Madame la Présidente de la Foire, chère Danièle Sallenave,

Monsieur le Directeur, cher Guillaume Delpiroux,

Mesdames et messieurs les élus,

Mesdames et messieurs,

Chers amis,

Je suis très heureuse d’inaugurer ce soir cette 34e édition de la Foire du livre de Brive.

Venir à Brive, c’est ouvrir l’album vivant de la littérature contemporaine.

C’est avoir soudain à portée de main, des titres et des hommes, des ouvrages et des auteurs, réunis en un seul lieu. C’est pouvoir embrasser d’un seul regard le travail d’une vie ou celui de quelques mois, d’écrivains qui ont consacré leurs nuits et leurs jours, souvent dans la joie, parfois dans la douleur, à coucher sur le papier leurs pensées et leurs rêves, le fruit de leur imagination.

C’est apercevoir, ne serait-ce qu’un instant, l’exercice, si minutieux et fascinant, des éditeurs qui ont choisi des manuscrits, accompagné leurs auteurs, et bâti leurs collections, simplement mus par « le plaisir et la nécessité » selon le mot d’ordre du regretté Hubert Nyssen.

Devant tant d’ouvrages si riches et de collections si élaborées, être à Brive pourrait être intimidant. Cela ne l’est jamais. Car la règle qui prévaut ici est le plaisir. Le plaisir de cette « drogue dure » comme le disait Neil Gaiman, car lorsqu’on a goûté au livre, il est difficile de s’en passer.

Comment ne pas penser, ce soir, à deux grands hommes qui se sont éteints cette semaine et qui ont dédié leur vie au plaisir du texte ? René Girard, bien sûr, que j’aimais tant : il a renouvelé notre lecture de Proust, de Dostoïevski, de Stendhal et de biens d’autres encore. Nous avons grandi, pour beaucoup, dans la littérature, en ayant à l’esprit sa vision du désir mimétique, sa compréhension du religieux, sa lecture de la violence des relations humaines. Je veux lui rendre hommage aujourd’hui.

Je pense aussi à François Faucher, le « fils » du Père Castor. Par les ouvrages qu’il a édités pendant tant d’années, en prenant la suite de son père, il a peuplé les rêves de générations d’enfants, et leur a ouvert la porte à la littérature. Merci à lui, merci à tous les éditeurs jeunesse qui nourrissent le goût du livre et entretiennent ce désir de l’inattendu qui saisit tout lecteur dès qu’il commence à lire. Je n’avais pas autre chose en tête lorsque j’ai lancé Lire en Short.

Pourquoi lire ? C’est la question que vous posez, chère Danièle Sallenave, à l’orée de cette Foire de Brive que vous présidez cette année. Pourquoi lire ?

Lire, pour parcourir le monde et avoir envie de le changer, à l’image des habitants de la fictive Nahbès d’Hédi Kaddour, peuplée de femmes exceptionnelles et de grands lecteurs comme Raouf.

Lire, pour découvrir qu’il existe d’autres futurs possibles, désirables - comme dans les rêves d’Orient de Franz Ritter, le personnage de Boussole - ou redoutables, comme dans 2084, de Boualem Sensal.

Lire, pour approfondir notre relation à l’autre, en nous mettant quelque temps à sa place, en ressentant un instant à sa place, par la seule force de l’imagination. Avec Nathalie Azoulai, nous éprouvons les douleurs de l’âme de Bérénice, celle de 1670 et celle de 2015.

Dans La Cache, nous partageons la vie de trois générations de Boltanski, leurs fulgurances et leurs souffrances, leurs joies et leurs terreurs.

Avec Delphine de Vigan, nous entrons dans un double huis-clos, celui de l’écrivain et de ses doutes, celui d’une manipulatrice insidieuse, qui brouille les limites entre réel et fiction, en suivant une narratrice traversée par la quête de l’authenticité.

Lire, pour ne pas oublier qui nous sommes, ou qui nous avons été : c’est l’ambition que s’est donnée Svetlana Alexievitch, prix Nobel de Littérature au nom de tous les Biélorusses. C’est aussi l’aventure à laquelle Mona Ozouf a dédié son existence, en travaillant sur l’histoire de la République. Le Prix de la Langue française lui sera remis aujourd’hui pour son œuvre remarquable, j’en suis très heureuse et je la salue. On ne pouvait imaginer meilleur moment, ni meilleure récompense, dans un temps en proie aux affres des débats sur l’identité.

Lire, c’est vivre et faire vivre son intelligence, dans toutes ses dimensions, dans toute son ampleur. Lire, et c’est le plus extraordinaire, c’est l’une des expériences culturelles les plus accessibles à tous, que nous devons élargir toujours plus.

Voilà pourquoi nous construisons des bibliothèques. Partout en France, c’est l’un des cœurs battants de la vie culturelle, où l’on se rend seul ou en famille, pour lire ou partager ces lectures. J’ai donc proposé qu’on étende les horaires d’ouverture, pour qu’ils soient adaptés aux modes de vie et aux attentes de nos concitoyens. L’Etat sera aux côtés des villes qui s’y engageront.

Voila pourquoi nous soutenons les librairies indépendantes  C’est à vous, libraires, que nous devons cette manifestation exceptionnelle qu’est la Foire de Brive. A vous, à votre passion du livre, à votre désir de le partager. Le gouvernement est à vos cotés pour préserver toute la richesse et la diversité que vous abritez.

Mes chers amis, je souhaite à chacun de vous de savourer ces rencontres que nous offre la Foire de Brive. Rencontres avec les livres, rencontres avec les écrivains, rencontres avec les libraires, rencontres entre lecteurs. Que ces rencontres vous donnent toujours plus le plaisir de lire, le désir de vous évader, celui de vous émerveiller, ou de changer le monde. Que ces rencontres vous fassent goûter à « la vraie vie, la vie rêvée » comme le disait Proust, c’est-à-dire à la littérature.

Je vous remercie.