1.1508 - Cap Janet
La Calade, une emprise proche du port dans le 15e arrondissement
références documentaires : Patrimoine XXe, architecture domestique
n° répertoire édition X : 1508, p 44. 2005
Conception & rédaction T. Durousseau arch., 2007
désignation : Cap Janet
46 chemin vicinal Cap Janet, boulevard Paumont, quartier de La Calade 13015
Lambert 3 : latitude 3.0143 ; longitude 43.3388
Accès : métro n° 2 : Dromel - Bougainville
bus n° 36 : Bougainville - La Nerthe , bus n° 35 : Joliette - Estaque Riaux , bus n° 70 : Canebière - Saint-Exupéry
propriétaire : LOGIREM, 111 boulevard National, BP 204, 13302
programme : Groupe d'habitations de 278 logements HLM.
Maître d'ouvrage : LOGIREM.
Ensemble de 3 immeubles.
dates, auteurs : Accord préalable : 1961. PC : 1962. Conformité : 1970.
Marcel Roux, H & L Marty, architectes.
site : Cap Janet, épaulement de la Calade à 30,00 m au-dessus du rivage. Terrain d'environ 30 000 m2, altitude entre 29,00 et 50,00 m. Secteur d'habitation E sur le Plan d'Urbanisme Directeur de 1949.
plan de masse : Articulé sur les trois tours identiques et étagées entre 36,00 et 45,00 m, formant une prise de site par une figure d'espace monumentale. Épannelage: R+16.
bâti : Les tours ne sont pas vraiment adaptées aux conditions locales, vents et ensoleillement, mais la vue semble compenser ce handicap. Bon état général malgré une mise en teinte contraire à la conception d'origine, très simple.
sources : AD : 2071 W 22 (64.978), 165 W 529, 632
Base de données RCF
Revue Urbanisme n° 117, 1970
Contexte :
Site en surplomb sur le littoral, Le Cap Janet est marqué de ce caractère stratégique. Dès 1942, l'armée d'occupation allemande en fait son Quartier Général, juste au-dessus de la base de sous-marins, bientôt cible des bombardements américains de 1944. Le Corbusier envisagera même l'implantation de la Cité Radieuse dans le quartier. En fait, avec 2 000 personnes, c'est un des plus importants bidonvilles de Marseille qui va s'installer sur ces terrains en déshérence et battus par les vents.
Les bidonvilles sont le lot commun des villes portuaires de la Méditerranée, et, passées les interventions de l'abbé Pierre en 1954, c'est Eugène Claudius-Petit qui va engager un règlement de cette question récurrente. En effet, dès 1951, émerge la question des travailleurs français musulmans d'Algérie qui viennent en France au rythme de 140 000 par an. Claudius-Petit, informé des conditions d'hébergement de ceux-ci, crée en 1956 la Société Nationale de Construction de Foyers pour les travailleurs algériens (Sonacotra) dont le programme est de réaliser 50 000 logements en cinq ans mais les "foyers - hôtels " vont se heurter aux diverses formes de ségrégations communales et surtout au conflit algérien et à la position du ministère de l'intérieur. En 1958 est créé le Fond d'action sociale pour les travailleurs musulmans d'Algérie en métropole, financé par les allocations familiales dont une partie seulement est versée aux familles en Algérie et dont la priorité est "d'arracher la main d'œuvre d'origine algérienne à la misère des bidonvilles". Parallèlement, sont créés en 1960 les Logirep, Logirel et Logirem (pour Marseille) pour réaliser des logements pour les familles. Le cessez-le-feu de 1962 et la réplique de l'OAS vont entraîner le départ précipité des français d'Algérie ; un million de personnes transite par Marseille dans la plus tragique improvisation, les foyers Sonacotra sont réquisitionnés pour les rapatriés.
