Madame la Ministre,

Mesdames et Messieurs,

Two countries united forever.

Deux pays unis à jamais.

Unis comme l’étaient Maerten Soolmans et Oppjen Coppit.

Unis par Rembrandt pour l’éternité.

Aujourd’hui, la France acquiert le portrait d’Oopjen.

Aujourd’hui, les Pays-Bas acquièrent le portrait de Maerten.

Mais leur union reste indissoluble et inaliénable à la fois : ainsi l’avons-nous établi, par un accord entre nos deux gouvernements.

Un accord qui n’a aucun précédent.

Un accord qui avait tout, lorsque nous l’avons annoncé, d’un faire-part de mariage.

Ce que certains d’entre vous n’ont pas manqué de souligner.

C’est qu’on ne sépare pas ce que l’histoire de l’art n’a jamais séparé !

Les mains entre lesquelles ces deux portraits sont passés – il y en eut peu ces quatre cents dernières années – ont toujours veillé à les tenir ensemble.

Eric de Rothschild, en les proposant à la vente, n’a pas voulu déroger à ce principe, comme son ancêtre Gustave les a toujours ainsi conservés, lui qui les acquit en 1877 auprès de la veuve de Willem Van Loon, qui les tenait lui-même de Pieter Van Winter, lequel les avait achetés au marchand d’art Pruischenaar, qui se les était procurés auprès des héritiers lointains des commanditaires. 

Oopjen et Maerten partageront donc leur avenir, toujours ensemble et alternativement, entre deux prestigieuses résidences : le Louvre et le Rijksmuseum auront soin de leur destin. Je les en remercie et je leur dis ici toute ma confiance : les savoir-faire bien connus de nos conservateurs et de nos restaurateurs les préserveront de l’effet du temps et du mouvement.

Chaque visiteur, à Paris ou à Amsterdam, pourra désormais contempler ces deux œuvres, longtemps tenues au secret des collections privées.

Chaque jeune européen aura même désormais l’occasion de croiser, gratuitement, le regard d’Oopjen et celui de Maerten, au moins une fois dans sa vie.

C’est bien ce que nous souhaitions rendre possible, car c’est la vocation même des musées de nos pays respectifs.

Au Louvre, les portraits ne dépareront pas aux côtés de la fascinante Bethsabée au Bain, ni à proximité des autoportraits de Rembrandt qui figurent dans nos collections nationales.  Ils contribueront même à les faire rayonner davantage.  

La famille royale des Pays-Bas sera bientôt en visite à Paris. Je souhaite que nous puissions, à cette occasion leur présenter les deux portraits.

Dans l’histoire de ces toiles, tout fut au fond une affaire d’union.

N’a-t-on pas cru un temps que le noir dont était revêtue Oopjen signifiait la douleur et le chagrin du deuil ? N’a-t-on pas cru qu’elle souhaitait manifester ainsi, sous le pinceau du maître, l’indéfectible lien qui l’attachait par-delà la mort, à Maerten disparu avant elle ?

Cette interprétation bien romantique séduira les commentateurs. Le portrait de l’épouse n’était en effet ni signé ni daté. Il pouvait donc être postérieur à celui de l’époux, dont l’auteur et la date ne faisaient aucun doute.

C’était pourtant autre chose qu’il fallait lire dans ce costume brillant et chamarré, porté par une femme en pleine magnificence, dans ce portrait en pied et de grande envergure, si rare chez Rembrandt.

Ce noir n’était pas triste ; c’était un noir puissant. Ce n’était pas le vêtement du deuil ; c’était le vêtement de la fierté. La taille haute, la soie noire, la dentelle, les diamants : tout signifiait l’opulence et la réussite, l’indépendance, et disons-le, l’orgueil.

C’était un vêtement à la française. Et c’est à la française que l’on s’habillait, dans les Provinces unies d’alors, pour se tourner vers l’avenir et se démarquer du passé – le passé espagnol. L’union, en vérité, était déjà européenne.

Les historiens de l’art me pardonneront, je l’espère, de faire entorse à la rigueur de leur discipline : mais j’avoue y voir un signe du destin de ces œuvres, qui auront passé leur vie déjà longue à moitié en Hollande et à moitié en France.

C’est ainsi qu’elles font aujourd’hui partie du patrimoine néerlandais comme du patrimoine français. C’est ainsi que nous nous retrouvons en elles, que nous soyons Français ou Néerlandais.

C’est pourquoi la France tenait absolument à ne pas laisser partir ces œuvres, loin du regard du public, chez un collectionneur ou dans un musée lointain. C’est le sens du partenariat inédit que Jet Bussemaker et moi-même avons noué : nous avons uni nos forces pour nous assurer que les tableaux soient toujours exposés dans des collections publiques européennes. Nous en sommes heureux ; soyons-en fiers.

Sans le mécénat actif de la Banque de France, nous n’aurions pu mener à bien la plus importante acquisition au profit d’un musée français.. Qu’il me soit permis de saluer ici le soutien sans faille de son gouverneur, François Villeroy-de-Galhau et de son prédécesseur, le gouverneur émérite Christian Noyer.

Merci à toutes celles et ceux qui ont œuvré pour que cet accord soit conclu au plus vite et au mieux. Merci aux équipes de mon ministère. Merci à celles de la Réunion des musées nationaux-Grand Palais, au Louvre et à son Président, Jean-Luc Martinez, et à leurs homologues néerlandais avec lesquels je sais que l’entente a été bonne et le travail fructueux.

Rembrandt, ce « cerveau servi par un œil de noctiluque (…), cet homme des bas-fonds, de vol si haut ; cette nature de phalène qui va à ce qui brille, cette âme si sensible à certaines formes de la vie (…) ; cette nature de contrastes, de contradictions et d'équivoques, émue et peu éloquente, » comme l’écrivait Eugène Fromantin ;

Rembrandt, pour chaque européen, incarne toujours la figure du génie.

Et s’il ne fallait que quelques tableaux pour brosser l’histoire du continent,

Les portraits de Marten Soolmans et d’Oopjen Coppit, sans aucun doute seraient parmi ceux-ci.

C’est pourquoi je suis fière et heureuse aujourd’hui,

Qu’ils prennent ainsi leur place parmi nos deux musées.

Je vous remercie.