Louyse Moillon (Paris, 1610- id.,1696)

Louyse Moillon, Corbeille de prunes et panier de fraises, 1632, Toulouse, musée des Augustins

Occupant une place de premier plan dans le genre des natures mortes aux fruits, Louyse Moillon est l'une des rares femmes peintres du XVIIe siècle français dont l’œuvre est aujourd'hui bien identifiée, la signature et la datation de ses tableaux ayant permis qu'elle échappe à l'anonymat. Depuis la redécouverte de l'artiste en 1934 lors de l'exposition des Peintres de la réalité en France au XVIIe siècle au musée de l'Orangerie, la reconnaissance de son art est longtemps restée tributaire des préjugés sectaires envers les femmes : en renvoyant inéluctablement, selon la culture aristotélicienne, aux qualités attendues d'une femme célèbre nécessairement vertueuse, chaste, modeste et pieuse, la simplicité de son oeuvre répondait aussi, dans l'historiographie des années d'après guerre, à l'image de la femme d'intérieur, peignant des "chefs-d'oeuvre ménagers" comme une maîtresse de maison accomplie s'attachant à arranger les fruits dans un panier. La réhabilitation de l'artiste à la fin des années 1970 est liée à l'intérêt nouveau porté aux femmes peintres et, depuis 2009, à la publication du catalogue raisonné de son œuvre par Dominique Alsina. Répertoriant précisément 69 tableaux, il replace l'artiste dans le contexte de "la nature morte au Grand Siècle", annoncé en sous-titre de la monographie, et au même rang que ses contemporains masculins, Jacques Linard (1597-1645), Nicolas Baudesson (1611-1680) ou Lubin Baugin (1612-1663).

Issue d'un milieu parisien d'artistes et de marchands d'art protestants du quartier de Saint-Germain-des-Prés, Louyse est la fille et la soeur des peintres Nicolas et Isaac Moillon, peintres du roi. A la mort de son père en 1619, elle devient en outre la belle-fille d'un peintre de natures mortes et marchand de tableaux à qui elle est liée par contrat pour la vente de ses oeuvres. Elle contribue ainsi à la solidité du patrimoine familial, vivant dans l'aisance grâce à ses commanditaires de renom, Claude de Bullion, surintendant de finances de Louis XIII et avocat au Parlement de Paris, et Charles Ier d’Angleterre. Précoce, indépendante et célibataire jusqu'à trente ans, elle travaille toute sa vie, diminuant progressivement son activité à son mariage en 1640 avec un riche marchand de bois parisien.
Equilibre et stabilité sont les fondements de ses compositions, fidèles à un schéma répétitif centré sur des corbeilles ou des paniers de fruits, posés sur une table ou une margelle, dépeints en légère contre-plongée, dans un cadrage resserré et sur un fond sombre. Le réalisme minutieux de ses oeuvres, une touche précise, des coloris pleins et le rendu du velouté ou de la transparence des fruits témoignent de la maîtrise du métier, hérité de l'art flamand et acquis en côtoyant la colonie des peintres hollandais de Saint-Germain.

Louyse Moillon, La marchande de fruits et de légumes, 1630, Paris, musée du Louvre

L'immobilité et le silence sont la marque de son art, donnant à ses oeuvres un charme mystérieux, interrogeant immanquablement l'intention d'une symbolique en lien avec la confession protestante de l'artiste. Elle dut d'ailleurs se convertir à la fin de sa vie au catholicisme pour échapper aux persécutions. A l'exception de quelques œuvres de plus grandes dimensions, introduisant des figures humaines, raides et naïves, la plupart de ses tableaux sont de format modeste et d' une certaine simplicité, pour plaire à sa clientèle d'amateurs. Sans prétention officielle, ils témoignent ainsi d’ambitions contenues comme il convenait pour une femme peintre.

Hélène Meyer

Sélection d'oeuvres de Louyse Moillon sur la base Joconde Pop

Bibliographie
Alsina Dominique, Louyse Moillon (Paris, vers 1610-1696) : la nature morte au Grand Siècle : catalogue raisonné, Dijon, Faton, 2009