Grasse - Ancienne Chaufferie centrale des parfumeurs
- Département : Alpes-Maritimes
- Commune : Grasse
- Appellation : ancienne Chaufferie centrale des parfumeurs
- Adresse :
- Auteurs : André Bruyère et Jean Prouvé
- Date : 1962
- Labellisation : 29 novembre 2017
« Capitale des fleurs », Grasse devient au milieu du XIXe siècle « capitale du parfum ». Une capitale industrielle, comme en attestent les nombreuses cheminées d’usines qui ponctuent le paysage urbain grassois sur les photographies d’avant-guerre. Durant le dernier tiers du XXe siècle, ce paysage se modifie au gré de l’évolution des procédés d’extraction des molécules odorantes : la quinzaine de cheminées, qui constituaient des signaux urbains très repérables, disparaît presque en totalité consécutivement à l’installation de lieux de production ultramodernes en périphérie de la ville. Quant aux friches industrielles, à proximité du centre ancien, elles sont rapidement remplacées par des programmes de logements. Demeure aujourd’hui la plus haute de ces cheminées, celle de l’ancienne chaufferie centrale.
En 1962, devant la nécessité de moderniser leurs équipements et avec la volonté commune de rationaliser l’espace industriel, sept maisons de parfumeurs grassoises décident de mutualiser leur outil de travail et font construire une usine de production de vapeur au charbon afin de pouvoir pratiquer dans des conditions optimales la distillation par injection de vapeur.
Les parfumeurs, réunis en SARL sous le nom SOPRODIVAG (SOciété de PROduction de VApeur de Grasse), confient la mise en œuvre technique à l’entreprise Laurent Bouillet. L’entreprise passe commande à André Bruyère qui fait ensuite appel à son ami Jean Prouvé. Deux figures déjà majeures de l’architecture française sont ainsi réunies sur ce projet.
A proximité de la gare, dans le vallon Rastiny, André Bruyère conçoit sur le site de la parfumerie Cauvi un hangar de 35 mètres de long sur 17 mètres de large et 9 mètres de hauteur sous entrait, destiné à accueillir 3 chaudières d’une capacité de production de 16 tonnes de vapeur par heure. Cet équipement alimente à lui seul sept usines du même quartier. Les trois cheminées métalliques originelles sont remplacées dès 1968 par une cheminée en béton de 70 mètres de haut afin que soient évacuées sans nuisances pour le voisinage les fumées issues de la combustion du charbon.
Les fondations sont en béton armé, tandis que la partie en élévation au-dessus du sol est intégralement soutenue par six imposantes poutrelles métalliques cintrées de manière à constituer une toiture à pan unique inclinée vers l’arrière. S’il s’en distingue par l’absence de débord de la toiture sur les façades, ce dispositif en portique, qui permet de conserver un espace intérieur totalement libre, peut rappeler le principe constructif de Jean Prouvé dit « à béquille » appliqué à la construction des écoles d’urgence durant les années 1950.
La façade d’entrée, au nord, est un mur-rideau en tôle ondulée, constitué de six travées fixes conçues chacune comme le battant d’une persienne. Ce dispositif, qualifié par André Bruyère « d’immense grille de ventilation », assure une aération permanente de la salle des chaudières ; les lamelles en tôle des volets qui ondulent comme des vagues optimisent l’aération et « du lieu commun font surgir l’œuvre d’art » (A. Bruyère). Les travées métalliques alternent avec des travées vitrées qui assurent l’éclairage naturel du local. Les panneaux de verre sont maintenus par des raidisseurs de façade, un système développé et employé par Jean Prouvé dès 1935.
Les années 1980 sont un temps de crise pour l’industrie du parfum grassoise. La plupart des usines ferment leurs portes. En 1986, c’est au tour de la maison Cauvi, et avec elle cesse l’activité de la chaufferie centrale. Les usines subsistantes utilisent par la suite des chaudières individuelles à gaz.
Jalon important de la parfumerie grassoise, la chaufferie centrale témoigne de l’apport de l’architecture à l’innovation technique dans le secteur traditionnel de la parfumerie. Ce bâtiment élégant et efficace est l’unique exemple de collaboration des deux maîtres d’œuvre.
Auteur : DRAC PACA 2019
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