Monsieur le président, cher Vincent Montagne,
Madame la présidente, chère Marie Sellier,
Monsieur le vice-président, cher Hervé Rony,
Mesdames et messieurs,
Chers amis,
Je suis très heureuse, très émue d’être avec vous - de retour parmi vous devrais-je dire. Je dois dire que depuis une quinzaine de jours, je traverse une sorte de mise à l’épreuve identitaire, puisque j’ai retrouvé un à un tous les interlocuteurs que je connaissais bien de mon « ancienne vie ». J’étais il y a une quinzaine de jours devant les bibliothécaires, pour le congrès annuel de l'Association des bibliothécaires de France. J’étais lundi devant les libraires, pour les Rencontres nationales de la librairie à La Rochelle. J’ai accompagné mardi la signature de la charte « Prix du livre ». Je suis avec vous – auteur, éditeurs – aujourd’hui, en ce lieu bien particulier : l’hôtel de Massa, qui relève de mon ministère, et auquel je vous sais – chère Marie, avec vos amis de la Société des gens de lettres de France – légitimement attachée. C’était donc une séquence complète autour du livre et ce rendez-vous vient la conclure superbement.
Superbement, parce que je sens dans cette salle beaucoup d’ambition, beaucoup de passion, beaucoup de volonté. Les discours que nous venons d’entendre suffisent à le rappeler. Je sens aussi - et c’est ce dont je veux vous parler aujourd’hui - un grand esprit de responsabilité. C’est fondamental, parce que le livre et la culture vivent de passion, de talent, de paris fous, d’engagements parfois déraisonnables et démesurés. Mais ils vivent aussi d’exigence, de vigilance, de prévenance. Ils vivent de notre esprit de responsabilité à tous. C’est ce dont je veux vous parler aujourd’hui.
Je veux saluer d’abord le vôtre, celui que vous exercez, chacune et chacun, dans votre métier, en tant qu’éditeurs. Je connais évidemment la foi qui vous anime.
Je sais d’ailleurs que je ne devrais pas vraiment parler de métier : c’est un mode de vie, parce que c’est un engagement du cœur, du corps, de l’esprit.
Un mode de vie guidé par cette flamme bien particulière pour les lettres et pour le livre, mais un mode de vie guidé aussi par cet esprit de responsabilité que j’évoquais.
C’est un esprit de responsabilité vis-à-vis des auteurs, avec un souci d’accompagnement complet, jusqu'aux mains du lecteur.
J’avais l’habitude de me définir comme une « ourleuse ».
Mais cet esprit de responsabilité vis-à-vis s’exerce plus largement envers toute une filière. L’industrie du livre a en effet cette grande spécificité d’être régulée par ses propres acteurs, avec le mécanisme du Prix unique. Il donne la plus grande responsabilité à l’éditeur, vis-à-vis des autres acteurs, puisque c’est lui qui a la maîtrise du prix. Ce système est extrêmement original dans l’environnement économique qui est le nôtre, incroyablement moderne et très efficace. Il a prouvé depuis 35 ans qu’il protégeait la filière dans son ensemble. Il protège la diversité culturelle, en garantissant la rémunération des auteurs et en leur permettant de vivre de leur production. Il permet à la France de bénéficier d’un réseau de librairies indépendantes unique au monde.
C’est un esprit de responsabilité, enfin, vis-à-vis de notre modèle culturel tout entier, parce que vous prenez des risques pour promouvoir la diversité de la création. En tant qu’entrepreneurs, vous engagez votre personne pour défendre les jeunes auteurs ou à l’inverse faire renaître des œuvres oubliées. Vous vous mobilisez pour la langue - Vincent Montagne en disait un mot à l’instant - et la langue a un rôle majeur à jouer pour ce pays. D’abord, à travers la francophonie : j’ai beaucoup d’ambition en la matière. C’est une fabrique de liens, sur laquelle la France s’est insuffisamment appuyée ; je m’y emploierai. La langue a aussi un rôle majeur à jouer à travers la traduction : il faut la développer encore et encore. Ce n’est pas une cause littéraire, c’est un enjeu politique, diplomatique, civilisationnel : on ne peut pas s’entendre avec un pays, au sens propre, si l’on ne comprend pas ce qu’il écrit. La traduction est une ressource fondamentale dans la construction de nos relations avec le pourtour méditerranéen. Votre œuvre pour la Culture dépasse donc très largement votre métier d’éditeurs.
Cet hommage s’adresse évidemment aussi aux auteurs, dont les représentants sont présents avec nous. Ils sont à la racine du livre. Ils sont donc l’une des racines irremplaçables de la Culture : de sa création, à sa diffusion, à sa transmission. Eux aussi sont portés par un esprit de responsabilité. On n’écrit pas pour soi, on écrit pour l’Autre. Prendre la plume, c’est s’engager, que ce soit pour offrir une lecture de la vie, du monde, pour éclairer, pour remémorer, pour relier, pour dénoncer, pour apaiser.
Aujourd’hui, cet esprit de responsabilité qui vous relie se cristallise dans un texte : le nouvel accord que vous signez.
