Une restauration exceptionnelle a permis à l'église de la commune de Tournehem-sur-la-Hem (Pas-de-Calais) de retrouver quatre de ses œuvres les plus importantes, des panneaux peints sur leurs deux faces datant de la fin du XVè et du début du XVIè siècle. L'opération d'un montant de 90.000 € a été prise en charge à 100% par l'Etat en raison de sa complexité.

Un patrimoine historique

Les quatre panneaux font partie d'un ensemble de huit panneaux qui représentent la Passion du Christ et quelques scènes complémentaires où figurent les saints François, Grégoire et Jean. Placés en étendard le long de la nef de la petite église de Tournehem, ces huit panneaux ont été classés au titre des monuments historiques par arrêté du 11 mai 1897. Ils ont été réalisés entre les années 1470 et 1530, comme l'attestent une datation par dendochronologie et une étude stylistique. Leur facture évoque les productions de l'Artois et de la Picardie. Ces panneaux peuvent avoir été réalisés en 1526, à l'occasion de la visite de l'abbé de Clairvaux à l'abbaye Sainte-Colombe de Blendecques d'où ils proviennent. Une autre hypothèse, s'appuyant sur la représentation de saint François, les verrait provenir d'un couvent franciscain. Si leur provenance initiale demeure incertaine, nous savons en revanche qu'ils ont été achetés en 1792 pour l'église de Tournehem lors de la vente des biens mobiliers de l'abbaye de Blendecques.

Une restauration en plusieurs étapes

Dans les années 1930, le mauvais état de conservation des panneaux est constaté, dû sans doute à la grande humidité de l'église de Tournehem. Des interventions successives ont alors été pratiquées sur les faces souffrant des plus importantes pertes de matières. Il a même été envisagé de dédoubler les panneaux par la mise en œuvre de la technique de la transposition des couches picturales. Cela aurait gravement porté atteinte à l'intégrité des œuvres et cette proposition a heureusement été abandonnée. Mais les panneaux ont continué à se dégrader et, en 1990, les quatre panneaux les plus endommagés ont été transférés à l'atelier de restauration d'Olivier Nouaille, à Paris. Des restaurations successives du support et de la couche picturale, dont l'enlèvement des repeints et une consolidation au Paraloïd B72, y ont été pratiquées. En vain car les soulèvements de la couche picturale se sont poursuivis. Trois panneaux ont alors été intégralement protégés par du papier Japon afin d'empêcher toute nouvelle perte de matière, et les cinq autres l'ont été partiellement par la pose de facings.

 En 2003 les panneaux ont été déposés au Centre de recherche et de restauration des musées de France (C2RMF) à Versailles. Plusieurs analyses, notamment radiographiques, y ont été menées sous la conduite d'une commission de spécialistes de la conservation-restauration. Il a été décidé de refixer la couche picturale, opération très longue et très complexe confiée à une équipe de restaurateurs (Jaunard, Malpel et Houdelinckx). Les nombreuses pertes de matière ont rendu la méthodologie de restauration particulièrement difficile à définir : fallait-il réintégrer tous les manques pour redonner leur lisibilité aux œuvres ou laisser le témoignage des aléas et du temps qui passe ? Il a finalement été opté pour une réintégration illusionniste des lacunes afin de rendre tout leur sens aux différentes scènes ; cette étape de restauration a été confiée aux restauratrices Aurélia Chevalier et Aurélie Nicolaus.

Bilan et perspectives

Les quatre panneaux qui avaient été laissés en place dans l'église feront l'objet d'une étude prochaine qui statuera sur la nécessité ou non d'une restauration. Les autres objets mobiliers de l'église feront également l'objet d'un chantier de restauration. Enfin, une étude sanitaire sera menée sur l'église, elle-même inscrite au titre des monuments historiques par arrêté du 28 août 1974, en vue d'étudier les problèmes d'humidité de l'édifice et de mettre en œuvre les travaux nécessaires.

Cette restauration a été réalisé grâce à une collaboration entre la commune de Tournehem-sur-la-Hem, la Direction Régionale des Affaires Culturelles, le Centre de recherche et de restauration des musées de France et les restaurateurs.