Je suis très heureuse d’être ici, pour ce Printemps de Bourges, qui sonne un peu le « printemps des festivals » : c’est l’un des premiers grands rendez-vous de votre filière ; l’un des premiers grands événements de la saison.

Ce festival est né dans cet esprit d’avant-garde.  Et il a su le garder :

Il a su, d’année en année, rester pionnier dans sa programmation : la fine fleur de la nouvelle scène est là[1] , cette année encore, aux côtés des grands noms[2] ;

Pionnier dans son engagement territorial, aussi.

Pionnier dans ses combats : je pense notamment à l’égalité femmes – hommes, dans laquelle ce festival est aux avant-postes.

Je veux saluer les équipes, les partenaires, et remercier Boris Vedel[3] pour ces engagements.

Je veux saluer cet esprit pionnier que l’on trouve ici, à Bourges, mais qui est plus largement la sève de votre filière.

Le paysage musical français doit sa force à ses artistes.

Mais il ne serait rien, sans vous – producteurs, éditeurs, agents et managers, organisations professionnelles, organismes de gestion collective, associations – vous qui prenez des risques et vous engagez pour les accompagner.

La musique est le pain quotidien de millions de Français. J’en fais partie.

C’est un morceau de notre identité. J’en veux pour preuve les vagues soulevées par les disparitions de Johnny, France Gall, Jacques Higelin, lui qui avait une place particulière ici…Permettez-moi de leur rendre hommage.

Le ministère doit apporter un soutien à la hauteur de ce que la musique représente dans notre pays ; de ce qu’elle représente dans la vie des Français ; dans notre économie ; dans notre rayonnement à l’étranger. Un soutien à la hauteur des risques que vous prenez, pour soutenir des talents émergents, pousser les voix françaises à l’international …

Un soutien à la hauteur des grands défis qui sont les vôtres : la compétition internationale, la transformation numérique. Je considère que mon ministère peut et doit faire « plus » pour la musique, pour vous aider à relever ces nouveaux défis.

Je considère que le compte n’y est pas. 

Nous allons porter une nouvelle politique musicale : une politique offensive, qui renforce l’accompagnement de votre filière dès la racine – dès la formation des talents – jusqu’au rayonnement international.

Cette politique, nous ne la réussirons pas sans vous.

J’avance depuis mon arrivée dans un souci permanent de concertation. N’en déplaise à certains.

Pour structurer le dialogue avec une large partie de votre filière, je suis convaincue de la pertinence de créer une instance qui fédère le spectacle vivant – représentée aujourd’hui par le CNV – et la musique enregistrée.

Beaucoup de vos défis sont communs. C’est le sens de la mission confiée à Roch-Olivier MAISTRE l’an dernier. Je m’étais exprimée dès la réception de son rapport, fin novembre, pour dire combien je souscrivais aux recommandations faites.

Je vous confirme aujourd’hui que le rapport sera suivi : nous allons créer un Centre National de la Musique.

La phase de préfiguration opérationnelle s’ouvrira dans les prochains jours, pour une ouverture souhaitée début 2019.

Pour préparer la création de ce nouvel établissement public, qui viendra donc remplacer le CNV, j’ai décidé de confier une mission à deux députés :

Emilie Cariou, députée de la Meuse, vice-présidente de la commission des finances, qui connaît parfaitement votre secteur, et qui est notamment une spécialiste des questions fiscales et des questions numériques ;

A ses côtés : Pascal Bois, député de l’Oise et membre de la commission des affaires culturelles et de l'éducation, particulièrement investi sur cette question.

Ces deux députés seront placés auprès de moi, pour :

  • Préparer l’avant-projet de texte créant le nouvel établissement public ;
  • Clarifier son organisation et sa gouvernance ;
  • Et clarifier les besoins de la filière et ses financements.

Ils ne partent pas d’une feuille blanche. J’ai déjà défini un cadre global, que la préfiguration doit permettre de préciser et concrétiser :

S’agissant des missions du Centre : il regroupera quatre missions de service public, aujourd’hui dispersées entre diverses organisations ou ne faisant l’objet d’aucun portage – à savoir : l’observation des activités de la filière ; le soutien économique à la filière ; le développement international ; et l’information et la formation des professionnels. Le Centre gérera les subventions comme les crédits d’impôt.

S’agissant du périmètre d’action, ensuite : les missions du CNM ont vocation à embrasser toute la filière – de la musique enregistrée à la musique « live ».

Ça ne veut pas dire que la politique musicale du ministère se résumera au CNM, loin de là. Tout cela s’articule en bonne intelligence avec la DGCA et la DGMIC.

