Synthèse du rapport préparé par la direction du développement des médias.
CONSTAT
La télévision locale est par nature diverse et ne saurait donc obéir à un format unique. On distingue ainsi plusieurs catégories de chaînes de proximité :
- les télévisions locales privées hertziennes métropolitaines. On ne compte que cinq télévisions de ville : Télé Toulouse (TLT), Télé Lyon Métropole (TLM), TV 7 Bordeaux, Clermont 1ère (Clermont-Ferrand) et Canal 32 (Troyes) et trois télévisions de pays : TV8 Mont-Blanc, Télé 102 et Télé Sud-Vendée. Leur budget varie entre 4 M€ et 110 000 €, mais presque toutes subissent un déficit chronique.
- les télévisions locales d’Outre-Mer : Antilles Télévision à la Martinique, Antenne Créole Guyane en Guyane, La Une, Canal 10 et Eclair TV en Guadeloupe. Dans chaque DOM, RFO diffuse deux programmes, dont l’un comporte des programmes locaux.
- les décrochages locaux ou régionaux des télévisions nationales de France 3 qui diffuse 12 000 heures de programmes locaux ou régionaux et de M6 qui est présente dans 11 grandes agglomérations. Le coût de ces décrochages est élevé (760 000 à 910 000 € par ville pour M6 et de 610 000 à 1 070 000 € par édition locale pour France 3), mais leur audience est souvent supérieure à celle réalisée sur l’antenne nationale.
- les canaux locaux du câble : fin 2002, le CSA avait conventionné 102 services locaux, faisant du câble le premier vecteur de diffusion des chaînes locales. Ces chaînes, majoritairement de très petite taille, représentent cependant un budget total de 18 M€ et 3 500 heures de production propre.
- les télévisions associatives : depuis la loi du 1er août 2000, les associations peuvent exploiter un service de télévision par voie hertzienne. En avril 2003, AB7 (La chaîne AB7 va couvrir la plaine du Forez) est ainsi devenue la première chaîne associative à être sélectionnée par le CSA dans le cadre d’un appel à candidatures.
La grille des programmes des télévisions de proximité est essentiellement basée sur la multi-diffusion de programmes centrés sur l’information locale et sur la vie des habitants.
COMPARAISON INTERNATIONALE : LE RETARD FRANCAIS
Une étude comparée portant sur dix pays a montré un retard certain de notre pays en matière de développement des télévisions locales. En effet, dans la plupart des pays étudiés, les télévisions locales ont trouvé leur place dans le paysage audiovisuel et leur existence fait l’objet d’un large consensus.
Aux Etats-Unis, par exemple, le paysage télévisuel s’est constitué à partir du local. Les télévisions locales privées sont au nombre de 2 130 et vivent entièrement grâce à la publicité.
En Allemagne, les chaînes locales sont nombreuses (on compte 80 canaux ouverts) et bien ancrées dans le paysage audiovisuel, du fait de la structure fédérale de ce pays où la notion de démocratie locale est très importante.
Dans la plupart des pays étudiés, les télévisions locales ont trouvé leur place dans le paysage audiovisuel et leur existence paraît faire l’objet d’un large consensus, même s’il existe ici ou là des débats sur l’ancrage local de certaines chaînes privées affiliées à des réseaux.
Le retard français s’explique notamment par le développement du paysage audiovisuel selon une logique très centralisée autour des chaînes nationales hertziennes.
FACTEURS DE BLOCAGE
Le paysage audiovisuel de proximité est confronté à un paradoxe : les sondages réalisés par Médiamétrie ont montré que les télévisions locales sont parvenues à rencontrer un public ciblé en répondant à un vrai besoin de la population. Cependant, en 2001, elles demeurent peu nombreuses et ont enregistré un résultat négatif de 7 M€ pour un chiffre d’affaires global de 10 M€ .
Les principaux facteurs de blocage sont :
- des coûts de diffusion hertzienne élevés
Ils s’expliquent par la configuration particulière de certaines zones de diffusion ; l’absence de concurrence sur la diffusion technique de la télévision est également invoquée.
- le manque de ressources publicitaires
Le secteur de la distribution étant souvent le principal annonceur à l’échelle locale, les télévisions de proximité sont pénalisées par l’interdiction réglementaire de diffuser de la publicité pour ce secteur économique (L’article 8 du décret du 27 mars 1992 interdit de publicité télévisée les secteurs de la distribution, de la presse écrite, de l’édition littéraire et du cinéma). En outre, le trop faible nombre de chaînes locales empêche la mise en place d’une véritable syndication publicitaire qui permettrait d’attirer les annonceurs nationaux.
