurant le bien-être du public avec des coûts de fonctionnement maîtrisés et des contraintes énergétiques plus raisonnables.
Collections vastes et concepts divers : la planification et l'expérience du musée canadien des civilisations
Intervenant : Guy Larocque, directeur de la division Gestion immobilière et services de sécurité du musée canadien des civilisations, Gatineau (Québec), est un ingénieur fort de plus de 29 ans d’expérience en design, en construction, dans les opérations et l’entretien des bâtiments. Durant ces vingt dernières années, il a géré les opérations, l’entretien et les aménagements des bâtiments du musée canadien des civilisations à Gatineau et du musée canadien de la guerre à Ottawa. Il a travaillé de concert avec les conservateurs du musée au fil des années pour trouver des solutions afin d’intervenir sur les bâtiments dans des conditions optimales pour la conservation des collections tout en cherchant à réaliser des économies d'énergie.
Réouverture de salles au musée national d'art de Catalogne : 15 ans après, réformes dans la continuité
Benoît de Tapol, responsable de la conservation préventive, musée national d'art de Catalogne, Barcelone.
Lorsque Gae Aulenti doit affronter la présentation de la collection d’art roman du musée national d'art de Catalogne en 1995, elle est consciente qu’elle a à faire à un patrimoine en grande partie architectural et démembré : absides, arches, poutres, parois peintes à fresque, colonnes…
Tous ces éléments ont été arrachés de leur structure d’origine et ont perdu le sens de leur utilité. Elle s’interroge donc sur le problème muséographique qui consiste à donner une forme à cette architecture fragmentée. Deux arguments sont avancés pour faire le choix de présenter les absides comme des sculptures.
Le premier est technique, l’ensemble des matériaux originaux (fresque), et tous les supports de présentation (structure en bois, doubles toiles de renfort, adhésifs à la caséinate de chaux, enduis de plâtre) ont des exigences climatiques communes, la plus grande stabilité. Elle ne choisit donc pas de reproduire le schéma muséographique antérieur, qui consistait à simuler pour chaque ensemble, un espace intérieur à l’église qui, par un cloisonnement vertical, créait un espace extérieur. Ces deux volumes d’air présenteraient la difficile contrainte de devoir vivre les mêmes conditions climatiques. Le second critère est lié à la perception du visiteur et à sa potentielle désorientation face à une reconstruction d’église qui lui cache le « comment » elle est arrivée au musée. En montrant le revers des absides, l’architecte donne à voir l’histoire matérielle de chacune d’elles et explique « comment » elles nous sont parvenues.
L’espace qui est offert à l’architecte pour disposer les absides est loin d’être neutre. La décision avait été prise de valoriser tous les restes de l’architecture intérieure originale de ce palais construit pour l'exposition universelle de 1929 (28 colonnes et 48 arcatures sur 2800 m2) qui avaient été, au fur et à mesure des années, cachés, abandonnés et niés. Pour calmer la vision, l’architecte a recours à au moins trois solutions : la disposition des absides sur des axes parallèles, l’emploi de demi-parois blanches comme trait d’union entre les absides et une illumination d’accentuation sur les œuvres laissant de nombreux espaces dans la pénombre.
La réforme de la salle n’a pas touché les aspects architecturaux, le discours muséographique a été actualisé mais c’est le recentrage sur les œuvres protagonistes qui a changé l’approche. Une sélection plus rigoureuse des œuvres a été effectuée ne laissant que 145 objets, qui ont été regroupés par techniques et typologies.
Cependant les efforts ont surtout porté dans deux directions.
La première concerne l’amélioration des conditions de conservation prenant en considération les soucis de maintenance et d’efficacité énergétique.
La seconde tente de résoudre les problèmes d’appréciation visuelle des œuvres par leur rapprochement du public, l’atténuation des contrastes fond-forme et une illumination plus adaptée. Seront détaillées les interventions suivantes :
- Améliorer l’illumination par l’emploi de technique Led avec une intensité réglable combinée à des lampes halogènes de haut rendement dotées de détecteurs de présence qui permettent un coût d’exploitation inférieur.
- Faciliter la lecture des œuvres fragmentaires par un travail de traitement des lacunes et l’adéquation de la couleur des fonds.
- Justifier la mise en place de consignes climatiques saisonnières plus élevées qu’à l’origine et augmenter le rendement du système d’air conditionné en réduisant les volumes à traiter.
