Bonjour à tous. Je voulais profiter de mon dernier jour de présence au festival cette année pour faire un point avec vous, sur cette première année de politique culturelle en matière de spectacle vivant et de création, comme sur le festival d'Avignon. Vous savez que j'ai passé beaucoup de temps ici, j'ai vu un certain nombre de spectacles, j'ai pu rencontrer de nombreux acteurs; j’ai tracé des perspectives pour l'approfondissement de ce nouveau pacte culturel que je souhaite, notamment dans le domaine du spectacle vivant et du théâtre.
C'est évidemment un grand plaisir de le faire ici à la Maison Jean Vilar et je remercie Jacques Téphany de m'en avoir donné la possibilité en présence de grandes figures du festival d'Avignon. Je vois en effet Bernard Faivre d'Arcier et Hortense Archambault. Je salue aussi Jacques Ralite et Catherine Tasca qui sont parmi nous et tous ceux qui ont marqué de leur présence et de leur action le festival et notamment Lucien et Micheline Attoun. Je viens de remettre les insignes de Chevalier de la Légion d'Honneur à Lucien Attoun pour saluer l'ensemble de sa carrière et tout ce qu'il a fait en faveur de la création contemporaine, des nouvelles écritures, des nouveaux auteurs, du jeune théâtre, à Théâtre Ouvert comme à Avignon.
Ce festival marque aussi la fin des dix années de codirection d’Hortense Archambault et Vincent Baudriller. Leur bilan est unanimement salué par l'ensemble des professionnels, des partenaires et des collectivités. Je veux leur rendre un immense hommage. Ils ont su écrire une page nouvelle du festival, à la fois pleinement inscrite dans son histoire mais aussi en apportant une nouvelle exigence, un souffle nouveau; en travaillant sur la création contemporaine et l'ouverture internationale. Nous en avons une formidable illustration cette année avec Dieudonné Niangouna, artiste associé que je salue et avec la présence forte du théâtre africain et de nombreux artistes de talent.
Ces dix années auront été marquées par une présence d'artistes internationaux de très haut niveau. En parallèle à cette place donnée à l’art, à la création, à l'ouverture internationale, et comme les deux faces de la même médaille, Hortense et Vincent ont mené un travail essentiel avec les publics, avec les publics du festival mais aussi avec la population d'Avignon, sur la construction du spectateur, du spect-acteur, dont la réalisation de la FabricA, ce nouveau lieu permanent de travail, de répétition et d'ouverture sur les quartiers populaires d'Avignon, est évidemment le symbole.
Pour ma part, Avignon aura été marquée cette année par beaucoup de belles découvertes et d'excellents spectacles mais, avant tout, par l’accent mis sur la structuration de l'emploi culturel.
Vous savez que c'est la première fois que la ministre de la Culture et le ministre du Travail, de l’emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social, sont présents ensemble et rencontrent les professionnels pendant le festival d'Avignon.
Nous avons voulu le faire avec Michel Sapin comme un acte concret; d'abord pour assurer la reconnaissance du gouvernement à l'ensemble des professionnels du spectacle pour leur apport majeur à l'emploi dans notre pays et pour la structuration des secteurs. Afin d’aborder également, en toute sérénité, les réformes et les discussions qui se profilent sur les annexes huit et dix de l’assurance chômage et le régime de l'intermittence. Michel Sapin a aussi voulu marquer l'implication du ministère du Travail dans l'accompagnement au quotidien des professionnels, artistes et techniciens du spectacle et de la création.
Il me paraissait primordial d’insister sur cette dimension sociale que j'entends donner à la politique en matière de spectacle vivant et de théâtre. Nous avons des emplois, nous avons des professionnels, nous avons évidemment des artistes qui sont aussi engagés dans des parcours professionnels, et qui doivent être accompagnés en ce sens par l'Etat et par les institutions du ministère du Travail.
De la même manière je suis allée à la Maison professionnelle du spectacle vivant qui est un lieu qui, pour sa seconde édition, a pris une pleine dimension qui permet d'associer et de mutualiser, sur un même site, des structures qui accompagnent, là encore, ceux qui travaillent dans les domaines du spectacle. Je souhaite que l’action de cette maison puisse se poursuivre.
