Messieurs les Ministres, Hubert Védrine et Michel Vauzelle,
Monsieur le président de la Région, Christian Estrosi,
Madame la Vice Présidente du département, Marie Pierre Callet,
Monsieur le Maire, Hervé Schiavetti,
Monsieur le directeur, Sam Stourdzé,
Mesdames et messieurs, chers amis,
Je suis très heureuse d’être avec vous pour cette 47ème édition des Rencontres d’Arles. Je souhaite d’abord féliciter le directeur, Sam Stourdzé, qui présente ici sa seconde programmation.
Je voudrais d’ailleurs souligner d’entrée le beau bilan de l’édition 2015 des Rencontres d’Arles : un succès remarqué, des expositions enthousiasmantes saluées par la critique, et un public heureux avec, je crois, 93 000 visiteurs.
Cette 47ème édition renoue avec l’énergie propre aux Rencontres voulue par ses fondateurs, en particulier Michel Tournier, disparu l’an passé, dont je veux rappeler ici le nom et l’action.
En visionnaire de la photographie, il a œuvré le premier pour que ces Rencontres voient le jour, en 1982, et il a ainsi contribué à la reconnaissance de la photographie.
Avec Jean Maurice Rouquette, Maryse Cordesse et Lucien Clergue, l’auteur des Météores a également milité dès les années soixante pour l’ouverture de l’Ecole nationale supérieure de la photographie d’Arles voulue par François Mitterrand ; conscient lui aussi du rôle de la photographie dans notre société, de sa fonction de témoignage mais aussi d’œuvre de création et de l’importance de son enseignement.
L’école sera installée en 2018 dans ses nouveaux locaux, imaginés par Marc Barani, et contribuera à faire de la ville d’Arles un pôle d’excellence pour la photographie.
Le Président de la République est particulièrement attentif à ce projet qu’il a voulu.
Si Arles se transforme chaque été en capitale mondiale de la photographie, c’est aussi que tout au long de l’année elle peut compter sur des acteurs locaux qui en font un véritable creuset artistique et culturel : l’Ecole nationale supérieure de la photographie, que je viens de nommer, mais aussi les Editions Actes Sud, la Fondation Luma qui va en 2018 connaître le développement exceptionnel que l’on sait, la Fondation Van Gogh, Harmonia Mundi...
A partir de cette année, le festival se déploie plus largement dans la région.
Sous l’intitulé « Grand Arles Express », proposé par le président Hubert Védrine, les Rencontres d’Arles ont noué des collaborations avec la Collection Lambert à Avignon, le Carré d’Art de Nîmes et la Villa Méditerranée à Marseille, une façon d’affirmer la forte valeur culturelle du territoire. Ce réseau exceptionnel permet la rencontre de l’art contemporain, de la photographie et du patrimoine. Il offre au public une palette d’une subtile variation qui répond et crée sa curiosité et qu’il faut ouvrir au plus grand nombre.
Les Rencontres sont ainsi un bel exemple de l’implantation partout en France de projets culturels majeurs et témoignent du travail main dans la main de l’Etat et des collectivités pour promouvoir, diffuser et mettre en valeur la création – ici la photographie –, être facteur de rassemblement autour de ses propositions d’artistes et aussi bien sûr de développement économique local sur un pôle d’excellence que seule la France peut créer.
Le grand enjeu qui est devant nous, c’est bien sûr celui de la transmission à la jeunesse, à toutes les jeunesses et cela commence à l’école, lieu de l’égalité des chances. Je veux donc saluer et encourager le travail remarquable mené par les équipes du festival au service du jeune public et en faveur de l’éducation artistique.
C’est la « Rentrée en Images » proposée par les Rencontres depuis 13 ans : 10 000 élèves, de la maternelle jusqu’à la terminale, issus de neuf académies, bénéficient de parcours personnalisés, mêlant visites d’expositions, projections et ateliers. C’est aussi le jeu « Pause photo prose », dédié à la lecture de l'image, pour aiguiser l’œil et l’esprit critique, construit, en concertation avec les professionnels de la photographie, de la formation et de l’animation.
Les Rencontres nous permettent à la fois de faire connaissance avec la jeune création, notamment grâce aux prix, mais aussi de retrouver des maîtres.
Permettez-moi à ce moment de mon intervention de rappeler la mémoire de l’artiste franco-marocaine Leila Alaoui, morte à l’âge de 33 ans dans l’attaque du café Capuccino à Ouagadougou, cible d’un commando djihadiste, en janvier de cette année.
Son travail avait a été exposé aux Rencontres en 2011 ; en début d’année, elle était à l’honneur à la Maison européenne de la photographie, au moment de la Première biennale de la photographie arabe, à Paris.
Ses images, son regard, nous manquent.
Je pense aux risques que courent les photographes qui illuminent le monde, à Camille Lepage, ceux qui nous montrent les carnages comme hier à Bagdad, alors que parfois nous n’en faisons rien.
Nous manquent aussi les regards et plumes acérés de Charlie Hebdo assassinés en janvier 2015 et nous découvrirons ici le bel hommage qui leur est rendu, en donnant à voir des photomontages originaux qui firent les grandes heures des couvertures de Hara Kiri.
