Jusqu'au 3 décembre 2023, MuséAl, musée archéologique départemental à Alba-la-Romaine (Ardèche), accueille l’exposition « Grande Terre de vins » labellisée « L’Inrap a 20 ans ! ».

Les deux commissaires, Audrey Saison, archéologue, et Caroline Daviaud, médiatrice culturelle, reviennent sur cet événement archéologique 100 % ardéchois.
Comment est né ce projet d’exposition ?

Audrey Saison : Le point de départ est une découverte archéologique faite par l’ Inrap en 2014 sur le site de la Grande Terre à Alba-la-Romaine, dans le cadre de l’aménagement d’un lotissement. Les résultats sont si riches pour l’histoire viticole que l’on a souhaité en faire part au public par le biais d’une exposition temporaire.
La fouille a révélé un chemin creux du Ve siècle avant J.-C. qui avait été détecté lors du diagnostic. L’archéologue responsable de la fouille ( Inrap ), en a poursuivi l’étude et y a identifié plusieurs traces d’aménagements. Mais il a surtout eu l’idée de faire des analyses bioarchéologiques poussées sur des charbons de bois et des graines collectées de part et d’autre de ce chemin. La morphométrie des charbons de bois (mesures éco-anatomiques) a notamment permis d’identifier des ceps de vignes cultivées.
Les études chimiques dans les céramiques gauloises non tournées ont révélé des traces de vin rouge, de vin blanc et de jus de raisin. Cela démontre qu’il existait ici un vignoble gaulois dès le Ve siècle avant J.-C.! On sait que les Gaulois étaient friands de vin, importé de Grèce, d’Italie ou de Marseille, mais de là à trouver des témoignages de la culture de la vigne dès cette date précoce, dans des terres aussi éloignées du littoral, c’est une très belle découverte pour l’histoire du vin et particulièrement pour l’histoire du vin en Ardèche !

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Grappe de raisin en marbre découverte à Alba-la-Romaine. Collection privée. © Nicolas Franchot

L’exposition est labellisée « L’Inrap a 20 ans ! ». Quels sont les liens de cette exposition avec l’Institut ?

Caroline Daviaud : L’ Inrap fait partie du comité scientifique de l’exposition. Nous avons beaucoup travaillé avec les chercheurs de l’Institut, notamment autour de la fouille de la Grande Terre, sur le choix des objets et la sensibilisation du public à la démarche scientifique et à des spécialités comme l’anthracologie, la carpologie, la paléogénomique… Nous souhaitons montrer de manière claire et simple qu’à partir d’un pépin de raisin, d’un charbon, d’un fragment de céramique, il est possible de réécrire l’histoire de la vigne. Il y a d’ailleurs dans l’exposition un petit module « carpologie » au sein duquel les visiteurs sont invités à distinguer, à l’aide d’un microscope, un pépin de raisin d’une lentille ou d’un grain de blé. Deux pépins imprimés en 3D, grossis plus de 600 fois, permettent également de faire la différence entre un pépin de raisin cultivé et un pépin de raisin sauvage. L’ Inrap nous a beaucoup aidées sur ces aspects et, tout au long de l’exposition, un cycle de conférences accueillera des archéologues, dont le responsable des fouilles du site de la Grande Terre. Nos liens avec l’Institut sont anciens et officialisés par une convention.

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Pépin de raisin carbonisé provenant de la fouille de Grande Terre. © Manon Cabanis, Inrap

Le vin ardéchois était-il réputé dans l’Antiquité ?

Audrey Saison : Le vin produit dans la région devait être connu. Au Ier siècle, Pline l’Ancien évoque le Carbunica cépage créé à Alba-la-Romaine et diffusé dans l’ensemble de la province de Narbonnaise. C’est un élément intéressant qui atteste le dynamisme de la viticulture antique en Ardèche. À Lyon, des inscriptions indiquent aussi l’activité des nautes (bateliers) dont un certain Marcus Inthatius Vitalis, négociant en vin, qui a eu une reconnaissance particulière à Alba-la-Romaine, dont il était citoyen d’honneur. Cela témoigne de relations commerciales étroites avec Lyon, le long de l’axe rhodanien. Nous montrons également pour la première fois au public une inscription antique qui cite la présence de tonneliers dans le village voisin de Rochemaure. Ces mentions sont très rares et prouvent que le vin était transporté non seulement dans des amphores, mais également dans des tonneaux, que l’on ne trouve pas lors des fouilles car le bois est putrescible et se conserve difficilement.

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© Nicolas Franchot