Monsieur le président de la République,
Monsieur le préfet,
Mesdames et messieurs les parlementaires,
Madame la présidente de la région Île-de-France,
Monsieur le maire de Versailles et commissaire général de la Biennale,
Mesdames et messieurs les élus,
Mesdames et messieurs les architectes et paysagistes,
Mesdames et messieurs,
Je veux vous dire combien je suis heureux d’être avec vous.
Avec vous, monsieur le président de la République, cher Nicolas Sarkozy, vous pour qui j’éprouve estime et respect.
Avec vous, madame la présidente de région, chère Valérie Pécresse, vous qui êtes une partenaire quotidienne en Île-de-France.
Avec vous, monsieur le Maire, cher François de Mazières, vous qui êtes un homme de culture, et que je connais bien.
A vos côtés, je suis heureux de voir éclore cette 1ère Biennale d’architecture et de paysage d’Ile-de-France.
Heureux de pouvoir réaffirmer que nous avons besoin des architectes, des paysagistes, des urbanistes, pour répondre aux grands enjeux de notre siècle ; pour répondre aux grands défis de notre temps.
J’avais déjà eu l’occasion de le dire, lors du forum EUROPAN et, avant, au moment de remettre le Grand Prix national d’architecture à Pierre-Louis Faloci.
Quand j’évoquais alors ces « grands défis », je pensais au défi écologique, énergétique, climatique. Au défi migratoire et démographique. Au défi de l’hyper-densification et de la suffocation des villes. Au défi de la redynamisation des bourgs, de la requalification des banlieues. Au défi de l’inclusion sociale, du logement, de la lutte contre l’isolement. Au défi numérique.
A cette liste déjà pléthorique, j’étais loin d’imaginer qu’il faudrait ajouter le défi de la sauvegarde puis de la reconstruction d’un de nos monuments les plus emblématiques.
Mesdames et messieurs les architectes :
Il ne vous a pas échappé que, depuis bientôt trois semaines, c’est bien sur ce défi que vous êtes attendus.
L’incendie de Notre-Dame nous a appris – ou, à ceux qui en avaient déjà conscience, il est venu rappeler – que tout le monde, dans ce pays, a un avis sur l’architecture.
Tout le monde.
Certains me répondront que nous sommes en France, et que tout le monde a un avis sur tout. Ils n’auraient pas tort : c’est cela, précisément, « l’art d’être français » dont parle le Président de la République.
Certains m’objecteront que ce n’est pas nouveau : dès qu’il est question de notre histoire, de nos monuments, de notre passé, les Français savent toujours s’y montrer viscéralement attachés.
Je pense que nous pouvons nous en réjouir.
Que nous pouvons en retirer une certaine fierté.
Parce qu’il n'y a que la France pour s'écharper sur un tel sujet.
Parce qu’il n'y a que les Français pour se sentir si concernés par l’art, pour en débattre avec une telle ferveur.
Je veux leur dire, je veux vous dire :
Oui, nous restaurerons Notre-Dame de Paris.
Mais, dans cette tâche qui nous attend, ne confondons pas vitesse et précipitation.
Pour permettre à la créativité de s’exprimer, nous lancerons dans les prochaines semaines un concours d’architectes pour la reconstruction de la flèche.
L’élan de créativité, j’en suis convaincu, dépassera le simple concours et touchera, au-delà des architectes, toutes celles et tous ceux qui voudront apporter leurs idées.
Puis nous verrons quelle est la meilleure option : soit restaurer à l’identique – et on a tout pour le faire ; soit créer quelque chose de nouveau – et c’est ce que Viollet-le-Duc avait fait en son temps.
Mais nous ne nous précipiterons pas.
Nous respecterons l’histoire de Notre-Dame.
Nous saurons prendre en compte l’avis des professionnels du patrimoine : les architectes bien sûr, et les architectes en chef des monuments historiques, dont j’ai vu la mobilisation extraordinaire, sur le terrain, ces dernières semaines, mais aussi les conservateurs, les historiens, les universitaires, et tous ceux qui œuvrent à l’entretien, à la conservation et à la restauration de nos monuments.