J'ai moi-même été présente aussi bien dans le In que dans le Off et cela montre à quel point, la politique en faveur de la création, du spectacle et des artistes, se déploie sur tout un secteur, toute une diversité culturelle que j'entends évidemment préserver et protéger.
Second point, l'éducation artistique et culturelle qui est une autre de mes priorités; elle est, vous le savez, une dimension structurante de la politique du ministère de la Culture. Jamais elle n’a été aussi présente dans les débats d’Avignon et c’est tant mieux.
J'irai voir tout à l'heure un spectacle à la Maison du Théâtre pour Enfant, avenue Monclar, donc du spectacle jeune public, comme on dit. Au-delà du signe, donné localement, à un travail exemplaire à l’occasion du festival comme à l’année, je veux marquer notre attachement à ce secteur. Je souhaite que la saison 2014-2015 soit l’occasion en France d’un coup de projecteur mettant en lumière l’offre artistique à destination de l’enfance et de la jeunesse menée par nos établissements : terrain ô combien fertile, soutenu par les collectivités territoriales et l’Etat, et qu’il nous faut valoriser.
De la même manière je suis allée à la rencontre des lycéens dans les dispositifs conduits par les CEMEA au Lycée Mistral. C’était un moment formidable et l'on voit bien qu'il y a une connivence entre le travail d'accompagnement des jeunes et le travail, qui est fait par ailleurs, sur la construction du spectateur dans l'ensemble du festival. Ces lycéens, que l’on aide à bâtir leurs propres outils pour devenir de véritables acteurs de leur parcours théâtral, pour se forger une opinion, pour comprendre et enrichir ces émotions aussi, sont des publics très exigeants. J’ai vu là, de manière flagrante que c'est toujours à partir de créations, de textes, de pièces, du jeu d'acteurs d'une immense qualité qu'on peut avoir les démarches de formation et de sensibilisation du spectateur les plus intéressantes. J'en veux pour illustration, le spectacle de Jérôme Bel, dans la Cour d'Honneur, magnifique point d'orgue du festival cette année, qui était en quelque sorte une mise en abîme de cette démarche menée par le festival d'Avignon, ou par le ministère de la Culture au travers des politiques publiques, en direction du spectateur.
Pour moi il y a donc une grande cohérence entre la définition d'une politique ambitieuse, qu'on peut appeler une politique de démocratisation culturelle, bien sûr, d'ouverture des publics, d'encouragement de tous ceux qui sont dans ces démarches. Je demande à tous les établissements publics qui dépendent du ministère de la Culture comme à toutes les compagnies qui sont accompagnées par le ministère, de réfléchir de manière consubstantielle à leur acte de création, à la manière dont ils vont accompagner les spectateurs de ces créations. Je pense que cela fait partie, intrinsèquement, du cœur même de l'acte artistique, le plus exigeant, d'intégrer la dimension du spectateur dans cette réflexion. On a trop souffert, soit d'une forme de mépris, soit d'un propos démagogique, vis-à-vis de ces démarches au cours des années passées, comme s'il y avait un cloisonnement entre finalement ce qu'on pouvait faire à destination des publics et ce qu’apportait la création.
Le théâtre, plus que jamais aujourd’hui, est un théâtre politique, un théâtre dans la cité, Le festival d'Avignon en est le symbole ; c'est un théâtre politique parce que c'est un théâtre qui a à dire le monde, et à le partager avec des spectateurs en alerte, qui construisent leur parcours artistique en même temps qu'ils construisent leur réflexion citoyenne.
Je profite aussi de ce moment de bilan pour annoncer plusieurs dispositions sur lesquelles mes services travaillent depuis un an, dans deux domaines qui ne sont pas éloignés du domaine théâtral même si, là encore, il faut encourager le décloisonnement pour faire bouger les lignes.
D’abord en ce qui concerne la danse dont je considère qu’elle a été délaissée au cours des années précédentes et souvent considérée comme le parent pauvre des politiques en matière de création. Je souhaite inverser cette tendance. Des annonces seront faites à l'automne, elles concerneront des chantiers de formation comme la politique de nominations puisque, vous le savez, certaines directions d’établissements sont en renouvellement.