Deux précisions néanmoins :

Premièrement : le « secteur subventionné » - je pense aux opéras, aux orchestres, aux compagnies lyriques, aux ensembles musicaux, aux festivals ou encore aux Scènes des musiques actuelles, continueront de faire l’objet d’un soutien direct du ministère, sans l’intermédiaire du Centre ;

Et second point de clarification : l’intégration du Bureau Export de la musique française dans le CNM n’est pas d’actualité.

Nous avons entendu les interrogations d’une partie de la filière. En revanche, la subvention de l’Etat au Burex transitera par le CNM – tout comme la subvention à Unifrance transite par le CNC, dans le secteur du cinéma.

S’agissant du financement :

Je le dis d’emblée : la création d’un Centre national de la musique n’a de sens que s’il peut bénéficier de ressources supplémentaires par rapport au CNV actuel ;

Toutes les pistes de financement doivent être explorées, qu’elles soient de nature fiscale, budgétaire ou encore partenariale. Roch-Olivier MAISTRE en avait proposé : elles méritent une analyse approfondie, que les deux députés vont réaliser d’ici la prochaine loi de finances.

Ce Centre a besoin de moyens substantiels inscrits dans la durée.

S’agissant de la gouvernance, enfin : je souhaite que l’Etat y ait une place centrale. La mission parlementaire devra déterminer la place donnée aux organisations professionnelles et aux parties prenantes.

Ce travail de préfiguration débutera dans les prochains jours et devrait aboutir en septembre.

Il se fera dans le même esprit que celui qui a guidé le rapport MAISTRE : en concertation étroite avec vous.

C’est un chantier d’ampleur.

Les discussions sur la création de cette « maison commune » étaient en suspens depuis des années. Un an après le début du quinquennat, nous sommes en train de mener à bien le projet. Le Centre national de la musique va enfin voir le jour. C’est un grand pas pour votre filière.

Il aura un rôle précieux dans l’accompagnement de la politique musicale que je suis en train de développer.

Elle repose sur trois piliers :

  • L’éducation ;
  • Le soutien à l’économie de la filière ;
  • La diffusion territoriale.

L’éducation musicale est la mère des batailles. Parce qu’elle fait naître des vocations. Parce qu’elle nourrit l’éclectisme des goûts, des pratiques, et donc la diversité de votre filière à terme. Parce qu’elle nourrit la confiance des jeunes qui y ont accès. C’est un investissement d’avenir.

L’éducation musicale reste pourtant le privilège d’une minorité. Je veux en faire une chance pour tous, dès le plus jeune âge. D’autres pays l’ont fait : Je pense à la Finlande, où les élèves apprennent à lire la musique en même temps qu’ils apprennent à lire l’alphabet. Je pense à la Grande-Bretagne, où la pratique orchestrale et la chorale sont désormais des cours obligatoires. En France, on parle d’éducation artistique et culturelle depuis des années.

Mais c’est la pratique qui fait la différence : j’en fais ma priorité. Je souhaite que tous les enfants aient deux heures de pratique artistique par semaine, dès l’école primaire.

J’en ai fait la proposition à mon collègue de l’Education nationale, je vais me battre pour en faire une réalité. Et au sein de la pratique artistique, c’est d’abord la pratique musicale que nous allons développer.

Nous avons bâti un plan « Chorale », qui se déploiera à la rentrée, avec notamment une option « chorale » au collège, et qui doit aboutir à une chorale par établissement d’ici 2019.

Nous allons aussi développer la pratique orchestrale : je réunirai à la fin du mois de mai les grandes associations qui en font, pour annoncer une stratégie de déploiement territorial.

Je souhaite par ailleurs que le Pass Culture de 500€ pour les jeunes de 18 ans puisse intégrer des offres d’enseignement artistique – notamment des cours de musique. Nous sommes en train d’y travailler avec les partenaires concernés.

Le deuxième pilier de notre politique musicale, c’est le soutien à l’économie de la filière. Il passe par les aides à la création. Il passe par le soutien à l’export, que je veux conforter. J’ai doublé la subvention de mon ministère au Burex cette année. Je vous annonce que je souhaite prolonger cette dynamique dès 2019, si le secteur et les différentes organisations augmentent eux aussi leur effort : la musique française est en pleine effervescence à l’étranger, nous devons la pousser. Et cette mobilisation doit être partagée.

Le soutien à votre filière passe aussi par les crédits d’impôt. Ils jouent un rôle majeur. Il va falloir les défendre : le Parlement évalue tous les crédits d’impôt culturels cette année.