Nous saurons les écouter.
Nous saurons leur faire confiance.
Mais je ne suis pas venu vous parler ce matin de Notre-Dame.
Toutefois, je crois que les réactions à ce drame disent beaucoup du rapport qu’entretiennent les hommes avec l’architecture.
Un rapport affectif, intime, personnel.
Après tout, c’est naturel : les œuvres des architectes et des paysagistes nous enveloppent, nous entourent à chaque instant ; « nous ne pouvons leur échapper »[1].
Et c’est peut-être parce qu’elles sont partout, et parce que certaines sont là depuis si longtemps, qu’on se dit qu’elles seront là pour toujours.
De leur ubiquité, de leur longévité, on a déduit leur éternité.
Mais ce que nous érigeons n’est pas nécessairement éternel.
Ni nos équipements, ni nos bâtiments, ni nos monuments.
Si ce constat nous invite à l’humilité, il ne doit pas nous empêcher de bâtir pour la durée.
C’est même tout le contraire.
Comme l’écrit Paul Valéry – dont vous citiez déjà « Eupalinos ou l’architecte », monsieur le Président de la République, à la Cité de l’Architecture et du Patrimoine :
« Les créations de l’homme sont faites, ou bien en vue de son corps, et c’est là le principe que l’on nomme utilité, ou bien en vue de son âme, et c’est là ce qu’il recherche sous le nom de beauté.
Mais […] celui qui construit ou qui crée, ayant affaire au reste du monde et au mouvement de la nature, qui tendent perpétuellement à dissoudre, à corrompre, ou à renverser ce qu’il fait ; il doit reconnaître un troisième principe, qu’il essaye de communiquer à ses œuvres, et qui exprime la résistance qu’il veut qu’elles opposent à leur destin de périr.
Il recherche donc la solidité ou la durée. »
L’utilité, la beauté, la durée.
Utilitas, venustas, firmitas : c’est ce que l’architecte romain Vitruve théorisait déjà, il y a deux millénaires, dans son traité « De Architectura ».
Voilà les boussoles qui vous guident ; vous, architectes et paysagistes.
Voilà les exigences que vous vous imposez.
Voilà les cadeaux que vous nous offrez.
Certes, ces trois principes n’ont pas toujours été dosés de manière équilibrée.
Parfois, on a pu les penser sans se soucier du réel.
Il y a eu des erreurs par le passé : il ne s’agit ni de les nier, ni de les laisser nous étouffer.
De ces erreurs, je crois que nous avons beaucoup appris.
Sur nos aspirations, nos désirs profonds ; sur l’avenir que nous voulons construire ; sur la ville que nous souhaitons ériger.
La ville de demain doit être une ville de l’humain.
Une ville pour l’humain.
La ville de demain doit permettre à la société de vivre et de s’organiser.
Elle doit simplifier la vie, et non la complexifier. Nous n’avons pas besoin, je crois, de davantage de complexité.
Il ne me semble pas exagéré d’affirmer que l’architecture transforme le monde.
Parce qu’elle conditionne nos interactions, nos mouvements, notre relation à l’espace et aux autres.
Elle conditionne nos destins.
Elle peut aussi bien faciliter les rencontres que les empêcher.
Elle peut permettre aux individus de se réaliser, mais elle peut aussi les laisser inachevés, « comme une lettre qu'on a commencée et qu'on froisse brutalement juste après avoir écrit la date »[2].
C’est une lourde responsabilité, pour toutes celles et ceux qui en ont fait leur métier.
La responsabilité d’être particulièrement attentif au réel, aux besoins, aux usages, aux paysages ; attentif à la manière dont vivent les hommes, et à la manière dont ils vivront demain.
La ville de demain, c’est une ville où le futur doit être possible.
Une ville qui doit nous laisser entrevoir un avenir.
Une ville-durable.
Une ville qui vit, qui sait s'adapter, évoluer, se construire avec son temps.
