Les chiffres signalant le déclin économique de la presse américaine ces dernières années sont enfin accompagnés, depuis 2009, de résultats prouvant son développement dans l’univers numérique.

En 2009, les difficultés et les pertes de la presse écrite aux États-unis se sont poursuivies. Les licenciements économiques dans les groupes de médias, qui touchent surtout les journalistes, se sont multipliés pendant les deux années passées : en 2008, les groupes Time Warner et Gannett ont perdu 10 % de leurs effectifs de journalistes. Parallèlement, le groupe Hearst a diminué la fréquence de ses publications et le magazine d’infos Newsweek a réduit son tirage et supprimé des postes de journalistes. D’après le quotidien Financial Times, les pertes d’effectifs se sont poursuivies en 2009 chez Time Inc et dans le groupe de presse magazine de luxe Condé Nast, pourtant réputés auparavant pour leur sécurité. L’association des éditeurs de magazines américains a annoncé des résultats très négatifs en 2009 : 383 magazines nord-américains ont fermé entre janvier et septembre 2009 et leur revenus auraient chuté de 18,1 % sur le seul troisième trimestre 2009.

A certains égards, le modèle économique de la presse en ligne semble encore faire l’objet de tâtonnements et d’incertitudes : les annonces les plus diverses se sont succédées au cours de ces derniers mois, prouvant que le mode de distribution en ligne n’est pas encore stabilisé. Le groupe News Corp s’est notoirement exprimé en novembre dernier pour dénoncer la ponction réalisée par Google sur les revenus publicitaires de la presse en ligne ; son dirigeant Rupert Murdoch envisage de rendre ses titres en ligne payants et d’empêcher qu’ils figurent sur les pages de Google News ou d’autres sites d’agrégateurs de contenus en ligne. Enfin, le Time Magazine en ligne (appartenant au groupe Time Warner) a annoncé également qu’il faisait le choix de l’accès payant à partir du printemps 2010.

Néanmoins, de véritables signes d’avenir pour la presse en ligne apparaissent. Premièrement, les investissements publicitaires dans la presse magazine sont en train d’augmenter considérablement sur Internet, à un taux beaucoup plus rapide que ces investissements dans les magazines papier : d’après une étude du cabinet Pricewaterhouse Coopers, ces dépenses ont augmenté de 38,1 % entre 2004 et 2008 pour l’ensemble de la presse en ligne, tandis qu’elles se sont limité à 4,4 % pour la presse magazine papier et à 2,4 % pour la presse quotidienne papier. Ainsi, sur l’ensemble des revenus de la presse, y compris la distribution, l’étude relève que les revenus de la publicité en ligne représentent désormais 2,3 % et estime qu’ils devraient doubler d’ici 2012. En considérant uniquement sur les revenus publicitaires, Internet représente 4,5 % des ressources et devrait atteindre 8,3 % en 2012.

Ceci est dû certainement à une nette appropriation du support numérique par les usagers : parmi les adultes les plus consommateurs d’informations aux Etats-Unis, le web attire désormais deux individus sur cinq, contre un sur quatre en 2007. Sur la population américaine globale, le web a clairement dépassé la presse écrite en 2009 : à la question « où recherchez-vous principalement les informations nationales et internationales ? », 40 % répondent désormais qu’ils la recherchent sur Internet, contre 35 % dans la presse papier (étude du Pew Research Center).

Dans ce contexte, les éditeurs de presse sont impatients de voir se développer les possibilités technologiques des supports mobiles : après les débuts du Kindle d’Amazon ou du e-Reader de Sony, l’introduction sur le marché de nouveaux écrans encore plus élaborés, permettant une navigation simple, offrant une belle qualité d’image, de son et de stockage est hautement attendue.

Pour ce renforcer face aux distributeurs de terminaux tels qu’Amazon, les éditeurs américains se mobilisent en ce moment pour tirer ensemble le meilleur profit de ces nouveaux outils : début décembre 2009, les groupes Time Inc, Condé Nast, Hearst et Meredith voulaient lancer, avec l’appui de News Corp, un consortium indépendant chargé de mettre au point les standards (formats, modes de paiement) des tablettes électroniques. Ils entendent également développer sur les nouveaux terminaux des kiosques numériques permettant de développer l’usage des abonnements, qui semblent plus légitimes et plus faciles à mettre en place maintenant que la lecture s’est améliorée sur ces supports.