12 mars - 27 juillet 2014

Citation de Gotlib tirée de « Ma vie en vrac », Paris, Flammarion, 2006

"J’aime les bandes très découpées, avec beaucoup d’expressions de visages. Les gags avec une énorme chute ne sont pas intéressants, sauf cas exceptionnel. Le gag est grillé d’avance car le lecteur feuillette le journal avant de le lire, et tombe bien sûr sur le grand dessin final, sans avoir lu ce qui précède. Je n’aime pas non plus les grosses lettres. Je préfère écrire les phrases les plus marrantes en tout petit. Au moins, l’effet de surprise est certain. Le lecteur découvre le gag au moment où il faut qu’il le découvre."

Affiche de l’exposition "Les mondes de Gotlib" © Gotlib – Dargaud 2014 Dessin : Marcel Gotlib Conception graphique : Philippe Ravon

Le Musée d’art et d’histoire du Judaïsme présente "Les mondes de Gotlib". Cette exposition, qui coïncide avec les 80 ans du dessinateur Gotlib, rassemble près de 150 planches originales publiées mais jamais exposées, ainsi que des archives photographiques, écrites et audiovisuelles. Portée par la généreuse complicité de Gotlib, elle conjugue approche chronologique et approche thématique pour retracer son parcours d'homme et d'artiste. Avec le soutien de la direction régionale des Affaires culturelles – ministère de la Culture et de la Communication, de la fondation pour la Mémoire de la Shoah, de l’Alliance israélite universelle, du fonds Harevim et de la fondation Pro Mahj. Du 12 mars au 27 juillet 2014.

 Parcours de l’exposition

  • La famille Gottlieb
  • Les débuts
  • L’aventure Pilote, L’Écho des Savanes et Fluide Glacial
  • L’art de Gotlib : le trait, l’espace, le son et la lettre
  • Pastiches et parodies
  • Le vertige de l’absurde
  • Le libertaire et les censeurs

L’enfance. Né à Paris en 1934, dans une famille d’immigrés juifs de langue hongroise Gotlib est resté ce galopin qui a grandi entre les rues Ramey et Ferdinand-Flocon dans le XVIIIe arrondissement. Enfant caché pour échapper à la persécution antisémite dans la France occupée – son père, déporté, est assassiné à Buchenwald en février 1945 –, Gotlib sera marqué par cette expérience traumatisante. Mais fort des acquis de l’école française, il trouvera sa voie dans le métier de dessinateur.

Les débuts. En 1962, Gotlib fait ses débuts dans la bande dessinée au journal Vaillant et, trois ans plus tard, il entre à "Pilote". Avec René Goscinny, son père spirituel, il créé "Les Dingodossiers" puis mènera seul sa "Rubrique-à-brac". En 1972, avec Claire Bretécher, il rejoint Nikita Mandryka pour publier "L'Écho des Savanes", et à partir de 1975, fonde son propre journal "Fluide Glacial". En 1991, il reçoit le grand prix du salon international de la bande dessinée d'Angoulême.

Du dérisoire à l'absurde. Dans ses dessins comme dans ses textes, Gotlib oscille du dérisoire à l'absurde. Son goût pour l'autoportrait, les gags, la satire, l'humour noir et les jeux de langage est le moteur d'une superbe maîtrise du récit qu’il testera également au cinéma. Ses personnages – Isaac Newton, la Coccinelle, Gai-Luron, le professeur Burp, Superdupont, Hamster Jovial, Bougret et Charolles – composent un répertoire singulier au sein du paysage de la bande dessinée française. L'artiste, non sans tendresse, place le lecteur face aux excès de l'homme, être mélancolique et fragile, souvent pris aux pièges de ses désirs et de son instinct. Dans "L'Écho des Savanes" puis à "Fluide Glacial", il explore les territoires de la sexualité et défie la religion, tandis que le personnage de Superdupont lui sert à dénoncer et moquer les aspects étriqués d'une France repliée sur elle-même.

Une place essentielle au traitement du texte et de la lettre. Sortant du répertoire plastique de la bande dessinée des années 1960 et 1970, Gotlib fait exploser le cadre conventionnel de la case tout en donnant une place essentielle au traitement du texte et de la lettre – ce qui n'est pas sans rappeler le rôle de ces derniers dans la culture juive. Son œuvre fait de lui un des accoucheurs du renouveau de la bande dessinée désormais affranchie de l’école belge et de la ligne claire. Au fil de l’exposition, on croisera ses maîtres – René Goscinny, Harvey Kurtzman, Franquin et les Marx Brothers –, ainsi que ses complices – Alexis, Fred, Reiser, Mandryka, Bretécher, Lob, Solé, Patrice Leconte et les Monty Python...