Madame la Ministre, chère Marylise Lebranchu,

Madame la Sénatrice, chère Sylvie Robert,

Mesdames et Messieurs,

Chers amis,

Merci, chère Sylvie Robert, pour ce travail remarquable que vous me remettez aujourd’hui. C’est un rapport d’une très grande qualité, sur un sujet qui me tient beaucoup à cœur.

Il y a quinze jours à peine, j’inaugurais l’une des médiathèques les plus récemment construites en France. C’était à Mondeville, près de Caen.

Dans cette ville d’à peine 10 000 habitants, il n’existait auparavant que deux petites bibliothèques de quartier. Elles manquaient de place, de salles de lecture confortables, d’un accès à Internet et d’un catalogue partagé. Elles n’avaient pas la possibilité d’accueillir tous ceux qui, sans doute, auraient souhaité s’y rendre. Avec l’aide de l’État, la commune a donc fait sortir de terre un nouveau bâtiment, à la fois élégant et fonctionnel, bien doté en ouvrages, avec un auditorium pour accueillir une belle programmation culturelle et un pôle social. En l’espace d’un mois, les habitants se l’étaient appropriée pour en faire un lieu vivant, où l’inhibition qui existe parfois l’égard des lieux de culture n’avait pas sa place.

Ce que j’ai vu à Mondeville, c’est une équipe engagée, à l’image des bibliothécaires de France, toute entière attachée à transmettre sa passion du livre et de la lecture. C’est d’abord à eux, à tous les bibliothécaires, que je pense aujourd’hui, à leur travail si précieux, que je veux saluer.

Ce que j’ai vu, ce sont des enfants qui se sentaient chez eux entre ces murs et avaient envie d’y rester, à l’image de tous ces jeunes de France, qui sont les premiers à fréquenter nos bibliothèques - les moins de 15 ans, il faut le rappeler, comptent en effet pour près de 40% des inscrits dans les médiathèques. C’est dire le bel avenir qu’elles ont devant elles.

Ce que j’ai vu à Mondeville, c’est tout simplement un condensé de ce que je veux mettre en œuvre pour rapprocher nos concitoyens de la culture : faire tomber les barrières de l’inhibition, effacer le sentiment d’illégitimité que ressentent ceux qui en sont les plus éloignés, embrasser la culture dans sa diversité.

Ma conviction la plus profonde est que nos 16 000 bibliothèques, qui forment un réseau exceptionnel partout en France, sont le lieu idéal pour commencer à y travailler. J’ai retrouvé cet esprit dans votre rapport, chère Sylvie Robert. Pour l’immense majorité de nos concitoyens, les bibliothèques sont tout simplement les premiers lieux de culture, gratuits et ouverts à tous, où l’on se rend régulièrement en famille, avec ses enfants, pour lire ou emprunter un CD, un DVD, a fortiori lorsqu’il n’y a ni cinéma, ni musée, ni théâtre à proximité. C’est un lieu où l’on se construit soi-même, où l’on s’ouvre au monde et à l’inattendu.

Nous construisons des bibliothèques pour qu’à tous les âges de la vie, chacun puisse avoir accès à la libre confrontation des idées ; pour que chacun découvre les expressions artistiques dans toute leur liberté, quelle qu’elles soient. La liberté de création est reine dans une bibliothèque. Il est bon de le rappeler, à l’heure où nous inscrivons cette liberté dans la loi.

La liberté de diffusion est reine ici. Pour rester un lieu de découverte elle doit être protégée de la censure ou de l’intervention du politique. Il est bon de le rappeler aussi, même en France : un maire Front national a récemment jeté au pilon le livret d’une exposition, organisée dans la médiathèque de sa ville, parce qu’il comparait la montée des eaux à celle de l’extrême-droite. L’art faisait ce qu’il savait faire de mieux : il dérangeait.

Voilà pourquoi, à l’heure du numérique, nous devons continuer à construire des bibliothèques. Car rien ne remplacera jamais ni la matérialité du lieu, ni la matérialité du livre.

Chacun devrait pouvoir trouver une bibliothèque à 20 minutes de chez lui. J’ai d’ailleurs demandé à mes services d’identifier les territoires où elles manquent aujourd’hui. Les conclusions de cette étude réalisée avec le Commissariat à l’égalité des territoires me seront remises au début de l’année 2016. Je les mettrai à disposition des collectivités territoriales.

Après des années d’effort continu, si nous voulons les aider à construire des médiathèques, si nous voulons sérieusement encourager l’accès de tous à la culture, il est plus que jamais nécessaire de préserver les moyens que l’État leur alloue pour cela, via la dotation générale de décentralisation. Je sais que Marylise Lebranchu partage cette conviction.

Pour jouer pleinement leur rôle, les bibliothèques doivent continuer à s’adapter aux évolutions des modes de vie des populations et répondre à leurs attentes.