Alors est votée la première loi pour la résorption des bidonvilles, la loi Debré (1964), c'est dans ce cadre que se situe l'opération du Cap Janet, conduite par la Logirem. Lors de sa livraison six années plus tard, le gouvernement de J. Chaban-Delmas à travers la loi Vivien (1970) va élargir la question des bidonvilles à celle des logements insalubres. Les bidonvilles sortiront de l'espace médiatique jusqu'à une période récente.
Description :
Avant d'être une opération immobilière, la résorption est un processus social et éducatif qui s'accompagne d'une sélection des habitants. Le dossier de permis de construire est accompagné de notes précisant le déroulement de l'opération de résorption en deux temps. Une première phase consiste à reloger les occupants du bidonville dans des cités provisoires, "où ils sont confrontés avec les problèmes de l'habitat moderne ; et un contrôle de leur adaptation permettra d'apprécier leur évolution en vue d'une mesure de relogement dans une cité HLM.". Cette première étape est menée par l'ATOM (Association d'Aide aux Travailleurs d'Outre-Mer) et permet la démolition de l'habitat spontané en dégageant les terrains nécessaires à la construction.
Il faut noter que les projets préliminaires, non réalisés, qui cherchent à éviter l'enclavement de l'opération alors sur un site isolé. Un des premiers projets associe les trois tours à un “village“ fait de maisons groupées, dédié aux familles qui auraient des difficultés à intégrer les tours de 16 étages.
Le permis de construire prévoit en outre un centre commercial au centre de la composition, qui ne sera réalisé que plus tard et à l'extérieur du terrain du projet. Enfin les équipements sociaux, très importants dans ce projet, ont été prévus pour être implantés dans les deux premiers niveaux des tours.
Dans ce processus, il faut imaginer que l'architecture n'est pas centrale. Pourtant on notera l'efficacité de la prise de site qui fait des trois tours un élément très visible, largement plus visible que le bidonville. Profitant du podium constitué par l'assise du Cap Janet pour mettre en valeur une figure élémentaire de l'espace qui ici devient monumentale. En effet si chacune des tours ne possède pas un très grand élancement, leur répétition et leur disposition cadrent l'espace interstitiel et ses variations perceptives. Ce que le critique C. Jencks qualifie de cité dans le ciel par rapport au gratte-ciel, objet célibataire.
On notera encore que les tours ont fait l'objet d'une réhabilitation dont la coloration affaiblit le caractère monolithique par des variations de teintes peu adaptées à la simplicité, l'élémentarisme de l'architecture.
Auteurs :
Henri Marty et Marcel Roux,
On a peu de données sur Henri Marty, par contre Marcel Roux, architecte et urbaniste, est connu pour avoir accompagné Eugène Claudius-Petit tout au long de sa carrière.
Après les Beaux-Arts à Orléans, il intègre l'Institut d'Urbanisme de l'Université de Paris (IUUP). Mobilisé, il est fait prisonnier en 1940, et s'évade en 1943. Il rejoint Alger et intègre le service d'urbanisme du Commissariat à l'éducation nationale. Lié à André Sive, il participe en 1943 au congrès technique de la France au Combat. De retour en France en septembre 1945, il est au comité du Front National des Architectes.
Il participe au renouveau de l'Architecture d'Aujourd'hui, censurée au début de la guerre. Il est ensuite nommé urbaniste en Sarre par le gouverneur G. Granval avec Sive et Pingusson.
En 1947 il remplace Le Corbusier comme urbaniste de La Rochelle-la Palice, puis devient membre du MRU d'Eugène Claudius-Petit. Nommé architecte-conseil du ministère en 1950, il est un des fondateurs du groupe Espace.
De 1953 à 1958, il fait partie des urbanistes de Firminy Vert avec André Sive, puis Charles Delfante, Robert Auzelle et Le Corbusier.
Fichiers associés :
- Carte du 15e arrondissement de Marseille
- Notice monographique imprimable
© Thierry Durousseau, 2004-2005
Partager la page