Le ministère de la Culture et de la Communication a parfois peiné à répondre aux attentes multiples du secteur de la photographie, traité quelque peu de façon morcelée par son administration.
Depuis la mise en place, en 2010, de la Mission pour la photographie, la complexité des enjeux a été mieux cernée. Des avancées ont été faites, notamment avec la création du portail ARAGO qui a permis la mise en ligne de collections photographiques conservées en France et désormais en accès direct.
Le Centre national des arts plastiques gère un fonds d’avance remboursable dédié à la photographie documentaire et réalise des achats d’œuvres qui intègrent la collection nationale (environ 12.000 œuvres).
Il contribue aussi à la diffusion de la photographie par l’organisation d’expositions comme celle que nous pouvons voir à l’Ecole nationale supérieure de la photographie durant les Rencontres.
Mais nous devons aller plus loin et redéfinir certains des axes de travail de la Mission pour la photographie.
J’ai demandé à Sophie Léron, que certains d’entre vous connaissent bien ici à Arles, de prendre en main, à l’automne, cette nouvelle Mission pour la photographie.
Nous allons lancer la constitution d’un « Parlement des photographes », pour réunir la diversité des approches photographiques, faciliter la circulation de l’information et donner un espace de dialogue au monde de la photographie qui en a besoin.
Cette instance de débats avait été annoncée et attendue, j’ai le plaisir de vous confirmer qu’une première réunion du Parlement des photographes se tiendra cet automne, à Paris.
Par ailleurs, un Conseil national des professions des arts visuels, sera institué par décret. Ce conseil devra avancer pour donner des réponses concrètes et équilibrées à la situation des photo-reporters, favoriser des relations plus équilibrées entre les photographes et leurs commanditaires, comme cela a été fait pour le design et poursuivre la concertation pour proposer une protection sociale améliorée. Nous devons aussi reprendre le travail sur le Code de la propriété intellectuelle pour assurer aux créateurs des arts visuels une meilleure rémunération, notamment dans l’environnement numérique. C’est un sujet d’inquiétude, j’en ai bien conscience. C’est au niveau européen que nous devons aussi porter cette bataille.
Cette bataille, nous la menons activement depuis 18 mois et ce combat n’a pas été vain. Les dernières annonces de la Commission européenne et les travaux qui sont en cours montrent que nous avons su convaincre que le sujet du partage de la valeur était vital pour assurer un avenir à la création européenne confrontée au défi de la transition numérique.
Ce travail de conviction est toujours en cours et vous savez que vous pouvez compter sur la vigilance des autorités françaises et sur l’engagement total du ministère de la Culture et de la Communication pour trouver les solutions juridiques permettant que les créateurs soient rémunérés pour l’usage qui est fait de leurs œuvres sur internet.
Nous allons également lancer deux grandes commandes photographiques qui donneront une plus grande visibilité de la photo au quotidien.
Il s’agit d’abord de concrétiser un projet sur le Grand Paris. Cette première commande, dont l’appel à projet sera lancé le 12 juillet, s'inscrira dans une histoire de la photographie documentaire qui va du baron Haussmann à la commande de la DATAR, qui confia à des photographes la mission de représenter le paysage français des années 80 en leur laissant toute liberté de création.
Ce projet ambitieux se développera sur dix années. Six projets pourront ainsi être aidés chaque année jusqu’en 2026. C'est un soutien fort et immédiat à la photo.
La deuxième commande photographique, inédite, se déploiera sur tout le territoire national autour de « La jeunesse en France aujourd’hui ». Une vingtaine de photographes seront sélectionnés pour y participer après un appel à projet lancé au mois de septembre prochain.
Des résidences de plusieurs semaines permettront de photographier la jeunesse de notre pays dans sa diversité.
Je souhaite également confier à la mission pour la photographie une étude sur la conservation des fonds photographiques et sur les collections publiques. Quand j’apprends que le Maire de Châlons-sur-Saône a baissé de presque 60% en deux ans le financement municipal au Musée Nicéphore Niepce et qu’il a divisé par trois son budget d’acquisition, je m’inquiète de l’avenir de ce lieu, véritable fleuron de l’histoire de la photo. La collection unique de photographies contemporaines, reconnue au plan international doit être protégée.
Chers amis,
La France dispose pour la photo d’une place exceptionnelle dans le monde. C’est dû à son histoire, aux inventeurs, aux fondateurs, à la longue tradition de photographes français qui ont sillonné le monde, les guerres, mais aussi les magazines de mode. Les Français aiment la photographie, se pressent à Paris-Photo, aux expositions, comme en ce moment entre Petit palais avec les photographies d’ateliers d’artistes et Grand palais avec Seydou Keita. Cette passion, les Rencontres la font vivre et grandir, et font grandir leur territoire en parallèle. Elles contribuent à créer notre envie, à ouvrir la réflexion esthétique, politique et économique sur l’image et sur le monde. A nous ouvrir les yeux quand certains ferment des frontières. A dire le monde quand d’autres cherchent à rétrécir les imaginaires. A dire sa diversité et sa complexité loin des simplifications outrancières. Elles nous sont donc plus que jamais indispensables. Je vous remercie.