Dans le domaine des arts de la rue, j'avais, l'an passé, à l’occasion du festival Eclat, indiqué, à Aurillac, la nécessité de structurer certains éléments du réseau des arts de la rue. C'est donc un grand plaisir pour moi de pouvoir vous annoncer aujourd'hui la labellisation en Centres Nationaux des arts de la rue (ou CNAR) de deux lieux de création qui sont l'APSOAR à Annonay dans l'Ardèche et les Ateliers Frappaz à Villeurbanne qui rejoignent le Boulon à Vieux-Condé, également en cours de labellisation.
Là encore, vous le voyez, je travaille pour un décloisonnement des disciplines à l'intérieur de la grande famille de la création puisque la politique du Ministère est une politique qui doit favoriser la diversité de la création culturelle tout autant que l'accès et l'accessibilité à tous les publics.
C'est d'ailleurs une déclinaison pour le spectacle vivant de l'exception culturelle que la France a défendue avec ferveur à Bruxelles dans le cadre des négociations des accords de libre échange avec les Etats-Unis. L'exception culturelle c'est quoi ? C'est de permettre des financements spécifiques des mondes de la création, qu'il s'agisse de l'audiovisuel, du cinéma comme du spectacle. On sait la question pendante des subventions, qui est toujours en risque auprès de la Commission Européenne. Nous continuons, nous continuerons, à défendre cette juste exception culturelle qui doit permettre de financer les différents secteurs de la création.
Cette exception se justifie par la nécessité d'avoir un paysage le plus diversifié possible; c'est la condition pour avoir des publics qui aient le goût et des pratiques de plus en plus riches et variées en matière de théâtre comme en matière de danse, d'art de la rue et du cirque, de cinéma ou d'audiovisuel. Nous en avons non seulement la mission mais c'est une exigence, c'est un devoir et c'est aussi la pertinence même de l'ensemble de notre système de financement qui est d'assurer la plus grande diversité culturelle dans les créations et la plus grande diversité des publics. Cela nécessite des moyens de financement spécifiques.
Ces moyens, je les ai défendus et nous avons gagné sur l'exception culturelle à Bruxelles.
Ces moyens, je les défends aussi dans le cadre de mon budget. Comme vous le savez, l'année dernière, le Président de la République avait annoncé, ici même, à la Maison Jean Vilar, la sanctuarisation de l'ensemble des crédits d'intervention en région pour la création c'est-à-dire à la fois le spectacle vivant et les arts visuels. Cette sanctuarisation, qui a été actée en 2013 avec la reconstitution des crédits gelés par la réserve de précaution, se poursuivra en 2014. Les crédits de la mission création du ministère de la Culture seront préservés pour tout ce qui concerne les interventions en région. C'est une priorité forte, dans cette période de contrainte budgétaire, qui est donnée à la création, à sa richesse et à sa diversité sur l'ensemble du territoire. C'est aussi une priorité qui est donnée à la culture comme un outil de lutte contre les inégalités et notamment les inégalités territoriales.
Dans le cadre de la modernisation de l'action publique, j'ai fait établir, à cet égard, une sorte de cartographie des soutiens financiers par type d'établissement mais aussi par zone territoriale. On constate une grande disparité et des rapports qui vont parfois de 1 à 20 entre les territoires. S’il ne s'agit nullement de transformer la politique culturelle en politique d'aménagement du territoire, il faut, néanmoins, prendre en compte ces données pour lutter contre les inégalités culturelles qui sont aussi malheureusement des inégalités géographiques. Selon que vous habitez dans une zone rurale ou dans une métropole et selon que vous habitez dans une région en voie de désindustrialisation ou dans une région dynamique et attractive, vous constaterez un accompagnement de l'Etat aux structures culturelles extrêmement disparate, qui a renforcé les inégalités au lieu de les compenser dans le passé. Cette démarche de la MAP (modernisation de l'action publique) va nous permettre, en tout cas, d'identifier, de diagnostiquer et ainsi de tenter de rééquilibrer la situation de territoires plus enclavés ou excentrés.