- un dispositif anti-concentration trop contraignant
Dans le cadre des dispositions visant à limiter la concentration des entreprises de communication audiovisuelle, la loi sur la liberté de communication contient un ensemble de règles concernant les télévisions de proximité. Ainsi, une même personne physique ou morale ne peut détenir plus de 50% du capital d’une chaîne locale. En outre, il n’est pas possible de détenir simultanément une chaîne hertzienne nationale et une chaîne hertzienne locale. Enfin, il est interdit à un opérateur d’une chaîne locale hertzienne de devenir titulaire d’une nouvelle autorisation si cette dernière devait avoir pour effet de porter à plus de 6 millions d’habitants le total de la population desservie par cet opérateur.
Ainsi, la plupart des sociétés ou groupes qui disposent à la fois de la surface financière et des compétences techniques et éditoriales nécessaires pour éditer et diffuser des chaînes locales ne peuvent juridiquement le faire. Si les grands groupes audiovisuels français sont totalement absents du paysage audiovisuel local, ce n’est pas par désintérêt mais bien parce que le dispositif anti-concentration ne leur permet pas d’investir dans ce secteur.
- Les contraintes limitant l’implication des collectivités locales
De nombreuses collectivités territoriales sont désireuses de s’impliquer dans la création et le développement d’une chaîne de télévision locale. Or, la législation actuelle ne les autorise pas expressément à investir dans les chaînes hertziennes alors que ce droit leur est reconnu pour les canaux locaux du câble.
PROPOSITIONS
- Développer l’offre de programmes locaux de France 3
Dans le cadre du renforcement de son ancrage local, orientation stratégique de l’Etat et de France Télévision, France 3 souhaite renforcer l’autonomie de ses directions régionales, multiplier le volume des décrochages quotidiens au niveau local, régional et interrégional et déployer ses partenariats avec les collectivités locales.
- Exploiter pleinement la diffusion analogique afin de favoriser la syndication publicitaire
Afin de donner une chance à un maximum de chaînes locales, il paraît essentiel de dégager de nouvelles fréquences analogiques. Le CSA a récemment lancé plusieurs appels à candidatures et a recensé huit nouvelles zones dans lesquelles des appels pourraient être lancés prochainement (Les agglomérations concernées sont Angers, Le Mans, Lille, Marseille, Montpellier, Nîmes, Orléans et Tours). Le lancement de ces nouvelles chaînes permettra d’atteindre le seuil de dix millions de personnes couvertes par les télévisions locales et ainsi mettre en place une véritable syndication publicitaire susceptible d’intéresser les annonceurs nationaux et de générer à terme des revenus complémentaires (Évalués par certaines études à 50 M€ par an pour l’ensemble des télévisions locales).
- Alléger les obligations des télévisions locales numériques
Pour les chaînes numériques dont le bassin d’audience est inférieur à 10 millions d’habitants, un décret les exonérant de toute obligation de contribution à la production audiovisuelle et cinématographique et fixant la durée maximum des écrans publicitaires à 12 minutes par heure en moyenne quotidienne et à 15 minutes pour une heure donnée sera publié prochainement.
- Assouplir les règles d’intervention des collectivités territoriales
Les possibilités d’intervention des collectivités territoriales dans le domaine des canaux locaux du câble doivent être étendues aux chaînes hertziennes. A cette fin, il est proposé l’insertion dans le Code général des collectivités territoriales d’une disposition législative habilitant les collectivités territoriales et leurs groupements à éditer un service de télévision par voie hertzienne ainsi que la mention explicite dans les articles 30 et 30-1 de la loi du 30 septembre 1986 sur la liberté de communication de la possibilité pour les sociétés d’économie mixte locales de répondre aux appels à candidatures lancés par le CSA pour des fréquences en mode analogique et numérique.
- Adapter les règles « anti-concentrations »
L’avant-projet de loi sur les communications électroniques, actuellement soumis à la consultation du CSA, comporte les dispositions suivantes :
- la levée de l’interdiction de posséder plus de 50 % du capital d’une chaîne locale hertzienne ;
- l’assouplissement de la règle interdisant de cumuler une autorisation hertzienne nationale et une autorisation hertzienne analogique locale : l’interdiction ne concernerait plus que les services nationaux dont l’audience moyenne dépasse 2,5 % ;
- la levée totale de l’interdiction de cumuler une autorisation hertzienne nationale et une autorisation hertzienne numérique locale ;
- le relèvement de six à dix millions de téléspectateurs du plafond de cumul de plusieurs autorisations locales par un même opérateur.
- Ouvrir aux chaînes locales la publicité pour le secteur de la publicité
Le Gouvernement envisage l’ouverture progressive et raisonnée du secteur de la distribution à la publicité télévisée sans mettre en difficulté la presse quotidienne régionale et les radios locales. Cette ouverture permettrait l’accès des télévisions locales à des ressources publicitaires aujourd’hui réservées à d’autres supports que la télévision.