Découvrez la vie et l'oeuvre d'Adèle d’Affry, duchesse de Castiglione Colonna dite Marcello

Edouard-Théophile Blanchard,Portrait de la duchesse Castiglione, 1877, Fribourg, Musée d'art et d'histoire

Adèle d’Affry, duchesse de Castiglione Colonna dite Marcello (Fribourg, 1836 - Castellammare di Stabia, 1879)

Née à Fribourg, Adèle d’Affry, issue d’une noble lignée suisse, connaît un destin hors du commun. Devenue duchesse Castiglione Colonna après avoir épousé en 1856 Carlo Colonna, issu d’une prestigieuse famille romaine, elle se retrouve veuve après 8 mois de mariage. Sa belle-famille lui refuse une rente suffisante et elle doit alors envisager sa pratique artistique comme une véritable profession. Elle commence une carrière d’artiste en prenant des leçons chez le sculpteur suisse Heinrich Max lmhof à Rome où elle admire Michel-Ange, dont la force et l’expression plastique la marquent, ainsi que les œuvres de l’Antiquité.

Adèle d’Affry décide de s’installer à Paris, en 1859 où elle loue un atelier. S’adonnant à l’étude des maîtres anciens et du modèle vivant, elle ne peut pourtant accéder à l’école des beaux-arts en tant que femme, mais obtient l’aide du sculpteur Auguste Clésinger pour assister déguisée en homme à des cours de dissection au muséum d’histoire naturelle.

Marcello, Bianca Capello, 1863, Paris, musée d'Orsay

Pour ses débuts au Salon de 1863, elle prend un pseudonyme masculin, Marcello, en référence à Benedetto Marcello, compositeur italien du XVIIIe siècle, afin d'échapper au double handicap d'être une femme et une aristocrate. Elle y présente sa Bianca Capello, une intrigante et empoisonneuse de la Renaissance italienne, qui rencontre un très grand succès auprès du public et lui vaut une célébrité immédiate. La critique loue son originalité et sa fermeté « virile ». Ses sujets de prédilection se concentrent autour des femmes fortes de l’histoire et de la mythologie.
Femme du monde et aristocrate, elle est invitée dans les salons légitimistes dès son arrivée à Paris. Montrant une indépendance d’esprit, elle est proche de Napoléon III et d’Eugénie qui l’invitent aux fameuses « séries » de Compiègne entre 1863 et 1866. Grâce au couple impérial, elle reçoit plusieurs commandes officielles, par exemple Hécate et Cerbère (groupe en marbre conservé aujourd’hui dans le parc du domaine de Grammont à Montpellier).

Marcello, Chef abyssin, vers 1870, Paris, musée d'Orsay

Séjournant à Madrid en 1868 où elle rejoint les peintres Henri Régnault et Georges Clairin, elle est fascinée par le réalisme de l’art espagnol qu’elle découvre au Prado. Au début de 1869, elle s’installe à Rome où elle retrouve Régnault, alors pensionnaire à l'Académie de France, Clairin et leur ami, le peintre orientaliste catalan Mariano Fortuny. A partir de l'été 1869, elle étudie le dessin et l'aquarelle sous la direction d'Hébert et avec l'un des meilleurs élèves de Fortuny, Simonetti. Lors de ce séjour romain particulièrement fécond, elle réalise la Pythie, sculpture qui orne encore le vestibule d’entrée de l’Opéra Garnier et le Chef abyssin (version en marbre au musée d’Orsay) qu’elle présente au Salon de 1870.

Après la chute du second Empire, elle revient à Paris pour s’adonner à la peinture et commencer une nouvelle carrière sous la houlette du maître hispanophile Léon Bonnat. Elle finit sa vie un peu amère, ne rencontrant pas les succès escomptés par ses envois de peintures au Salon et marquée par la tuberculose qu’elle a développée depuis plusieurs années. Elle se réfugie dans le sud de l’Italie où elle continue de peindre et s’éteint près de Naples à l’âge de 43 ans.

Désirant assurer sa postérité, elle lègue certaines de ses œuvres à l’État de Fribourg, aujourd’hui visibles au musée d’art et d’histoire de Fribourg. Une fondation familiale conserve son fonds d’atelier et sa correspondance, précieux témoignage transmis par sa mère. Elle est toutefois peu présente dans les collections publiques françaises à l’exception de quelques pièces au musée d’Orsay, au musée des beaux-arts de Marseille, au musée des beaux-arts d’Arras, au musée des beaux-arts de Lyon et au château de Fontainebleau. En 2015, Marcello bénéficie d’une grande rétrospective, Une femme artiste entre cour et bohème, présentée dans plusieurs musées dont en France, aux musées nationaux du palais de Compiègne.

Maëva Abillard

Sélection des œuvres de Marcello sur la base Joconde Pop

Bibliographie
Gianna A. Mina (dir), Marcello : Adèle d'Affry (1836-1879), duchesse de Castiglione Colonna, catalogue d’exposition, Musée d'art et d'histoire Fribourg, 7 novembre 2014 - 22 février 2015, Museo Vincenzo Vela, Ligornetto, 26 avril - 30 août 2015, Musées nationaux du palais de Compiègne, 16 octobre 2015-1er février 2016, Musée des Suisses dans le Monde, Pregny-Genève, février - juin 2016, Milan, 5 continents, 2014