Equipement emblématique de la décentralisation dramatique, la MC93, inaugurée, mercredi 22 novembre, à Bobigny, en présence de Françoise Nyssen, va retrouver, après trois ans de travaux, son ambition première : être un laboratoire de création au service des publics. A l'occasion de cet événement, nous republions l'entretien que nous avait accordés, le 18 mai dernier, Hortense Archambault, directrice de la MC93.

Un théâtre "fortement ancré dans sa ville et ouvert sur ses habitants" : tel est le projet mis en œuvre par Hortense Archambault, la directrice de l'emblématique Maison de la Culture de Seine-Saint-Denis, à Bobigny (MC93), qui rouvre ses portes le 23 mai après trois ans d'importants travaux de désamiantage et de déplombage. Avec un équipement entièrement rénové et modernisé, la directrice, qui a succédé à Patrick Sommier en mars 2015, entend faire de la MC93 "une grande maison de création", habitée en permanence par des équipes artistiques, largement ouverte à l’international, tout en développant résolument une "fabrique des spectateurs", associant étroitement la population de la Seine-Saint-Denis. Hortense Archambault, qui a été notamment co-directrice du Festival d’Avignon de 2003 à 2013 et membre de la mission de concertation sur le régime d’assurance chômage des intermittents du spectacle en 2015, revient sur cette aventure artistique au service des publics et de la création.

Nouvelle salle modulable de 240 places, ouverture du lieu sur l’espace public, accessibilité et sécurité renforcées... l'ambitieux programme de rénovation a incontestablement donné une nouvelle dimension à la MC 93.

Hortense Archambault - Il s’agit en effet d’une importante rénovation, la MC93 ne pouvait plus fonctionner sans cet important programme de mise aux normes, sécurité, accessibilité. Mais Vincent Brossy qui a remporté le concours d’architecte, a fait une proposition forte qui tient compte de l'architecture initiale du bâtiment, conçue de Fabre et Perrotet, tout en la transformant. Il a notamment construit une nouvelle salle sur le toit de la Maison.

Vous avez connu deux saisons hors-les-murs, de quelle façon allez-vous prendre possession des nouveaux espaces de ce bâtiment ? Celui-ci a-t-il influencé la construction de la prochaine saison ?

H.A. - Nous avons hâte avec l’équipe de retrouver notre théâtre, même si nous avons été incroyablement bien accueillis par tous les théâtres lors de notre nomadisme des dernières saisons. La rénovation démultiplie les possibilités de la MC93 pour accompagner les artistes en production. La saison 2017/2018 est prête (elle sera annoncée fin mai), c’est en la vivant que nous pourrons tester les nouvelles capacités qu’offre la Maison rénovée.

Ce nouveau bâtiment change-t-il vos rapports aux publics et aux habitants et quels liens comptez-vous tisser avec l'environnement de la MC 93 ?

H.A. - C’est une chance de pouvoir arriver à la direction d’un théâtre, et qu’à la mise en place d’un nouveau projet corresponde la transformation physique du lieu. Accompagnant la « fabrique d’expériences » qui est au cœur de la MC93 à part égale avec la programmation des spectacles, s’est associé un espace redessiné. Il s’agit du hall du théâtre, devenu un « lieu des possibles », dont la définition des usages s’est faite avec les spectateurs et les habitants. Cette démarche se poursuit. La rénovation a créé dans le théâtre de nouvelles ouvertures sur la ville avec des paysages urbains inédits qui apparaissent offrant de nouveaux points de vue. La ville regarde la MC93, au cœur de la ville, et la MC93 la contemple désormais en retour.

Françoise Nyssen : "La décentralisation théâtrale ? Un véritable service public de la culture"

C'est l'une des grandes avancées de la politique culturelle. Lancée officiellement il y a soixante-dix ans, avec le Centre dramatique national de Colmar, la décentralisation théâtrale a permis de rendre accessible à un très grand nombre de Français les créations de spectacles, tous domaines confondus. Aujourd'hui, les établissements qui relèvent de cette politique - centres dramatiques nationaux, centres chorégraphiques nationaux, centres de création musicale - vont, selon la ministre de la Culture, encore plus loin. "Au cours des soixante-dix dernières années, ce qui a émergé, au-delà des lieux et des créations, c'est un véritable service public de la culture", a analysé Françoise Nyssen, le 18 octobre dernier, à l'occasion de l'anniversaire de la création du réseau. Dans le cadre de la "politique culturelle de proximité" qu'elle appelle de ses voeux, la ministre a évoqué trois pistes d'intensification des actions du réseau : publics, école, Europe. "Chacun de vos établissements doit être un laboratoire de création autant que de transmission", a-t-elle conclu.