A l'occasion d'un déplacement au festival des Vieilles Charrues, à Carhaix, Françoise Nyssen a présenté le 20 juillet, le "Panorama des festivals", conçu par Serge Kancel, référent "permanent et transversal" pour les festivals. Ce dernier revient sur cette initiative.

Un panorama des festivals, est-ce vraiment original ?

Sous cette forme, oui. Il existe bien sûr plusieurs sites et applications, parfois très bien faits, qui proposent des informations pratiques sur de nombreux festivals, notamment dans les musiques actuelles ; sans compter les sites de billetterie.

Mais l'originalité de ce panorama des festivals, c'est sa transversalité : il couvre aussi bien le cinéma que le livre, les arts plastiques que le patrimoine et, pour le spectacle vivant, aussi bien la musique que les arts de la rue, le théâtre que la danse, etc.

De ce fait, ce ne sont pas seulement les "festivals" en tant que tels qui sont intégrés dans le panorama, mais tous les salons, rencontres, etc., qui ont en commun d'être des manifestations régulières, offrant sur quelques jours ou sur quelques semaines une programmation un peu "exceptionnelle" avec laquelle le public sait qu'il a rendez-vous chaque année, ou tous les deux ans.

Le panorama traduit la vitalité des manifestations culturelles en France…

L'interface et la carte interactives qui sont mises en place sur le site sont en effet une invitation à la curiosité : vous avez le projet d'aller à un festival de musiques du monde près de chez vous ou sur votre prochain lieu de vacances, et vous découvrez qu'à peu de distance et dans les mêmes périodes, vous attend aussi un festival de films policiers, un salon du livre de jeunesse…

Le panorama fera aussi apparaître le fait que telle ou telle manifestation est subventionnée par le ministère de la Culture ou par les trois établissements publics qui soutiennent les réseaux de diffusion : Centre national du cinéma (CNC), Centre national du livre (CNL) et Centre national de la variété (CNV). C'est aussi une indication pour les visiteurs du site, une manière de leur signaler que ces manifestations (de l'ordre de 600) ont été considérées comme suffisamment exigeantes ou prestigieuses pour justifier un soutien public. L'idéal serait de synthétiser un jour des données comparables concernant le soutien des collectivités territoriales, dont on sait qu'il est déterminant dans l'existence des festivals. Mais cette information est évidemment trop dispersée.

Ce panorama est-il exhaustif ?

Non, bien sûr, c'est impossible. Combien y-a-t-il de festivals en France : 8 000, 10 000 peut-être ? Personne ne peut le dire : localement, il en naît et il en disparaît chaque année des dizaines, voire des centaines.

En l'état, c'est-à-dire en ce début de juillet, le site "ouvre" avec à peu près 2 000 manifestations. Mais le travail de repérage et, surtout, de validation des informations qui remontent, se poursuit, avec dans les quelques semaines ou mois à venir la perspective de couvrir 3 000 à 4 000 manifestations un tant soit peu significatives sur tout le territoire.

La difficulté principale pour construire un panorama des festivals, c'est la grande hétérogénéité des sources qui servent à l'alimenter. De ce fait, il y a nécessairement des inexactitudes et des lacunes. L'autre difficulté c'est d'actualiser ce panorama, de le faire vivre, faute de quoi les informations vieilliront doucement et perdront rapidement de leur intérêt.

D'où ce qui constitue, au fond, le principal pari de la démarche. Nous proposons aux organisateurs des manifestations, aux fédérations de festivals, mais aussi aux élus locaux, de s'approprier ce panorama, de le faire évoluer en complétant ou en actualisant les informations qu'il contient, en ajoutant des festivals oubliés… Les conseillers en DRAC peuvent être aussi d'un apport précieux. Une fiche-type et une adresse mail spécifique dédiée (contact-panorama-festivals@culture.gouv.fr) ont été créées pour permettre ce dialogue, lequel fera l'objet, bien sûr, d'un minimum de modération et de vérification des informations.

En plus d'être une source d'information et une invitation à la découverte, ce panorama peut-il être considéré comme un outil d'observation ?