C'est un changement de paradigme ; nous aurons à le porter ensemble.
Y parvenir, ce n’est pas une option ; c’est une obligation.
C’est une urgence, et c’est notre devoir à l’égard des prochaines générations.
Dans dix ans, 60% de la population mondiale vivra en ville.
L’explosion démographique urbaine nécessitera d’édifier l’équivalent de la métropole d’Amsterdam toutes les deux semaines.
Il est évident que nous devons changer de modèle de société, changer nos modes de vie, changer la manière de penser nos villes.
Mais changer, cela ne veut pas dire démolir et reconstruire.
Changer, ce n’est pas faire table rase du passé.
De même que la rénovation urbaine, ce n’est pas faire table rase de l’architecture du siècle qui nous a précédés.
Car le présent, pour exister, n'a pas besoin de s'opposer à tout ce qui l'a précédé.
La rupture n'est pas toujours nécessaire.
Les époques peuvent dialoguer ; trouver une harmonie, une cohérence qui les relie.
Oui : l’architecture d’aujourd’hui peut se construire à partir de celle d’hier.
Il est possible de faire éclore du nouveau qui respecte l’ancien. De construire, sans détruire. De parfaire, sans défaire. De réinventer, sans dénaturer.
Car notre patrimoine n’est pas fini, ou figé pour l’éternité.
C'est un patrimoine vivant. Qui se régénère et se transforme. Qui sait se renouveler. Qui est fait d’ajouts, de juxtapositions.
Il n’est pas seulement ce que nous recevons, mais aussi ce que nous laissons.
Ce n’est pas seulement ce qui était là avant nous ; c’est aussi ce qui restera après nous.
Ce n’est pas seulement notre lien à hier ; c’est aussi ce qui nous relie à demain.
Ce n’est pas seulement la conservation ; c’est aussi l’innovation, la création.
Alors transformons le bâti ! Réhabilitons ! Réinvestissons !
Restaurons ! Valorisons ! Et, s’il le faut, agrandissons !
Adaptons-nous aux nouveaux usages, aux nouvelles attentes, aux nouveaux modes de vie !
Limitons l’artificialisation des sols : réutilisons le bâti existant ; modernisons-le, plutôt que d’aménager de nouveaux lotissements !
Encourageons la création architecturale contemporaine au cœur d’ensembles patrimoniaux protégés !
Revitalisons le commerce, et créons des dynamiques vertueuses – comme ces villages, où un commerçant, en décidant de rénover sa devanture, a incité les autres à faire de même.
Reconquérons l’espace public, rendons-le plus facilement accessible, et améliorons l’image des villes !
Réinventons ces lieux désaffectés, qui foisonnent partout en France !
Offrons-leur un nouvel usage, installons-y de nouveaux services, de nouvelles offres culturelles et artistiques !
Nous pouvons le faire : nous l’avons déjà fait par le passé.
Jusque dans les années 50, nos villes se sont faites au gré des constructions, des remodelages, des destructions, des reconstructions, des innovations.
Elles se sont stratifiées, en réutilisant des espaces déjà habités ; en les recyclant, en les augmentant.
C’était un enjeu économique car à cette époque, les matériaux coûtaient cher, à extraire et à transporter.
Depuis, ce savoir-faire semble oublié.
Il est urgent de s’en rappeler.
De renouer avec ces savoir ancestraux d’adaptation du bâti existant.
Le label « architecture contemporaine remarquable », prolongement du Label « patrimoine du XXe siècle », dont nous célébrons cette année les 20 ans, est un formidable outil pour porter un nouveau regard sur cette architecture habitée par la grande majorité de nos concitoyens.
Les ouvrages labellisés constituent des laboratoires pour l’Etat, pour les propriétaires et les collectivités, afin de mettre au point les méthodes pour intervenir sur l’architecture récente.
Ce besoin de rénovation, c’est une question de recherche et d’innovation.
Nous pouvons agir.
Tant de quartiers sont à réinvestir.