- Perfectionner l’accessibilité pour réaliser les inspections et la maintenance des absides, en facilitant le trajet de l’élévateur à nacelle, en créant une paroi amovible et en installant des câbles permanents pour escaladeurs.
- Augmenter le nombre d’accès aux zones techniques pour une meilleure accessibilité et contrôle des installations et la mise en place de points de câblage au réseau informatique.
La prévention des risques pour les œuvres muséales lors d’un chantier
Hélène Perrel, responsable de la régie des œuvres du musée des monuments français.
Intervenant : Architecte, Hélène Perrel a d’abord travaillé dans la protection du patrimoine bâti et naturel et dans le secteur de la formation, en particulier dans les domaines culturel et artistique. Après l’obtention d’un Master « gestion des patrimoines » et une expérience d’organisation du déménagement des réserves d’œuvres d’un musée en province, elle a pris la responsabilité du service de la régie des œuvres du musée des monuments français/Cité de l’architecture et du patrimoine en octobre 2004. Il s’agissait d’organiser et de suivre la réinstallation des œuvres dans le musée pendant les travaux de bâtiment. Aujourd’hui, le service de régie des œuvres du M.M.F. comprend cinq personnes et est chargé de tous les mouvements d’œuvres (internes et externes), de l’organisation du récolement décennal et de la protection matérielle des œuvres. Cela inclut la gestion documentaire technique et la gestion des œuvres dans les sept lieux de réserves externes du musée.
Un chantier dans un bâtiment muséal entraîne de nombreux risques pour les œuvres, qu’elles restent sur place ou qu’elles soient déménagées : chocs lors des mouvements, empoussièrement, infestation, variations climatiques, vibrations…
A partir de l’exemple de la situation vécue au musée des monuments français/Cité de l’Architecture et du Patrimoine pendant les travaux de réhabilitation du Palais de Chaillot de 2002 à 2007, on mettra en avant les types de dangers et leurs conséquences prévisibles pour les œuvres et surtout les choix et décisions préalables à prendre pour les prévenir.
Bilan sanitaire des monuments historiques : démarche et état des lieux
Caroline Piel, inspectrice générale des Monuments historiques, Inspection des patrimoines
L'analyse des risques : arbitrages, priorités et répercussions
Frédéric Ladonne, architecte-programmiste, FL&CO sarl d'architecture.
Intervenant : Architecte et programmiste, Frédéric Ladonne travaille depuis de nombreuses années sur des problématiques patrimoniales qu’elles concernent les musées, les Frac, les fonds archives et de bibliothèques ou les collections privées. Travaillant presque exclusivement sur ces domaines, il intervient indépendamment en tant que maître d’œuvre, programmateur et comme expert auprès d’équipes de maitrise d’oeuvre ou de maitrise d’ouvrage publique pour des opérations de constructions, de restructurations dans le cas d'interventions ponctuelles ou de protocoles liés à une problématique de conservation patrimoniale. Ces expériences permettent de maîtriser toutes les étapes du processus depuis l’étude de définition du projet jusqu’à la réalisation du projet et sa maintenance. Il est chargé d’enseignement, en France à l’Ecole du Louvre, à l'Institut national du patrimoine, à la Sorbonne, en Suisse sur les problématiques liées au bâtiment et à la conservation patrimoniale.
Avec le développement de la conservation préventive, les risques pour les collections sont maintenant globalement connus et les options et méthodes pour pallier à ceux-ci ont fait l’objet de nombreuses communications. La pertinence étant maintenant, dans une période très contrainte budgétairement, d’arriver à arbitrer judicieusement entre les différents risques et leurs répercutions.
Dans le cadre de l’analyse des risques liés à l’architecture, nous avons dressé une grille d’analyse qui distingue 4 niveaux de risques : liés à l’implantation, liés à l’enveloppe, liés aux aménagements et liés à l’usage et précise des modalités de réponse possible.
L’intervention présente 4 exemples illustrant ces 4 niveaux de risques et les approches retenues. Celles-ci mettent en lumière la nécessité de :
- A - hiérarchiser les risques
- B - qualifier le risque en fonctions des différentes typologies de collections
- C - quantifier ceux –ci en terme d’argent, de temps, de protocoles, …
- D - accepter le risque en définissant des tolérances plutôt que des consignes.
La présentation conclura avec l’exemple des chariots d’évacuation du musée du Quai Branly qui met en perspective la nécessité de re-projeter les risques dans le temps et envisager leurs évolutions.
Nouveaux défis
Sous la présidence de Marie Lavandier, directrice du Centre de recherche et de restauration des musées de France.