C’est un accord exemplaire, que je veux saluer à double titre : tout d’abord, dans la méthode. Vous vous inscrivez dans la droite lignée de la philosophie que défend le Président de la République, et que je porte avec lui. Vous démontrez les vertus de la concertation, de l’autorégulation. Vous offrez un vrai modèle de dialogue professionnel, par votre volontarisme. Vous êtes engagés dans ce processus de concertation depuis plusieurs années désormais et vous vous y tenez, avec les auteurs ici, mais plus généralement l’ensemble de la filière. Nous en avons eu un exemple fort mardi, avec la charte « Prix du livre », signée dans les bureaux du ministère. Vous offrez un modèle de dialogue professionnelle, par votre efficacité. Les échanges entre le SNE et le CPE ont permis d’aboutir à la réforme fondamentale du contrat d’édition en 2014, réforme qui permet d’avoir des relations contractuelles équilibrées, dans un cadre juridique sécurisé. A nouveau, aujourd’hui, les règles retenues dans l’accord signé ont été élaborées par vous, directement, avec la médiation du ministère. Je veux saluer le rôle particulier qu'ont pu jouer aussi les qualités de dialogue de Marie Sellier et de Vincent Montagne dans l'aboutissement de ce chantier.
L’accord est exemplaire sur le fond, ensuite. Vous montrez collectivement un grand esprit de responsabilité, ici, par votre volonté de faire progresser la transparence et l’exemplarité des pratiques entre vous. C’est fondamental. L’exemplarité est le socle même de votre relation contractuelle. C’est le socle de la confiance. C’est donc le socle du bon fonctionnement de toute la chaîne du livre. Elle est au cœur des deux dispositions sur lesquelles vous avez convergé : les provisions sur retour et les compensations intertitre. Ces pratiques étaient souvent une source de grande confusion pour les auteurs qui les ressentaient comme injustifiées, sinon injustes : il était nécessaire de les clarifier. Cet accord est une bonne nouvelle pour vous, pour nous, pour les lecteurs.
Voilà donc ce que je tenais très fortement à saluer aujourd’hui : l'esprit de responsabilité dont vous faites preuve, à la fois chacun dans vos métiers, et ensemble, pour avancer.
Je veux aussi vous dire un mot de celui qui me guide, pour ma part.
Il est triple : c’est un esprit de responsabilité vis-à-vis de vous tous, d'abord. Vous jouez pleinement le jeu du dialogue, de la confiance : vous en donnez encore la preuve aujourd’hui. Nous vous accompagnons par la médiation, dans ce processus, mais nous avons la responsabilité de prendre le relai pour entériner l’accord trouvé, quand il est consensuel et équilibré. C’est le cas aujourd’hui. Je veillerai donc à mobiliser le plus rapidement possible un instrument législatif, afin de donner une assise légale aux principes que vous avez dégagés et d’étendre dans un second temps leurs modalités d’application à l’ensemble du secteur.
L’esprit de responsabilité, pour moi, c’est plus largement la défense du modèle culturel français.
J’ai notamment un rôle de vigie à jouer sur la protection et sur la promotion de la diversité culturelle. Je veux insister sur ce point, car ce sera pour moi une boussole. C’est la raison de mon engagement en faveur de la loi Lang, comme pilier de notre politique culturelle. C’est aussi la raison pour laquelle je serai attentive à ce que les spécificités des auteurs restent prises en compte dans le chantier de modernisation de notre système de protection sociale. Enfin, c’est la raison de mon engagement pour la défense du droit d'auteur, notamment à l’échelle européenne. Vous pouvez compter sur mon extrême vigilance et sur mon intransigeance sur le sujet. J’ajoute que je me ferai aussi la promotrice du principe d’interopérabilité des livres numériques dans l’espace de l’Union. Je sensibiliserai mes homologues à cette question et je la défendrai résolument au niveau européen. Nous avons un rendez-vous important à l’automne : la Foire du livre de Francfort, dont la France est invitée d’honneur. J’ai vraiment l’ambition d’en faire un grand moment de convergence culturelle et politique, en particulier sur les enjeux numériques. Il faut réaffirmer l’Europe comme un espace de circulation des idées, des savoirs, des cultures.
C’est un esprit de responsabilité, enfin, dans la défense d’un certain modèle de société - et je conclurai par là.
Je suis attentive aux problématiques de la filière du livre dans son ensemble – éditeurs, auteurs, libraires, et aussi bibliothèques – parce que je veux agir pour développer la Lecture. Je crois à son rôle fondamental dans la vie d’une démocratie active, d’une République forte, d’une nation unie. Je crois à son rôle fondamental dans le projet de société porté par le Président de la République.
Une société est libre si elle est éclairée.
Une société est apaisée si elle est réfléchie.
Une société est fraternelle si elle est ouverte à l'altérité.
Une société a de l’avenir si elle ose se regarder en face et se remettre en cause pour progresser.
Tout cela, le livre le permet.
Vous pouvez donc compter sur moi pour le défendre. Avec cet esprit de responsabilité qui nous anime tous : vous de façon exemplaire, moi de façon nécessaire.
Merci à tous.