Je pense aux cœurs de ville – j’y reviendrai…
Je pense aux friches, qui étaient perçues comme des obstacles il y a encore quelques années, et qui sont aujourd’hui considérées comme des réservoirs d’innovation ; comme des opportunités d’aménager et de bâtir dans des zones déjà denses…
Je pense aux tiers-lieux qui peuvent s’y installer ; ces tiers-lieux qui font de notre patrimoine le lieu de fabrique de l’économie sociale et solidaire, qu’ils soient éphémères comme « Les grands voisins »
Je pense à tous ces lieux que Patrick Bouchain revitalise grâce à « La preuve par 7 »…
Je pense aux grands ensembles, que nous devons remodeler en profondeur, et continuer à désenclaver. Je pense aux cités-jardins et aux ensembles de logements sociaux, dont la qualité représente souvent un capital inestimable dans l’histoire d’une ville, d’un quartier, d’un territoire. Et chaque destruction envisagée doit avoir été pesée et concertée. Car l’heure est à la transformation de l’existant.
C’était, monsieur le Président de la République, le sens de vos propos sur Les Courtillières d’Emile Aillaud. Vous aviez alors été suivi par les acteurs territoriaux.
Mais aujourd’hui, d’autres ensembles de la qualité des Courtillières risquent d’être détruits ou dénaturés. Et nous devons veiller à ne pas laisser partir au rebut les traces des avant-gardes de nos contemporains.
C’est pourquoi je m’engage, avec les services régionaux du ministère de la Culture, à des campagnes de labellisation des œuvres des grands prix nationaux de l’architecture. Je veux que leurs créations, ainsi que celles de leurs pairs de grands talents, soient valorisées, qu’elles vivent, pour que les prochaines générations puissent les connaître, admirer, se les approprier, avec respect et considération.
Si Versailles, cher François de Mazières, est moins célèbre pour ses grands ensembles que pour son château, elle est néanmoins emblématique de ces villes à l’architecture vivante.
Le domaine de Versailles, chère Catherine Pégard, est un magnifique exemple de cette tradition de stratification.
Il est le fruit de l’intervention des plus grands architectes des siècles passés, mais aussi des siècles présents : Jean-Michel Wilmotte, Elizabeth de Portzamparc, Patrick Bouchain – et j’en oublie.
Versailles, c’est un effort de restauration permanent, dans le château et dans le parc, conduits par des architectes à très haute technicité patrimoniale, grâce auxquels ont pu cicatriser les affres de la tempête de 1999.
Et Versailles évolue encore : avec l'intervention de Dominique Perrault pour la création, au sein d’un monument historique, de nouveaux espaces d'accueil du public.
En perpétuelle évolution, Versailles est le témoin des innovations de son époque, notamment écologiques : je pense au potager du roi, au hameau de la Reine…
Plus largement, cher François, c’est une ville qui ne se laisse pas enfermer dans son passé.
Un philosophe du nom de Günther Anders disait qu’« il ne suffit pas de changer le monde. […] Nous devons aussi interpréter ce changement, pour pouvoir le changer à son tour. »
Lorsqu’il écrivait ces quelques mots, au sortir de la Seconde Guerre mondiale, je doute qu’il pensait à la transition écologique.
Pourtant, à le lire, il semblerait que c’est de cela qu’il nous parle.
Changer le changement : c’est notre responsabilité, à l’égard de la planète.
L’architecture peut nous y aider.
Le changement, elle peut nous aider à l’apprivoiser, à le dompter ; à le conquérir, pour n’en prendre que le meilleur.
C’est cela, votre quotidien : c’est composer avec les contraintes du réel.
Et la véritable contrainte qui nous est imposée aujourd’hui, c’est ni plus ni moins que la menace de voir notre planète s’éteindre.
Alors nous avons besoin de vous, de vos engagements.
Des architectes, des paysagistes, de vous qui concevez l’espace.