L'exception culturelle c'est donc cette exception budgétaire en faveur de la création comme c'est aussi celle que je souhaite en faveur des écoles et de l'enseignement supérieur pour les jeunes qui se destinent aux métiers de la création. Je sais qu'il y a eu beaucoup d'inquiétude concernant les bourses et je veux rassurer : les bourses pour les étudiants qui sont dans des filières de professionnalisation vers les métiers artistiques seront pleinement versées.
De la même manière, les budgets concernant les écoles supérieures du ministère de la Culture seront renforcés l'année prochaine aussi bien en terme budgétaire qu'en terme d'emploi. Nous avons signé avec Geneviève Fioraso, la semaine dernière, ici même à Avignon, une convention cadre Culture-Universités qui va permettre de renforcer considérablement la place des artistes sur les campus, qui va permettre de renforcer aussi l'exposition, la dynamique de la création universitaire et donc des pratiques artistiques des étudiants, qui va permettre de mettre en place une cinémathèque de l'étudiant pour l'accès égal de tous aux œuvres; en définitive, faire enfin de l'université un véritable espace, un véritable temps aussi, où l'on peut étoffer sa pratique culturelle et se construire comme spectateur de demain. La mise au point de ce dispositif, qui était jusqu’à présent une impasse de la politique en faveur de l'éducation artistique et culturelle, a nécessité plus d'un an de travail. Nous sommes heureux qu'ici, avec notamment l’implication du Président de l'université d'Avignon, Emmanuel Ethis, nous ayons pu réussir à conclure cette convention cadre Culture-Université.
Ces enjeux, vous le voyez, sont importants. Nous aurons, au cours de l'année à venir, plusieurs échéances et je souhaite que, sur le terrain, l'ensemble des compagnies et des établissements culturels puisse être en première ligne sur ces questions. Les crédits d'intervention, je l'ai dit, seront préservés dans leur globalité; cela ne veut pas dire pour autant qu’au sein de chaque DRAC, il n'y ait pas une marge d'appréciation sur leur répartition. Sanctuarisation des enveloppes de crédits ne veut pas dire immobilisme dans la gestion de ces crédits. Il faut, là encore, favoriser les esthétiques innovantes, permettre d'alimenter le souffle de la création, permettre de faire émerger de nouvelles dimensions, travailler sur les espaces intermédiaires. J'ai donc demandé à l'ensemble des directeurs régionaux de l'action culturelle du ministère de la Culture de chercher et d’accompagner des zones de création émergentes, des artistes et des espaces en devenir.
Cela me permet d'enchaîner sur la politique de nomination, cette politique que certains ont tenté de transformer en polémiques, vaines et stériles. Ces attaques s'inscrivent malheureusement dans une sorte de conservatisme vis-à-vis d'un mouvement que j'ai commencé d'impulser et que je poursuivrai en faveur, là encore, d'un nouveau souffle qui doit être donné à celles de nos maisons qui vont avoir un renouvellement de leur direction. Il ne faut jamais perdre de vue que ces établissements magnifiques de la décentralisation culturelle doivent être des figures de proue pour la création et pour la création contemporaine. Ils doivent toujours rester des lieux d'alerte, des lieux de vigilance; ce sont les sentinelles de la création. On doit maintenant aussi arrêter de regarder en arrière; il faut se tourner vers l'avenir, vers le renouvellement des esthétiques, vers des artistes nouveaux, ouvrir portes et fenêtres et ainsi permettre à la création théâtrale de vivre, continuer à être fertile, créative, innovante. C’est aussi un pacte de transmission entre générations.
Ma politique de nomination, je l'ai dit, s'appuie sur ce seul principe.
Cela veut dire évidemment que les règles qui ont été fixées, -d'ailleurs, pour certaines d'entre elles avant moi, je pense à la règle des trois mandats successifs et quatre exceptionnellement qui provenait des entretiens de Valois et que je n’ai fait que préciser à la demande des professionnels- doivent s’appliquer.
