Sophie Taeuber Arp (Davos 1889- Zurich 1943)
« En décembre 1915 j’ai rencontré à Zurich Sophie Taeuber qui s’était affranchie de l’art conventionnel. Déjà en 1915 Sophie Taeuber divise la surface de ses aquarelles en carrés et rectangles qu’elle juxtapose de façon horizontale et perpendiculaire. Elle les construit comme un ouvrage de maçonnerie. Les couleurs sont lumineuses, allant du jaune le plus cru au rouge, ou bleu profond» Jean Arp, Jours effeuillés, Paris, Gallimard, 1966
Le nom de Sophie Taeuber Arp, artiste discrète, est souvent associé à celui de Jean Arp (Strasbourg, 1886 – Bâle, 1966). Dans ce couple d’artistes, son œuvre demeure encore moins connue, et parfois réduite au domaine des arts appliqués. Pourtant, elle fut une pionnière de l’art abstrait géométrique.
Après des études d’arts appliqués à Saint-Gall, Munich et Hambourg, Sophie Taeuber s'installe à Zurich en 1915, année où elle rencontre Jean Arp et participe avec lui au mouvement dada, et aux manifestations du Cabaret Voltaire. Ils œuvrent alors ensemble contre les conventions et Sophie Taeuber explore de nouvelles voies artistiques aussi bien dans le domaine de la danse, de la création textile, mais aussi du dessin ou de la sculpture.
Pionnière de l’art concret géométrique en Suisse, ses Compositions verticales-horizontales (1915-1916) influencent Arp et c’est ensemble qu’ils créent la série des Duo-collages (1918-1919). Ils se marient en 1921, Sophie Taeuber Arp sera désormais son nom d’artiste.
En 1924, le couple rejoint les dadaïstes à Paris et décide de s’installer à Strasbourg, la ville natale de Arp. Sophie Taeuber-Arp qui a précédemment décoré le bar dancing de l’hôtel Hannong (1926) se voit confier le chantier de décoration de l’Aubette (1927-28). Elle sollicite alors la collaboration de Jean Arp et de Theo van Doesburg (1883-1931). L’Aubette, vaste complexe de loisirs strasbourgeois, est conçue comme une œuvre d’art totale, intégrant le mobilier, la signalétique, ainsi que le traitement de l’éclairage, des sols et des plafonds. La décoration intérieure, principalement collective, réserve néanmoins certains espaces à chacun des trois artistes. Cette œuvre monumentale majeure demeure unique en son genre. Les dessins des décors sont aujourd’hui conservés au musée d’art moderne et contemporain de Strasbourg (MAMCS).
Après l’Aubette, Sophie Taeuber Arp s’attèle à l’architecture de leur maison-atelier de Meudon qui devient, de 1929 à 1939, un foyer de rencontres artistiques internationales. Dans les années 30, Sophie Taeuber-Arp est un membre actif des groupes Cercle et Carré (1929-1930), Art concret (1930-1931) et Abstraction-Création (1931-1936). En collaboration avec César Domela (1900-1992) et Jean Arp, elle dirige la revue multilingue Plastique (1937-1939). Laissant le soin de théoriser à d’autres, elle préférait faire, passionnée par la forme, et animée par un désir permanent d’ouverture.
Très concernée par l’évolution politique, elle s’efforce de renouer les liens entre les artistes dispersés. Après l’échec de leur projet d’exil aux États-Unis, le couple se réfugie en Suisse en novembre 1942. Elle meurt asphyxiée par les émanations toxiques d’un poêle. L’artiste avait cinquante-quatre ans.
La maison atelier de Meudon est aujourd’hui le siège de la fondation Arp.
Pascale Samuel
Sélection d'oeuvres de Sophie Taeuber Arp conservées au Musée national d'art moderne -Centre Pompidou
Bibliographie
Sophie Taeuber-Arp, catalogue d’exposition, Paris, Musée d'Art Moderne de la ville de Paris, 15 décembre 1989 - 18 mars 1990, Musée cantonal des Beaux-arts de Lausanne, 30 mars - 13 mai 1889, Paris, Paris Musées, 1989
Guignon Emmanuel, Ewig Isabelle, Art is Arp, dessins collages, reliefs, sculptures, poésie, catalogue d’exposition, Musée d'art moderne et contemporain de la Ville de Strasbourg, Strasbourg, Musées de Strasbourg, 2008
Catherine Gonnard, Élisabeth Lebovici, Femmes/artistes, artistes femmes. Paris, de 1880 à nos jours, Paris, Hazan, 2007
Lavigne Emma (dir.), Couples modernes (1900-1950), catalogue d'exposition, Centre Pompidou-Metz, 28 avril - 20 août 2018, Paris, Gallimard, 2018
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