Nous avons besoin de vous dans la protection de notre environnement. Sur le sujet, vous êtes des pionniers, des engagés : l’écologie, c’est vous qui l’avez portée dans le Grand Débat de la Culture ; l’écologie, c’est vous qui l’avez mise au cœur d’un centre de ressources numériques regroupant les bonnes pratiques, sur le site de l’Ordre des architectes.
Nous avons besoin de vous pour changer de modèle énergétique. Pour réduire les sources énergétiques carbonées. Pour lutter contre la précarité énergétique. Pour rénover thermiquement. Pour requalifier l’existant, dans le logement et les lieux de travail, notamment. Pour atteindre les objectifs d’efficacité énergétique et environnementale dans le secteur du bâtiment.
Nous avons besoin de vous pour favoriser l’éco-construction, l’éco-réhabilitation, et les filières biosourcées. Et je sais l’engagement des architectes en la matière, notamment en Île-de-France, et je tiens à le saluer ; et je sais, aussi, l'engagement des Parcs nationaux régionaux dans cette voie.
Nous avons besoin de vous pour être à la pointe de ce combat.
Nous le devons aux générations futures : l’architecture, désormais, ne peut être que durable.
La ville de demain, c’est aussi une ville où l’émancipation, l’évasion doit être possible.
Elle doit être un lieu de culture.
Nous pouvons faire de chaque ville un lieu de culture – et pas seulement les grandes villes.
Nous le pouvons, et nous le devons.
Parce qu’une stratégie de territoire, c’est plus qu’un projet d’aménagement.
Parce que l’attractivité d’un territoire tient aussi – et je dirais même qu’elle tient d’abord – à sa richesse culturelle.
Parce que la richesse culturelle, c’est de la richesse tout court.
C’est un levier de développement économique, d’attractivité touristique.
C’est un levier de revitalisation, de cohésion.
Il faut donner à voir les projets qui émergent chaque jour des territoires.
Montrer comment des villes aussi variées que Saint-Etienne, Nantes, Lyon, Bordeaux, Grenoble, Le Havre ou Dinan, ont su se saisir de leur patrimoine pour dynamiser leur territoire et renforcer cette cohésion.
Le patrimoine, c’est un moyen de donner – ou de redonner – à un territoire son identité.
Un moyen d’en fédérer les habitants, de les aider à se réapproprier leur environnement.
De les réunir, de renforcer leur sentiment d’appartenir.
De les rendre fiers.
Voilà pourquoi la question de la revitalisation des centres urbains mobilise tant le ministère de la Culture : de l’appel à manifestations d’intérêt Centres-Bourgs, lancé en 2014, à l’expérimentation des ateliers des territoires « villes patrimoniales », lancée en 2017, jusqu’au plan Action Cœur de Ville, lancé l’an dernier.
Soutenir ces initiatives, c’est soutenir des projets de territoire ; c’est soutenir des projets culturels.
Je veux croire que les deux sont indissociables.
Faire de chaque ville un lieu de culture, cela passe par la revalorisation de notre patrimoine : je l’ai déjà évoqué.
Cela passe aussi par un renouvellement de l’offre culturelle de nos territoires.
Nous accélérerons le déploiement partout en France, des Micro-Folies, véritables musées numériques et espaces populaires de pratiques culturelles.
Nous expérimenterons également la mise en place de « quartiers culturels créatifs », dans les villes participant au programme « Action cœur de ville ».
Nous ferons de nos bibliothèques et médiathèques des maisons de service public culturel. Elles ouvriront plus, et elles offriront plus.
Faire de chaque ville un lieu de culture, cela passe par la valorisation de la « culture du bâti » : cet art de construire, qui est une part de notre identité culturelle.
C’est cette capacité à aménager l’espace de manière harmonieuse, dans une continuité historique, en articulant le paysage, les espaces publics et les constructions ; en les ancrant dans des territoires ; en prenant en compte la culture et les pratiques locales ; et en ne perdant jamais de vue la qualité du cadre de vie.