Pourquoi ? Parce qu'il en va de l'intérêt général du paysage de la création dans notre pays. Ces règles garantissent un souffle esthétique et des pratiques constamment renouvelés, des lieux de création qui soient toujours à l'écoute du monde, tel qu'il bouge, dans le théâtre contemporain. Cette règle est évidemment la même pour tout le monde, je travaille en parfaite transparence et concertation avec l'ensemble des collectivités territoriales qui sont les partenaires du ministère de la Culture dans le cadre de nos financements croisés. Je dois dire que le travail a été fait d'une manière admirable pour les nominations, aussi bien à Lille (Christophe Rauck), qu'à Bordeaux (Catherine Marnas), à Aubervilliers (Marie José Malis), à Besançon (Célie Pauthe) ou à Rouen, que je cite puisque la dernière nomination est celle de David Bobee à la tête de ce nouveau CDN. A chaque fois une concertation a été menée sur le principe justement de cette procédure qui est mise en place, qui permet d'auditionner des candidats, d'établir par une commission paritaire qui inclut évidemment les collectivités territoriales comme les représentants de l'Etat, qui permet d'établir une liste restreinte de quatre personnes, ordonnancée après audition par le jury du projet précis de chacun des quatre candidats. Cela s'est extrêmement bien passé partout en France et cela continuera à bien se passer partout en France, cette règle est une règle de justice, c'est une règle d'équité pour tous les artistes qui souhaitent candidater à la tête des centres dramatiques et chorégraphiques nationaux. Ils savent désormais qu'ils seront traités de la même manière partout en France et selon des règles transparentes.
Ils savent également qu'il y avait une anomalie, un dysfonctionnement dans le paysage culturel français, pas seulement français d'ailleurs, mais nous l'avions vu, nous l'avions dit, de la sur-représentation des hommes, 90 % à la tête de nos établissements culturels, 87 % de nos CDN. Evidemment c'était le symbole, le reflet d'un blocage qui était forcément un blocage institutionnel. Aujourd'hui on constate que, d'une manière qui est toujours souple, qui n'est jamais mécanique, jamais systématique, le simple fait d'avoir des commissions qui soient elles-mêmes paritaires permet aujourd'hui qu'on ait plus de 50 % de candidatures qui soient des candidatures féminines quand auparavant nous en avions moins de 20 %. A l'intérieur de ces candidatures il y a, au bout du compte, des projets plus convaincants que d’autres et au final le choix se fait sur la qualité des projets et sur l'envie des artistes pour tel ou tel territoire.
Je suis heureuse de constater - mais c'est un constat ex-post - que, sur huit nominations à la tête d’institutions théâtrales, et si j’inclus aussi Catherine Dan à la Chartreuse, nous sommes à quatre hommes et quatre femmes. C'est le symbole que quelque chose est en train de bouger aussi dans le paysage culturel en France, au profit de projets artistiques au service d'une innovation. Tous les candidats qui ont défendu leurs projets dans ces processus peuvent en être fiers, aussi bien d'ailleurs ceux qui ont été retenus au final que ceux qui étaient sur la liste restreinte.
Donc la règle est simple, elle est connue de tous; elle doit s'appliquer, et elle s'appliquera, sur tous les territoires de la République. Je n'ai rien d'autre à dire sur les contestations en cours ici ou là, d'ailleurs limitées à un seul endroit en France. Évidemment je suis attentive aussi à la situation des salariés des centres dramatiques nationaux, j’en ai rencontré ici à Avignon. Je veille aussi à ces salariés, qui sont protégés par le statut de CDN et qui en sont fiers à juste titre, comme d'ailleurs les artistes qui tirent de ce statut une liberté et une indépendance de création. Je suis attentive à ce que ces labels soient renforcés et que le réseau puisse s'étoffer.
Là encore cela ne veut pas dire qu'il ne faut pas imaginer - et ça sera l’un des chantiers de la loi d'orientation sur la création - des espaces d'innovation, des lieux où l’on puisse sortir des catégorisations qui préexistent et qui parfois ne répondent plus aux attentes aujourd'hui de certains artistes. Je pense à ces metteurs en scène de grand talent, ou à des metteurs en scène-auteurs comme Joël Pommerat par exemple, mais il y en a beaucoup d'autres, qui ne souhaitent pas diriger une institution. La gestion d'un établissement est une contrainte qui nécessite une envie, des compétences qui ne sont pas forcément les mêmes que celles de la créativité artistique. Il faut que ces artistes aussi puissent trouver des lieux, où ils seront accompagnés, et où ils auront des espaces de travail, des temps de création qui leur soient accordés, sans avoir à prendre en charge la direction d’une organisation. Dans le cadre de la loi d'orientation, il faut que nous travaillions sur la possibilité d'avoir, dans quelques lieux en France, des pôles d'expérimentation, de taille variable, et le cas échéant à dimension européenne.
