"Architectes, sculpteurs, peintres, tous nous devons retourner à l’artisanat" écrit l’architecte Walter Gropius dans son manifeste du Bauhaus. Fondé en 1919 à Weimar, dissout en 1933 à Berlin face à la montée du nazisme, le Bauhaus est une école d’enseignement artistique qui s’est imposée comme une référence incontournable de l’histoire de l’art du XXe siècle. Elle a été créée par Gropius pour rendre vie à l’habitat et à l’architecture au moyen de la synthèse des arts plastiques, de l’artisanat et de l’industrie.
Le contexte historique et les sources
L’exposition s’ouvre sur les différentes sources du Bauhaus puisées autant dans l’organisation des chantiers des cathédrales et les arts de l’Asie que dans les modernités allemandes, les Arts and Crafts britanniques et les utopies viennoises, dont les Wiener Werkstätte.
En créant le Staatliches Bauhaus à Weimar, Walter Gropius poursuit les ambitions de Henry Van de Velde prônant l’alliance de l’industrie, de la modernité et de l’esthétique propre à la Deutscher Werkbund, (association d’architectes et d’industriels, dont il était membre aux côtés de Peter Behrens). Ce concept était lui-même directement issu des idées forgées par William Morris et les Arts and Crafts pour qui l’art se devait de répondre aux besoins de la société jugeant caduque la distinction entre les beaux-arts et la production artisanale. Gropius reprend ces idées en les radicalisant pour en faire, selon son manifeste, le cœur de la pédagogie "parce qu’il n’existe aucune différence, quant à l’essence, entre l’artiste et l’artisan". Pour mieux en mesurer la filiation les objets emblématiques de William Morris, Henry Van de Velde, Peter Behrens, et des artistes des Wiener Werkstätte tels que Koloman Moser ou Josef Hoffmann sont exposés au regard d’œuvres produites par le Bauhaus.
Au-delà de ces mouvements, Gropius jette les bases de l’organisation de l’école à partir des modèles empruntés au Moyen âge : la hiérarchie maîtres-compagnons-apprentis comme système de transmission, l’artisanat comme fondement de l’enseignement, ainsi que la collaboration de tous les arts en vue d’un projet commun. Il s’appuie en cela sur l’organisation des corporations travaillant sur les chantiers médiévaux des cathédrales où tous les corps de métiers se réunissaient pour accomplir ensemble "l’œuvre". Pinacles de triptyque ou lectrins gothiques font échos au manifeste du Bauhaus illustré par la cathédrale de Lyonel Feiniger, emblème de l’œuvre d’art globale et d’unité sociale.
L’École
À l’image d’un étudiant, le visiteur suit toutes les étapes de l’enseignement proposé, du cours préliminaire qui vise à briser les idées académiques et ouvrir l’esprit des élèves, aux passages dans les différents ateliers spécialisés. Pendant quatre ans, l’élève suit ainsi une formation à la fois pratique et formelle. Cette partie de l’exposition couvre les productions de l’ensemble des ateliers de 1919 à 1933 : mobilier, céramique, métal, vitrail, peinture murale, sculpture sur bois et sur pierre, tissage, typographie et publicité, photographie, théâtre…
Artistes de l’avant-garde et artisans enseignent et supervisent ensemble les ateliers, comme par exemple Paul Klee pour la théorie artistique, Wassily Kandinsky pour la peinture murale, Oskar Schlemmer pour le théâtre, Marcel Breuer pour le mobilier, Theodor Bogler pour la céramique, Gunta Stölzl pour le tissage, Marianne Brandt pour le métal, Herbert Bayer pour le graphisme ou encore Walter Peterhans pour la photographie. L’atelier théâtre, animé par Schlemmer, réputé pour son Ballet Triadique (1922), est le lieu vers lequel convergent toutes les expérimentations. Il est à l’origine de très nombreuses fêtes où tous participent à la réalisation des décors, costumes, cartons d’invitation… La photographie occupe une place essentielle dans l’exposition, à la fois comme œuvre et témoignages documentaires. Les stéréotypes et photogrammes, fruits des expérimentations de Moholy Nagy, alternent avec les photographies des autres étudiants, qui prennent pour objet la vie de l’école et son incroyable bouillonnement créatif. Et ce sont bien toutes ces expérimentations qui, aux côtés des œuvres de Itten, Kandinsky, Albers, font l’esprit du Bauhaus où les recherches vont autant vers l’expressionnisme, le folklore et l’art populaire, les arts primitifs, Dada et le photomontage, De Stijl et le constructivisme, que le fonctionnalisme. Le Bauhaus n’est pas une école fermée sur elle-même et reste ouverte à toutes les tendances avant-gardistes de l’époque.
Évolutions du Bauhaus
En 1923, Gropius organise la première exposition du Bauhaus, autour de la Haus am Horn, maison témoin, qui est le fruit d’un travail collaboratif des différents ateliers de l’école. Tous participent au but ultime du Bauhaus : la construction. Le retentissement de cette exposition est considérable et propage les idées et les œuvres produites. Mais dès lors les élans expressionnistes d’Itten font place aux idées de Théo Van Doesburg. Modernisme et constructivisme inclinent Gropius à modifier la devise du Bauhaus qui devient "L’art et la technique, une nouvelle unité".
Dans une Allemagne alors exsangue, le Bauhaus fait face aux difficultés matérielles et politiques et doit lutter pour survivre. Il déménage de Weimar à Dessau en 1925 dans un nouveau bâtiment qui illustre les idéologies de Gropius. L’école voisine avec les maisons de maîtres destinées aux enseignants et dont l’aménagement et le mobilier sont confiés à Marcel Breuer. La vie, les productions et les fêtes reprennent jusqu’en 1932 : moment où le Bauhaus doit fermer à Dessau pour s’installer à Berlin. Hannes Meyer directeur du département architecture a alors remplacé Gropius, il sera renvoyé pour ses idées socialistes en 1930. Dernier directeur, Ludwig Mies Van der Rohe doit se résoudre à fermer l’école en 1933.
Le Bauhaus, une suite possible
L’héritage du Bauhaus a été considérable. Et bien qu’il ait marqué et imprégné tous les domaines de la création dès 1933, propagé par les enseignants et les élèves fuyant l’Allemagne, l’exposition prend le parti de rendre compte des résurgences les plus contemporaines du Bauhaus. A l’invitation du musée, l’artiste Mathieu Mercier porte son regard sensible sur les créations de plasticiens, de designers, de graphistes ou créateurs de mode qui, comme lui, poursuivent l’esprit du Bauhaus. Il a guidé son choix parmi 49 artistes tous nés après 1960 et œuvrant sans distinction entre art et art appliqué.
Exposition du 19 octobre 2016 au 26 février 2017. Musée des Arts décoratifs, 107, rue de Rivoli - 75001 Paris. Tél. : 01 44 55 57 50. Ouverture du mardi au dimanche de 11h à 18h, nocturne le jeudi jusqu’à 21h. Fermeture le 25 décembre et le 1er janvier.
http://www.lesartsdecoratifs.fr/francais/musees/musee-des-arts-decoratifs/actualites/expositions-en-cours/design/l-esprit-du-bauhaus/
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