Je vais me battre pour préserver ceux du secteur phonographique et du spectacle vivant, et réclamer leur pérennisation. Comptez sur moi. Mais le combat n’est pas gagné. J’en appelle aussi à votre mobilisation. Nous allons produire des études et des évaluations pour prouver la nécessité des crédits d’impôt, vous serez appelés à y contribuer.

Enfin, le soutien à l’économie de la filière passe par une lutte implacable contre le piratage. Nous devons renforcer notre arsenal contre les sites de streaming illégal, en particulier. J’ai fait des annonces il y a quelques jours. Je suis favorable, entre autres, à la publication d’une liste noire des sites pirates. Le piratage tue nos industries culturelles : nous allons le combattre sur tous les fronts, par tous les moyens.

Troisième pilier de notre politique musicale : la diffusion territoriale. J’ai fait du combat contre les inégalités géographiques l’un des axes de mon combat contre la ségrégation culturelle. Le rééquilibrage Paris-province dans le budget du ministère en est une clé : je l’ai amorcé. J’ai aussi voulu en donner l’illustration, à titre symbolique, avec la Fête de la musique cette année :

Traditionnellement, le ministère organisait un grand concert dans les jardins du Palais Royal à Paris le 21 juin. Nous allons redéployer ce budget vers les régions, et organiser des concerts dans six villes de province. Je voudrais par ailleurs profiter d’être ici pour avoir un mot sur les festivals.

Nous allons conforter et améliorer le soutien apporté par le ministère. Les festivals jouent un rôle évident pour nos territoires : Bourges en est l’exemple même. Et ils sont plébiscités par les Français. J’ai nommé Serge KANCEL « Référent permanent pour les festivals » au ministère, pour accompagner la restructuration de notre politique dans ce domaine. Il est chargé d’une mission de veille permanente sur la santé économique des festivals.

Dans le courant du mois de juin, nous allons mettre en ligne un panorama exhaustif des manifestations prévues en France. Nous avançons par ailleurs avec les collectivités territoriales dans la définition des critères du soutien public aux festivals, qui donnera lieu à une circulaire d’ici l’été. Nous en avons identifié sept :

  • La qualité de la programmation ;
  • La contribution à la diversité culturelle en France ;
  • L’effort d’ouverture à de nouveaux publics ;
  • La dynamique apportée au territoire ;
  • La mise en valeur du site ou du monument choisi ;
  • L’impact sur l’économie du secteur ;

Et l’exemplarité dans des problématiques transversales comme l’accessibilité handicap, l’égalité femmes / hommes ou le développement durable.

Enfin, pour les festivals et plus largement pour le spectacle vivant musical, c’est la question de la concentration du secteur qui nous mobilise.

Elle met directement en risque la diversité culturelle, et elle entraîne un dérapage des prix qui nourrit les inégalités d’accès à la culture entre les Français. Cet enjeu traverse tous les secteurs de la sphère culturelle.

Je vais donc demander le lancement d’une « mission d’expert » au niveau interministériel, qui doit constituer le premier diagnostic documenté sur ces phénomènes, et nous permettre d’identifier la bonne réponse à apporter par l’Etat.

Il ne s’agit pas d’intervenir dans des logiques commerciales, mais de prévenir les risques de monopole, d’assurer la régulation du secteur – vous savez que je porte le fer au niveau européen sur cet enjeu –, et de garantir la juste répartition de la valeur sur toute la chaîne, des artistes aux tourneurs.

Voilà, mesdames et messieurs, en quelques mots, les grandes priorités que je porte pour la filière musicale.

Elle a connu ces vingt dernières années des bouleversements sans précédents. Vous avez su vous organiser, repenser vos modèles, réinventer ce qui devait l’être.

Vous avez su faire émerger des talents ; soutenir de nouveaux noms, de nouveaux visages ; hisser les artistes français en tête d’affiche à l’international. L’Etat vous a accompagné, dans cette période charnière.

Il a été au rendez-vous. Aujourd’hui, il ne s’agit plus seulement de réussir la transition. Il s’agit d’être en première ligne, dans la nouvelle ère. La France a pris le bon départ. Grâce aux talents qu’elle abrite. Grâce à votre engagement. Le ministère de la Culture doit faire sa part. Pleinement sa part.

Pour que la France devienne le pays où chaque enfant sait lire une portée, pratiquer un instrument, chanter à l’unisson. Où chaque artiste trouve les moyens de sa liberté de création. Où tous les citoyens sont égaux devant la chance d’un Printemps comme celui-ci.

Je vous remercie.

[1] Eddy de Pretto, Big Flo & Oli, Juliette Armanet, L’Impératrice…

[2] Véronique Sanson, Arthur H, Eliott Murphy…

[3] Directeur du Printemps de Bourges