C’est pourquoi la France signera la déclaration de DAVOS, qui rappelle l’importance de l’architecture comme « culture du bâti » en Europe Occidentale.
Mesdames et messieurs les architectes,
Mesdames et messieurs les paysagistes,
La ville de demain, vous ne serez pas seuls pour la construire.
Nous la bâtirons ensemble.
Avec les promoteurs, les investisseurs, les aménageurs, les entrepreneurs, les opérateurs spécialisés, les porteurs de projet.
Avec les maîtres d’ouvrage.
Avec une puissance publique qui saura affirmer des choix sur le temps long ; qui s’attachera à préserver l’intérêt public ; et qui organisera, encouragera et facilitera davantage encore les partenariats entre public et privé.
Avec le ministère de la Culture, ses établissements publics, ses professionnels et ses services déconcentrés : Les architectes des bâtiments de France, qui accompagnent les acteurs territoriaux au quotidien, au sein des unités départementales de l'architecture et du patrimoine ;
A ce sujet, je salue l’innovation conduite par la DRAC Île-de-France, qui a mis en place en janvier 2019 le premier service métropolitain de l’architecture et du patrimoine. Celui-ci réunit l’ensemble des unités départementales d’architecture, et constitue désormais un pôle de compétence à l’échelle de la métropole du Grand Paris, articulant des pôles thématiques et territoriaux de façon exemplaire.
Les conseillers architecture, qui font le lien entre les réseaux de l’architecture et soutiennent leurs actions, dans les directions régionales des affaires culturelles ;
Et les architectes et paysagistes conseils de l'Etat, véritables « passeurs » entre les services déconcentrés des différents ministères et les collectivités territoriales, pour défendre les enjeux architecturaux, patrimoniaux, paysagers et urbains ;
La Cité de l’architecture et du patrimoine, qui promeut l’architecture, son histoire, ses réussites et ses expérimentations et des nouvelles générations ;
Avec les réseaux de l’architecture, qui sont des relais indispensables pour l’architecture en France et dans le monde :
- les maisons de l’architecture,
- Arc en rêve,
- l’AFEX,
- et les CAUE.
Avec les établissements d’enseignement supérieur d’architecture ;
Avec les collectivités locales et les élus, dont je connais – pour l’avoir vécu – l’attachement profond à l’architecture et aux architectes ;
J’en profite pour saluer les grandes associations d'élus :
- la FNCAUE ;
- « Sites et cités remarquables » ;
- « Petites cités de caractère » ;
- la fédération des parcs naturels régionaux, que je sais très engagée dans l’éco-construction et l’éco-réhabilitation.
Evidemment, avec les professionnels de l’architecture et du paysage ;
Mais aussi avec les urbanistes, les environnementalistes, les agronomes, les ingénieurs, les sociologues… et la liste est longue.
Car ce n’est que de la synthèse des contraintes et des potentiels que naît le bon projet.
C’est de cette co-construction, de cette co-instruction des projets, dès le début, en amont ; c’est de cette intelligence collective que naîtra la ville de demain.
Cette intelligence collective, les nouveaux dispositifs de production de la ville lui ont fait confiance ; ils lui ont permis de s’exprimer.
Ce sont les appels à projets, les appels à manifestation d’intérêt, ou encore les concours « Réinventer ».
Ces derniers, qui portent en eux une forte injonction d’innovation, ont fait émerger une nouvelle manière de fabriquer la ville.
Ils ont formé des alliances nouvelles ; ils ont changé les règles du jeu.
Le résultat, ce sont des équipes plus pluridisciplinaires qu’avant, avec davantage de synergies public/privé, de participation de la société civile et des associations.
C’est une bonne chose.
Néanmoins, et parce que l’architecture est d’intérêt public – qu’elle soit liée à une maitrise d’ouvrage privée ou publique –, je souhaite moderniser la Mission Interministérielle pour la Qualité des Constructions Publiques.
Avant, elle traitait 500 concours par an ; aujourd’hui, du fait de l’émergence de modes hybrides de production de la ville, elle n’en traite plus assez.