Car nous devons élargir notre dimension internationale. Je salue d’ailleurs à cette occasion le travail que mène l’ONDA Office National de diffusion Artistique. On accueille beaucoup d'artistes étrangers en France qui viennent y présenter leur production; il n'y a aucune raison qu'ils ne puissent, à un moment donné, prendre la tête d'établissements.
On constate pour l'heure qu’ils créent et diffusent leurs œuvres en France sans en ressentir le besoin. Cette question de l'ouverture à l'international, comme de notre présence à l’étranger, est au cœur de la mission et de la vision universaliste de la culture en France.
Nous aurons, au cours des prochains mois, de nouvelles nominations dans des lieux majeurs ou symboliques. Le Théâtre des Amandiers à Nanterre, la Comédie de Béthune, le théâtre Gérard Philipe de Saint-Denis, le Théâtre des Treize Vents à Montpellier en sont autant d’exemples. Pour d’autres établissements qui ne sont pas des centres dramatiques nationaux, et pour lesquels il n’y avait pas de règle, j’ai voulu qu'il y ait une procédure, simplifiée mais garantissant des principes d’équité pour les candidats déclarés, sur la base d’un projet. C’est le cas pour les prochaines échéances qui concernent le Conservatoire National Supérieur d'Art Dramatique mais aussi Théâtre Ouvert et cela me permet de saluer à nouveau Lucien Attoun et Micheline dont on ne dira jamais assez l’action réalisée.
Enfin je terminerai par là où j'ai commencé parce que, à l'intérieur de ce processus de nomination et d'évolution du réseau, j’estime que ces grands professionnels du théâtre que sont Hortense Archambault et Vincent Baudriller, qui ont su accompagner avec talent des artistes pendant dix ans, doivent continuer à défendre cette vision exigeante du théâtre public qu'ils ont magnifiquement fait prospérer en Avignon. Vincent Baudriller part diriger le théâtre Vidy à Lausanne, très bel établissement qui, pour ne pas être en France, n’en est pas moins l’un des grands partenaires du théâtre public en Europe. Je m’en réjouis pour lui.
Je souhaite vivement, et nous allons y travailler, qu’Hortense Archambault puisse trouver un territoire, un lieu, pour continuer ce travail formidable d'accompagnement des artistes et de construction des publics qu'elle a mené en Avignon. Je lui ai demandé de me faire un projet qu'elle m'a remis, ce projet est très riche, c'est un projet qui porte les principes d’un pôle de création, avec des artistes au travail, mais aussi des espaces pour les publics en tant que citoyens actifs, en tant qu'acteurs finalement de leur propre pratique culturelle. C'est donc une direction d'établissement à la hauteur de ce très beau projet qu'elle a pensé, que je souhaite pouvoir lui confier au cours des mois à venir. Dans l'attente de ce lieu, sur lequel je travaille avec différentes collectivités parce que je souhaite avoir une implication très forte de leur part, comme je le fais partout, j'ai demandé à Hortense Archambault de pouvoir me faire bénéficier de son expérience à travers une étude sur les publics dans cette démarche volontaire de leur pratique théâtrale, non seulement en France mais aussi en Europe.
Je l’ai dit, ce qui a été fait ici en direction des publics est exemplaire de ce point de vue, et doit absolument enrichir la réflexion sur la politique publique du théâtre.
Place aux artistes et place au public, c'est sur ces mots que je voudrais conclure en remerciant encore infiniment Hortense Archambault et Vincent Baudriller, à l'heure où finalement ils vont passer la main, et dans d'excellentes conditions, à Olivier Py, en lui léguant ce magnifique lieu de création, de répétitions, de travail qu'est la FabricA, qui restera toujours comme le symbole de la vivacité et de la qualité de ce qu'ils ont réalisé ici. Merci à eux deux.