Programmer une architecture dans le souci de la conservation préventive : apports et limitations
François Guiguet, architecte-programmiste, SCP d'architecture Marc Aubry et François Guiguet, Programmateur, muséographe, concepteur, AMO, enseignant au Master de Conservation Préventive (Paris 1), expert thématique européen (programme Urbact), il est aussi l'auteur d'articles de fonds.
Intervenant : Après la psycho-sociologie, il s'oriente vers l'architecture (DPLG en 1982). Constatant que la conception de l'architecture en tant que discipline n'est pas enseignée, il s'oriente vers la programmation. En 1981, il intègre la Maîtrise d'ouvrage de La Villette dont la Cité des Sciences qui ouvre en 1986 puis la Cité de la Musique dont il assume la conception programmatique et l'encadrement jusqu'à son ouverture en 1990. En 1987, il crée avec Marc Aubry une agence de programmation. Il y a notamment initié une méthodologie d'études de positionnement culturel fondée sur l'approche fine de l'identité des institutions, de la demande sociale et la mise en place des orientations stratégiques des opérations. Pour lui la programmation est un acte global et contextuel qui doit informer l'architecture de toutes les attentes, missions et performances qu'un commanditaire ou un groupe social lui assignent. C'est également un acte créatif qui doit anticiper les pratiques futures et permettre à l'architecture d'évoluer. Architecte avant tout, il est également muséographe, programmateur et ingénieur culturel. Ainsi il est intervenu personnellement dans de nombreux projets dont la création du Musée Mémorial des Enfants d'Izieu. Il a participé depuis à très nombreux projets notamment pour des musées (MNAM, Art et Histoire du Judaïsme, Adrien Dubouché, de la chasse, MUCEM, Louvre Abu Dhabi..) mais aussi le spectacle vivant (TNP, Lieu Unique, Channel, Archipel...), la musique (CNSM, auditoriums de la Cité de la Musique, de Poitiers...), lʼart contemporain (Frac Bretagne, Paca, Aquitaine, Basse Normandie, Ile de France, ...). Dans le domaine des lieux de Mémoire il vient d'inaugurer les Mémoriaux des Camps d'Aix les Milles et de Drancy.
- La Conservation préventive : une science et des techniques de plus en plus sophistiqués
On le verra au cours de ces journées, la conservation préventive est devenue en quelques années une discipline clé, qui est ancrée sur des recherches scientifiques et des techniques extrêmement précises et savantes, qui s'apparentent à celles de la médecine. La conservation préventive avance vers la vérité, relativise ses propres préconisations, les intègre dans les préoccupation du développement durable, se professe au quotidien, diffuse ses bienfaits avec courage et obstination.
Mais, les choses allant, et malgré le fait que les bonnes pratiques sont mieux partagées, que vocabulaire commun se laisse plus aisément contaminer par les concepts et les notions de la conservation préventive, il y a néanmoins une distance qui perdure entre les hommes de lʼart et les spécialistes de la conservation des biens culturels. Ceci d'autant que les principes évoluent et les mots d'ordre changent.
- La nature de l'architecture est d'être informée de son contexte, de son utilité
De son côté, l'architecture a longtemps été enseignée comme l'un des Beaux Arts. Les architectes ont longtemps tenu de leurs maîtres le souci du dessin, du style, de l'ornement, de l'intégration des valeurs des anciens... Les réserves des musées sont pleines d'esquisses qui se présentent elles mêmes comme des oeuvres d'art à part entière. La technique, bien que toujours présente, a été intégrée plus tardivement comme un souci noble. Il a fallu le mouvement moderne pour se préoccuper du partage des conditions et des valeurs de l'époque qui leur était contemporaine dont les techniques de construction, l'industrialisation, la planification.
Mais curieusement, et alors même que l'architecture n'a pas d'existence possible en dehors de son programme, il a fallu attendre le dernier quart du XXème siècle pour que la notion de Programmation soit sérieusement prise en considération et inscrite dans la loi comme un passage obligé. Le métier que je professe tire précisément son utilité dans la considération que l'architecture doit être informée des exigences et des attentes qu'on lui assigne, des conditions de son utilité. C'est un réel progrès que d'être soutenu par la loi et de pouvoir être présent du très en amont (la décision) jusqu'à la phase du concours et du projet. Mais il y aurait avantage, comme cela se fait désormais pour le HQE (Haute Qualité Environnementale), à accompagner la réalisation et à dresser les bilans et les évaluations après l'ouverture. Nous sentons que cette prochaine étape n'est pas si impossible à franchir tellement les mauvais exemples s'accumulent dont il y aurait à tirer enseignement.