Si je veux la moderniser, c’est pour qu’elle couvre toute la maitrise d’ouvrage publique et privée ; pour qu’elle aide les élus à produire de la qualité architecturale dans tous les secteurs de la construction, et pour qu’elle les guide dans les nouveaux processus de fabrication de la ville.
Ces nouveaux modes de production ne remettent nullement en cause le rôle de l’architecte.
Nous avons des politiques publiques en urbanisme, en logement, en écologie – et chacune est légitime dans son domaine.
Mais il nous faut une vision qui combine tous ces points de vue.
Cette vision d’ensemble, c'est l'architecte qui l'a.
Cette vision d’ensemble, c’est l’architecte qui la donnera.
L’Etat doit le conforter comme élément cardinal de nos politiques publiques.
La mission « valeurs de l’architecture », dont le rapport me sera remis en juillet, s’inscrit dans cette volonté.
La ville de demain, nous la bâtirons ensemble : cette Biennale en est la preuve.
Elle est l’occasion de réunir, d’associer, de fédérer.
L’occasion de fêter l’anniversaire du Grand Paris, que vous lanciez, monsieur le Président de la République, il y a 10 ans, presque jour pour jour, à la CAPA. Nous savons ce que nous vous devons.
L’occasion de favoriser l’interaction entre le monde de l’architecture, celui du paysage, celui du patrimoine, les citoyens, les collectivités et les élus locaux.
L’occasion de mettre l’architecture sur la place publique, de redonner à chacun la capacité d’agir sur son cadre de vie.
Pour ensemble, penser, réfléchir, et déjà co-construire la ville de demain.
Merci pour cette initiative, madame la présidente, chère Valérie.
Merci à tous ceux qui l’ont rendue possible :
Merci à vous, monsieur le maire et commissaire général, cher François de Mazières ;
Merci à l’Ecole nationale supérieure d’architecture de Versailles, monsieur le directeur, cher Jean-Christophe Quinton ;
Merci au Château de Versailles, madame la présidente, chère Catherine Pégard ;
Merci à l’Ecole nationale supérieure de paysage, monsieur le directeur, cher Vincent Piveteau ;
Merci aux commissaires d’exposition : Elisabeth Maisonnier, Djamel Klouche, Alexandre Chemetoff, et Nicolas Gilsoul, et merci au groupe 2030.
Et merci à tous les professionnels présents, dans ce Versailles à l’architecture vivante, dans cette Île-de-France qui est un réservoir d’opportunités et une terre de culture.
Mesdames et messieurs,
Il est un livre d’Italo Calvino que lui-même décrit comme un « poème d’amour aux villes ».
Il a pour titre Les Villes invisibles, et pourtant les descriptions qu’il recèle, semblables à des portraits, sont si précises, si limpides, qu’on croirait ces cités bien réelles.
Réfutant la distinction entre des villes heureuses et des villes malheureuses, Calvino affirme que « ce n’est pas entre ces deux catégories qu’il y a du sens à partager les villes, mais entre celles-ci :
Celles qui continuent, au travers des années, à donner leur forme aux désirs ;
Et celles où les désirs en viennent à effacer la ville, ou bien à être effacés par elle. »
Nous ne devons pas nous satisfaire de villes qui entrent dans la deuxième catégorie.
Nous ne devons pas nous contenter de villes qui effacent les désirs, les possibles, les avenirs.
Nous devons faire de nos villes des lieux où l’impossible peut advenir.
Je ne dis pas que c’est une tâche aisée.
Mais c’est celle qu’il vous revient d’accomplir.
C’est la mission des architectes, des paysagistes, et de toutes celles et ceux qui les accompagnent.
C’est la mission de ces créateurs que vous êtes ; de ces bâtisseurs, de ces faiseurs de beauté.
Dans cette mission, le ministère de la Culture sera, toujours, à vos côtés.
[1] Paul VALERY, « Eupalinos ou l’architecte »
[2] KOLTÈS, « Dans la solitude des champs de coton »