12e Biennale de Lyon : entre-temps... brusquement, et ensuite

Biennales, la règle du jeu

Depuis sa création en 1991, je propose aux commissaires que j’invite de réfléchir à un mot clé. Celui-ci vaut pour trois éditions successives. Puisé dans l’actualité immédiate, à l’usage fréquent et aux amplitudes sémantiques incertaines, ce mot appelle une interprétation artistique autant que sociétale. Il y eut d’abord Histoire en 1991, puis Global en 1997, Temporalité en 2003 et enfin de 2009 à 2013 : Transmission.

Au mot Transmission que je soumets à Gunnar B. Kvaran, celui-ci me répond de façon littérale par Récit. Le terme n’est pas plus un sujet qu’un titre. Il est simplement le point de départ d’un dialogue à partir duquel nous construisons trois plateformes : d’abord, une Exposition, car, quel que soit le mode d’association des oeuvres, leur lieu, leur choix ou leur absence, il s’agit bien de concevoir une exposition. Ensuite, Veduta, laboratoire de création et d’expérimentation visuelles dans lequel des artistes en résidence, la collection du Musée d’Art Contemporain de Lyon, des oeuvres de l’expo et des amateurs de tous âges et de toute appartenance sociale construisent un nouveau rapport visuel au monde. Enfin, Résonance, vaste polyphonie créative dans laquelle des collectifs d’artistes, des jeunes galeries, des néo institutions ou tout simplement des aventuriers de la forme, dessinent en contrepoint de l’expo un hommage à l’irrationnel, au pluriel et au seul temps qui vaille : le présent car c’est le seul dépourvu de durée.

Récit

Pour Gunnar B. Kvaran, poser récit à côté de transmission c’est par conséquent énoncer l’évidence de ce qui se passe (« Le réel est ce qui se passe » dit le philosophe). Au néomodernisme qui emplit nos murs et les patine d’une douce nostalgie, Gunnar B. Kvaran oppose une nouvelle attention à la forme. Car c’est une forme inédite de pensée. Et la forme de cette pensée est probablement ce qui dit le plus. Les histoires peuvent être bonnes, mais ce qui les distingue au bout du compte on le sait, c’est la pertinence de leur forme, car c’est elle qui crée le sens en formant le récit.

Le Petit Prince a dit : « Raconte moi une histoire », et le poète l’a dessinée.

par Thierry Raspail, Directeur artistique de la Biennale de Lyon

La Biennale de Lyon 2013

Les romanciers ou les scénaristes espèrent toujours avoir une histoire intéressante à raconter. Une bonne histoire, c’est aujourd’hui aussi ce que recherchent à tout prix autant les hommes politiques que les marques pour influencer les comportements des électeurs ou des consommateurs. Les récits du monde ne sont plus seulement innombrables, comme l’écrivait Roland Barthes ; ils sont aujourd’hui omniprésents, installés au coeur même de la vie quotidienne.

Pour la Biennale de Lyon 2013, j’ai invité des artistes du monde entier qui travaillent dans le champ narratif et expérimentent, à travers leurs oeuvres, les modalités et les mécanismes du récit. L’exposition met ainsi au premier plan l’inventivité dont font preuve les artistes contemporains pour raconter autrement des histoires neuves, en défaisant les codes narratifs mainstream, les mises-en-intrigue prêtes à l’emploi.

Ces artistes donnent à leurs oeuvres-récits des formes extrêmement variées, utilisant une multiplicité de registres, matériaux et techniques. L’exposition mêle ainsi sculptures, peintures, images fixes et animées, arrangements de textes, de sons, et d’objets dans l’espace, performances, etc. Elle souligne la manière – les manières plutôt – dont les jeunes artistes aujourd’hui, selon qu’ils travaillent en Europe, en Asie, en Amérique Latine, en Afrique ou en Amérique du Nord, imaginent les narrations de demain : des narrations qui négligent les suspenses et les excitations de la fiction globalisée (hollywoodienne, télévisuelle, ou celle de bestsellers de la littérature mondiale) ; des narrations inédites qui défamiliarisent le monde, lui redonnent l’étrangeté et la complexité radicales que les mises-en-récit classiques cherchent toujours à aplanir, à étouffer ; des narrations artistiques qui nous donnent à voir et à comprendre le monde comme neuf et plus intelligible.

Parmi ces jeunes artistes, on trouvera notamment les britanniques Ed Atkins et Helen Marten, le tchèque Vaclav Magid, les Américains Trisha Baga, Ian Cheng, Petra Cortright, Nate Lowman et Ryan Trecartin, le Chinois Zhang Ding et le Brésilien Thiago Martins de Melo, ou encore les Français Neïl Beloufa et Lili Reynaud-Dewar.

par Gunnar B. Kvaran, commissaire invité de la Biennale de Lyon 2013

Biennale de Lyon du 12 septembre 2013 au 05 janvier 2014

www.biennaledelyon.com