C'est aussi l'idée : plus ce panorama sera large et renseigné, plus il constituera pour les acteurs publics une source précieuse d'observation et d'aide à la décision, y compris pour alimenter, par exemple, des partenariats de filière entre l’État et les exécutifs régionaux et locaux. Par ailleurs, la connexion est établie avec les dispositifs mis en place dans le cadre de la loi sur la liberté de création, l'architecture et le patrimoine (LCAP), comme l'observatoire de l'économie de la filière musicale ou SIBIL, le dispositif de remontée des données de billetterie, sans compter la perspective de création du Centre national de la musique.

Si le panorama est actualisé d'une année sur l'autre, ce qui est le but recherché, nous disposerons de données inédites sur les cycles d'apparition et de disparition des festivals et sur les maillages territoriaux propres aux différentes disciplines. Ceci pouvant à l'évidence, au-delà de la sphère des décideurs publics, intéresser aussi la communauté des chercheurs, des économistes...

C'est la raison pour laquelle (et c'est une autre originalité de ce panorama par rapport à d'autres ressources existantes) le tableau de base des données est d'accès libre et intégralement téléchargeable sous les principaux formats. Mais téléchargeable en l'état, j'insiste à nouveau sur ce point : c'est-à-dire avec ses marges d'imprécision et avec son caractère évolutif dans le temps au fur et à mesure que ce panorama sera amendé et complété.

F. Nyssen : "Les festivals permettent l'émergence de jeunes talents et sont des lieux de rassemblement"

Après les Nuits de Fourvière, le festival d'art lyrique d'Aix-en-Provence, les Rencontres de la photographie d'Arles et le festival d'Avignon, la ministre de la Culture poursuit son parcours sur le chemin des festivals. Vendredi 20 juillet, elle était à Carhaix (Bretagne), où se tient chaque année l’un des plus importants festivals de musique. "En plus de leur programmation d'exception, les Vieilles Charrues sont un formidable écosystème culturel qui prend en compte développement durable, mobilisation des associations, essor du territoire, engagement citoyen et soutien aux jeunes artistes", a assuré Françoise Nyssen.

Pour assurer cette tâche, la ministre de la Culture peut désormais s’appuyer sur un "référent permanent et transversal", qu’elle a nommé en février dernier : Serge Kancel, inspecteur général de l'administration des affaires culturelles. Ce dernier vient de dresser un "Panorama des festivals en France" disponible sur le site internet du ministère de la Culture (voir notre entretien). Cet outil rassemble les données de près de 2 000 manifestations en France (à terme, il en recensera 3 000 à 4 000). "C'est un précieux outil d'information, mais aussi un outil indispensable pour nos politiques publiques", en ce qui concerne "l'observation" et le "pilotage", a souligné la ministre. Autre outil dévoilé par la ministre : une "Charte des festivals", largement diffusée lors des festivals, permet de "réaffirmer [notre] engagement politique en faveur des festivals". "Par cette Charte, nous nous engageons à soutenir les festivals qui sont exemplaires sur le plan de la diversité et de l’excellence artistiques", ainsi que les "les festivals émergents".

Aujourd’hui, trois défis principaux se posent à la ministre sur la problématique des festivals. Le premier concerne "la variation des subventions publiques", qui les "fragilise". "Unecirculaire définissant les critères de soutien public aux festivals", devrait être finalisée "d’ici quelques semaines". Deuxième enjeu : la prise en charge des coûts de sécurité. "Nous avons rappelé, avec le ministre de l'Intérieur, notre attachement aux festivals mais aussi l'importance de la sécurité. Il a rappelé aux préfets la nécessité de faire preuve de discernement pour que la prise en charge de la sécurité ne déstabilise pas l'économie de ces événements", a indiqué Françoise Nyssen. Troisième défi : le risque de concentration du secteur. Le ministre de la Culture a lancé une mission interministérielle qui devra mesurer ce phénomène, identifier "les éventuels mauvais joueurs" et faire des préconisations.