- Dans un programme de musée, la conservation préventive est un souci permanent
Pour le musée, la conservation étant au cœur de sa mission, elle est théoriquement aussi au cœur de sa logique spatiale et fonctionnelle. C'est ce qui constitue son obsession : préserver le patrimoine, même en le donnant à voir. C'est cela "l'esprit" du musée. Jusqu'à une période récente, on se heurtait fréquemment au préjugé selon lequel que la conservation préventive était le problème très localisé du secteur des réserves et des fonctions logistiques environnantes.
Or la conservation est partout dans le musée, car les œuvres ne sont enfermées ni dans leurs réserves ni dans leurs salles et car les espaces sensibles sont toujours environnés ou superposés à des espaces non exempts de risques.
On a vu dans de nombreux musées des salles d'expositions obsédées par des transparences visuelles, des prises de jour, qui les rendaient impropres en l'état à toute présentation sécurisée en termes de niveau lumineux et, dans les années 70, les architectes adoraient la complexité et les étagements créant des ruptures de charges dangereuses au quotidien.
C'est cette dimension globale qui doit habiter la rédaction d'un programme de musée et faire l'objet d'un véritable dialogue avec l'architecte, mais aussi ses ingénieurs.
- L'architecture elle même est au centre d'enjeux qui dépassent les enjeux de la conservation
Nous constatons en permanence, et ce dernier quart de siècle particulièrement, que le musée est un objet de fort désir et de forte communication politique. Le retentissement, l'impact médiatique et dans l'économie réelle, de l'architecture des musées habitent les esprits des élus et des architectes. L'équation initiale de l'architecture protectrice est ainsi perturbée par cette condition faite au musée d'animer le territoire, de créer du flux, d'exciter la valorisation foncière, de se montrer aimable, moderne et transparente. Or, on peut transformer une intention initialement pertinente au regard de la conservation de collections, par exemple en choisissant une localisation inadaptée (sur un mole en plein sud, une lagune humide et poussiéreuse, un remblai instable en bord de fleuve ...) ou en choisissant une architecture surexpressive et, malheureusement souvent antifonctionnelle. C'est ce qui se passe après ou à côté de la rédaction du programme qui souvent pose problème. C'est en ce sens queprogrammer une architecture dans le souci de la conservation préventive est d'un apport indéniable mais se trouve trop souvent soumise à des limitations.
Pour une conservation préventive intégrée, de la conception à l'exploitation d'un projet
Roland May, conservateur en chef, directeur du Centre interrégional de conservation et de restauration du patrimoine (CICRP) de Marseille depuis 2007.
Intervenant : Nommé chef du Département Conservation préventive au Centre de recherche et de restauration des musées de France en 2000 pour mettre en place le département, il a accompagné de très nombreux projets de musées territoriaux et nationaux. Il fut conseiller musée en DRAC Rhône-Alpes (1992-2000) après divers postes de direction d’établissements.
Ses dernières publications portent sur la conservation préventive dont «La conservation préventive, une démarche évolutive 1990-2010», avec Denis Guillemard, Université Paris I. Il assure la coordination des formations de l’Institut national du patrimoine sur ces questions : chantier des collections, projets de réserves, plan d’urgence…. Il est membre du comité français de normalisation pour la conservation des biens culturels. Il a coordonné les deux normes françaises «Pôle de conservation» et «Vitrines» et poursuivi ce travail à l’échelle européenne.
Intégrer la conservation préventive dans un projet apporte un bénéfice réciproque à chacune des deux composantes, non seulement en contenu, mais aussi dans la gestion et l’exploitation du projet.
En terme de projet, la conservation préventive donne une cohérence car plus que les biens culturels, ce sont les rapports entre eux et leur environnement naturel et humain futur qui créent les difficultés du
projet : espaces, circulation, exploitation, protection… et qu’il faut gérer. Définir ces rapports sous l’angle de la conservation préventive à chaque stade, tant en amont lors de l’élaboration que tout au long du processus avec ses aspects scientifiques, économiques ou architecturaux constitue une référence permanente dans un déroulé qui se caractérise par une inscription dans la durée et un défilé d’acteurs multiples sans nécessaire connexion. Éclairer chacune de ces étapes par ce fil conducteur assure une continuité dont la conservation préventive est le socle.
