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La grotte Cosquer
La grotte Cosquer se trouve au cap Morgiou, dans le massif des Calanques, entre Marseille et Cassis (Bouches-du-Rhône). Découverte en 1985, elle est officiellement déclarée en 1991 par son inventeur et classée monument historique la même année.

On pénètre aujourd'hui dans la cavité par un boyau de 150 mètres de long, qui est immergé à 35 mètres de profondeur. Seules deux salles principales sont accessibles. Les premières expertises pour authentifier la découverte sont réalisées entre 1991 et 1994 sous la direction de Jean Courtin. A partir de 2001, un nouveau programme est engagé sous la responsabilité de Luc Vanrell. Il permet d'établir une topographie générale de la cavité, de reprendre et compléter le pré-inventaire des gravures et des peintures.
D'après la trentaine de datations radiocarbone sur charbons de bois, il est désormais possible de proposer deux périodes privilégiées de fréquentation de la cavité : la première se situe autour de 27000 BP et la seconde autour de 19000 BP.
Au moment où l'homme préhistorique fréquente les lieux, le niveau de la mer est plus bas d'au moins 120 mètres et la ligne de rivage se situe à environ 6 kilomètres de là.
Quant au climat et au paysage, ils sont ceux des temps glaciaires.
On recense actuellement près de cinq cents représentations peintes et gravées - on distingue un cheval au sol -, laissant ainsi de très rares espaces sans une empreinte humaine. Près de la moitié sont des figures animales sommairement dessinées. Pour la plupart, elles sont représentées dans des postures figées à la différence de ce que l'on peut voir à Lascaux ou dans la grotte Chauvet.
Elles se répartissent en onze espèces, pour la plupart tournées vers la gauche : cheval, aurochs, bison, cerf, mégacéros, bouquetin, chamois, antilope saïga, phoque, pingouin et un félin figuré de trois quarts. Les animaux les plus représentés sont le cheval (soixante trois exemplaires), le bouquetin, le chamois et l'antilope saïga (trente trois exemplaires), le bison et l'aurochs (vingt-quatre exemplaires), le cerf et le mégacéros (dix-sept exemplaires). Ici, au corpus traditionnel de l'art pariétal paléolithique s'ajoutent, pour la première et unique fois, des représentations d'animaux marins : pingouin, poisson, phoque et méduse.
Sur les parois, entièrement recouvertes de peintures et de gravures, on observe aussi plus de deux cents signes géométriques, également gravés, représentant des rectangles, des signes qui peuvent être entrecroisés, empennés, composés, à traits convergents multiples, en X, pisciformes et des points ... Nombre d'entre eux sont associés à des animaux ou à des dessins de mains. Certains peuvent correspondre à de simples repentirs ou à des traits de mise en place de la figure. Leur sens peut être multiple : par exemple, avoir la fonction de baliser un lieu particulier de la cavité ou être le simple résultat visible d'une action humaine qui demeure mystérieuse à nos yeux. Restent les représentations humaines. A l'exception d'une gravure montrant vraisemblablement un homme tué, mi-homme, mi-phoque, les autres figurations présentent des tracés digitaux réalisés parfois dans des endroits d'accès difficile, des symboles sexuels féminins et masculins, de même que des mains peintes en positif ou négatif, de couleur rouge ou noire. Ces mains droites ou gauches ont souvent des doigts amputés de phalanges (réalité ou amputations rituelles ?), hormis le pouce toujours entier. Une étude informatique de ces dessins semble révéler que, pour l'essentiel, il s'agit d'empreintes féminines. On a proposé de nombreuses hypothèses quant à leur signification, comme celle d'un langage gestuel. Anciennement, des mains ont été volontairement "effacées" par incision, grattage ou raclage, peut-être dans le but de neutraliser ou détruire leur pouvoir magique. Lorsque l'on observe la répartition de ces dessins, on constate que l'homme préhistorique a tiré parti des reliefs et accidents naturels ; il a également testé la dureté des parois en enfonçant un objet de section carrée ou en grattant le mondmilch après avoir brisé la croûte de calcite superficielle. On s'interroge sur le sens de ces prélèvements. Par comparaison ethnologique, il est possible que la matière récupérée ait été utilisée pour des peintures corporelles ou à des fins médicinales, compte tenu de la puissance magique des lieux et de la nature même du matériau riche en carbonate de calcium. De plus, l'artiste a souvent peint sur des stalactites, des stalagmites, des piliers et, parfois même, il les a intentionnellement tronqués.
De surcroît, le passage de l'homme dans la grotte est attesté par la découverte de lames de silex, d'empreintes de mains inscrites dans la paroi de calcaire tendre – dont des mains d'enfants qui, si l'on en juge par la hauteur des marques devaient être placés sur les épaules d'un adulte -, d'une boulette d'argile pétrie, de foyers au sol, de nombreux mouchages de torches, d'une plaquette de calcite jaunâtre utilisée comme une lampe, etc. Dans la cavité, on a également retrouvé des fragments de coquillages marins (pecten, tests de mollusques) qui, d'après leur aspect roulé, ont sans doute été ramassés sur le littoral.
En conclusion, la grotte Cosquer conserve encore aujourd'hui de très nombreuses zones d'ombre sur la signification que l'on peut donner à cet ensemble peint car les recherches n'en sont encore qu'à leurs débuts. Bien que partiellement conservée, cette cavité reste un lieu magique et constitue un patrimoine essentiel pour la connaissance de l'homme préhistorique et de l'art paléolithique occidental.
Xavier Delestre, conservateur régional de l'archéologie