Les missions des bibliothèques dépassent depuis bien longtemps le seul prêt de livres, pour répondre aux nouveaux usages de nos concitoyens : aujourd’hui, ils en ont un usage pédagogique – ils viennent s’y former par eux-mêmes. Ils en ont un usage social – ils viennent y faire leur recherche d’emploi ou trouver un moment de convivialité. Ils attendent une offre pluri-média – à l’image de leurs pratiques culturelles aujourd’hui, qui va du livre au cinéma, en passant par les séries, les bandes dessinées, la musique ou les jeux vidéo.

Vous proposez d’ailleurs, chère Sylvie, de mobiliser des volontaires du service civique pour proposer de nouveaux services en bibliothèque. Cette orientation ne peut que donner une nouvelle dynamique à ce que le ministère a commencé à faire. Un guide méthodologique réalisé en partenariat avec différentes associations de bibliothécaires, en particulier l’Association des bibliothécaires de France, est en cours de réalisation et devrait être largement diffusé d’ici la fin de l’année. Les bibliothèques sont le terrain idéal pour le déploiement du service civique dans le domaine culturel pour permettre aux jeunes qui s’investissent dans une mission d’apporter à nos concitoyens de nouvelles modalités d’accès à la culture.

Pour nous adapter à ces nouveaux usages, nous devons repenser non seulement les missions et les organisations des bibliothèques, mais aussi leurs horaires. Ils doivent correspondre aux rythmes de vie des Français. C’est une demande forte de nos concitoyens qui souhaitent pouvoir fréquenter les bibliothèques lorsqu’ils sont disponibles : lors de la pause méridienne, le soir, ainsi que le samedi et le dimanche.

Je n’ignore pas les défis et les enjeux, chère Sylvie, que vous exposez parfaitement dans votre rapport, qu’il s’agisse de la problématique financière ou de la sensibilité sociale de ce sujet. Mais ce service public ne pourra remplir pleinement sa mission que s’il est encore plus au service du public.

Le Président de la République en a fait une priorité. Il a donc demandé au Gouvernement de prévoir les moyens nécessaires en déposant un amendement au projet de loi de finances pour soutenir financièrement les collectivités qui porteraient des projets en la matière. C’est ainsi qu’à partir de l’année prochaine, la dotation générale de décentralisation ne financera plus seulement les constructions et rénovations de médiathèques, mais également les coûts liés à un projet d’extension des horaires d’ouverture.

Mais l’incitation financière n’est pas la seule dont nous disposons. Pour que l’extension des horaires soit possible, vous rappelez à raison, chère Sylvie, que l’aménagement des espaces doit s’y prêter et que l’organisation matérielle doit être optimale. Lorsque les locaux sont mal adaptés et mobilisent un trop grand nombre d’agents, ou que les dispositifs automatiques ne sont pas assez développés, il est difficile d’ouvrir plus largement les médiathèques. Il y a une réflexion à mener dès la conception de la médiathèque.

L’État doit donc être aux côtés des collectivités pour les aider à faire les bons choix.. Le cadre d’emploi de la dotation générale de décentralisation sera notamment précisé, afin que des taux d’aide bonifiés soient accordés par l’État aux projets qui prennent le mieux en compte la maîtrise des coûts de fonctionnement futurs.

Une bibliothèque adaptée aux besoins de nos concitoyens, c’est aussi une bibliothèque qui cherche à atteindre tous les publics, notamment ceux qui sont les plus éloignés de la culture. Vous identifiez à cet égard, chère Sylvie, le dispositif des contrats territoires lecture, qui accompagnent les initiatives les plus diverses pour promouvoir le livre, en particulier dans les territoires ruraux et les quartiers prioritaires. J’ai décidé de doubler en 2016 les moyens en les portant à 2,2M€ que nous leur consacrons, pour leur donner en particulier une nouvelle impulsion.

Pour que l’extension des horaires porte ses fruits, il faut aussi qu’elle soit connue. Vous avez donc proposé de développer les applications mobiles qui recensent les heures d’ouverture des bibliothèques à proximité, comme celle que teste la Bibliothèque publique d’information depuis 2014, et qui a été adoptée, depuis, par une vingtaine de bibliothèque d’Île-de-France. C’est une idée excellente, qui simplifie la vie des gens. Mon ministère soutiendra les collectivités qui souhaitent s’en équiper.

Parmi vos suggestions, je retiens enfin votre idée d’une « Nuit des bibliothèques » nationale, étendant à l’ensemble du territoire l’initiative de l’agglomération lilloise qui a connu cette année encore un succès éclatant. C’est une idée formidable pour mettre en valeur ces lieux si précieux. Je ne doute pas qu’elle convaincra beaucoup de collectivités. Je vais donc engager dans les semaines à venir le dialogue avec les associations de professionnels et les élus pour préciser les contours et les modalités que pourrait avoir une telle opération.

Vos propositions, chère Sylvie Robert, sont au service d’une même ambition : faire des médiathèques des piliers toujours plus forts de la vie culturelle en France. On croit souvent que, lorsqu’on traverse une période difficile, elle n’est pas la priorité des Français. Je suis convaincue du contraire. Je crois précisément que c’est dans ces moments précis que le désir de culture est toujours plus grand. Nous voulons simplement nous donner les moyens d’y répondre toujours plus.

Je vous remercie.