Elle contribue aussi à des compréhensions communes et permet d’établir un compromis constructif dans la relation biens culturels/projets pour atteindre les objectifs. Elle est ainsi perçue comme un facilitateur de projet et non comme une contrainte.
Au regard de la conservation préventive, le projet induit une dynamique, une transformation, une évolution et permet d’introduire un nouveau regard, de nouvelles démarches, de nouvelles fonctions qui se mettront en place au cours du projet et qui pourront se poursuivre et se développer après sa réalisation, dans le cadre du fonctionnement de l’institution ou du lieu patrimonial. Leurs mises en place ne sont pas toujours sans contraintes, ni modification du quotidien. L’introduction de la conservation est en quelque sorte facilitée par le projet qui fait tourner une page, parfois importante, d’une histoire ou d’habitudes anciennes.
Il est certain que la dynamique de projets depuis une dizaine d’années - rénovation de musée, centre de conservation et d’études, archives - a contribué au développement de la conservation préventive. Elle a amélioré considérablement la qualité des projets et de leur mise en œuvre par son anticipation, sa globalité et sa transversalité.
De nombreux chantiers et les retours sur expérience montrent aujourd’hui le bien-fondé de cette démarche.
Évolution des bâtiments d'archives au regard de la conservation
France Saïe-Belaïsch est architecte (dplg) au Service interministériel des archives de France, ministère de la Culture et de la Communication.
Intervenant : Elle est chargée depuis 2003 de suivre les projets de construction des bâtiments d’archives départementales et communales au titre du contrôle scientifique et technique de l’État. Elle a participé à la rédaction de l'ouvrage « Les bâtiments d’archives construits en France entre 1986 et 2003 » paru en 2004 et prépare une publication sur les bâtiments construits ou réhabilités depuis 2004. Elle donne régulièrement des cours sur la conception des bâtiments d’archives dans une optique de conservation préventive et de développement durable aux archivistes en stages internationaux ou nationaux ainsi qu’aux étudiants en archivistique.
L’évolution de l’architecture des bâtiments d’archives, particulièrement dans une optique de conservation préventive, sera présentée. Quelques données chiffrées permettront de définir un bâtiment d’archives départementales ou municipales. Elles seront complétées par un bref rappel de l’histoire de ces bâtiments - moins connus que les musées, les bibliothèques ou les monuments historiques – et de leur évolution.
Depuis les premiers bâtiments conçus spécifiquement pour la conservation des archives, on a assisté à une évolution de leur conception architecturale, en particulier sous l’influence de Michel Duchein, Inspecteur Général des Archives de France. Ses écrits ont suscité l’apparition d’un modèle : la tour d’archives. D’autres types de bâtiments apparurent ensuite et ont fortement évolué ces dernières années, en particulier pour des raisons d’économies d’énergie.
Les principaux points évoqués seront donc : les réflexions récentes sur les conditions de température et d’hygrométrie dans les magasins, l’utilisation de la climatisation de manière plus ciblée, la création de bâtiments compacts, inertes, très isolés. Ils seront complétés par des détails d’aménagement ou des nouveautés dans les programmes. Les options prises dans un contexte de développement durable seront mises en évidence. Enfin quelques projets de bâtiments récents et significatifs seront présentés. Ils constituent une introduction à la présentation de trois bâtiments d’archives départementales par leurs directeurs respectifs.
Table ronde de conclusion
Modérateur : Gaël de Guichen, conseiller du directeur général du Centre international d'études pour la conservation et la restauration des biens culturels (ICCROM).
Intervenant : Mireille Grubert, directrice du Centre des hautes études de Chaillot, Cité de l'architecture et du patrimoine
Denis Guillemard, responsable du master d'histoire de l'art spécialisé en conservation préventive du patrimoine, Université de Paris I.
Judith Kagan, chef du Bureau de la conservation du patrimoine mobilier et instrumental, Service du patrimoine, Direction générale des patrimoines.
François Lenell, Département du patrimoine et de la politique numérique, Service du livre et de la lecture, Direction générale des médias et des industries culturelles.
Isabelle Pallot-Frossard, directrice du Laboratoire de recherche des monuments historiques.
Marie-Dominique Parchas, Bureau des traitements et de la conservation, Service interministériel des archives de France, Direction générale des patrimoines.
Anne Tricaud, Bureau des acquisitions, de la restauration, de la conservation préventive et de la recherche, Service des musées de France, Direction générale des patrimoines.
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