Mesdames et Messieurs,
Je remercie Sophie MAKARIOU de nous accueillir aujourd’hui au musée GUIMET pour cette conférence de presse consacrée à la politique du patrimoine. Après avoir mené à bien le projet du département des arts de l’Islam au LOUVRE, vous voici, chère Sophie, face à un nouveau défi : redonner au musée GUIMET le rayonnement que méritent tant la qualité exceptionnelle de ses collections que la compétence remarquable de ses personnels. Je tiens à vous exprimer de nouveau ma confiance et le soutien total du ministère de la culture pour votre réussite et celle du musée.
Chers amis, vous avez tous, à un titre ou un autre, un lien, un attachement professionnel ou personnel à la politique du patrimoine. 2013 est une année riche en anniversaires pour le patrimoine, puisque nous célébrons à la fois le centenaire de la loi de 1913 et le trentième anniversaire des journées européennes du patrimoine. J’accueillerai demain matin les nombreux visiteurs qui viennent découvrir le Palais royal. Je ne doute pas que cette manifestation connaîtra un grand succès cette année encore.
Cette popularité, elle n'est pas imméritée, bien entendu, elle est le fruit d'un héritage qui est le nôtre, du patrimoine que nous ont légué les époques et les siècles, mais c'est aussi et surtout le fruit de politiques qui ont été menées en matière de valorisation, de conservation du patrimoine. Cela nous oblige. Il faut au ministère de la culture une politique forte en matière de patrimoine. Cette politique il faut en tracer les lignes, la doctrine si j'ose dire. C'est le but de cette conférence de presse aujourd'hui. Nous devons cette politique à nos concitoyens parce que le patrimoine c'est le bien commun de l'ensemble de la collectivité nationale.
C'est ce qui lie les Français entre eux, c'est ce qui lie les Français à leur histoire.
À leur passé, mais aussi à leur avenir et il nous appartient de définir ce que nous considérons comme digne, comme nécessaire de transmettre aux générations futures, mais aussi comme trace de notre époque, de ceux qui nous ont précédés, notamment au XXe siècle.
Nous devons aussi cette ambition culturelle en matière de patrimoine aux dizaines de millions de visiteurs étrangers qui viennent chaque année en France, qui viennent découvrir les richesses de nos musées et la splendeur de nos monuments de tous les styles. Mais aussi les visiteurs qui, venant en France pour des raisons professionnelles autres, viennent à la rencontre de cet environnement exceptionnel. La France c'est le patrimoine, mais un patrimoine qui n'est pas confit dans une contemplation nostalgique du passé, un patrimoine qui est constamment valorisé selon les techniques les plus modernes et selon les réflexions les plus fines, les plus abouties et les plus pertinentes. Nous devons donc aussi cette politique ambitieuse à l'impérieuse nécessité de continuer à faire de la France la première destination touristique au Monde et, on le sait, c'est 100% des visiteurs étrangers qui viennent pour le patrimoine français. Mais aussi et on l'oublie trop souvent les investissements, les investisseurs étrangers qui font aussi des implantations économiques en France parce qu'ils prennent en compte l'ensemble de l'environnement d'un pays.
Nos monuments doivent être entretenus et restaurés pour répondre à cette attente si forte. C’est une responsabilité collective, dont le ministère de la culture est le pivot. Nous possédons des édifices exceptionnels, nous soutenons des restaurations réalisées par l’ensemble des propriétaires du patrimoine classé ou inscrit. Je rappelle, à ce titre, que l’entretien et la restauration du patrimoine c'est aussi un secteur économique d’excellence, qui porte des emplois hautement qualifiés, non délocalisables, très valorisants et très gratifiants pour ceux qui les exercent. Et j'ai toujours le souvenir, de ce sculpteur de pierre à Rouen, qui expliquait qu'a travers ses gestes, il retrouvait évidement les techniques plusieurs fois centenaires qui avaient présidé à la réalisation de nombreux édifices mais qu'en même temps il pouvait exprimer sa créativité propre tout en s’insérant dans le respect de ces gestes et donc des artisans qui l'avaient précédé. Et ce bonheur là, il est incomparable et évidemment pour la jeunesse, pour l’emploi dans notre pays, pour les filières de formation professionnelle que nous voulons favoriser, c'est une mine irremplaçable. Et pourtant, malgré cela, malgré ces atouts formidables de notre pays, malgré ces métiers hautement qualifiés, ces filières de formation, des doutes se sont exprimés depuis plusieurs années sur la nécessité même de l’action de l’Etat en matière de patrimoine : pourquoi ne pas créer une agence qui se bornerait à financer des projets, pourquoi ne pas, tout bonnement, supprimer le ministère de la culture, comme si finalement la politique en matière de patrimoine pouvait s'autogérer, ou en tout cas continuer comme ca sans qu’il y ait besoin d’impulsion, d’inflexion, d’orientation fortes au niveau politique.
Pour ma part je pense exactement le contraire. Ce n’est pas parce que le patrimoine rassemble évidemment l’ensemble des Français qu’il ne faut pas qu’il y ait la définition politique de ce qu’est aujourd’hui une politique patrimoniale.
Une année d’expérience, de contacts avec les institutions et les professionnels, je remercie tous les directeurs et responsables d’établissement que je vois dans la salle aujourd’hui, les décisions que j’ai été amenée à prendre, m’amènent au contraire, au constat que le patrimoine exige une politique nationale très forte portée par le ministère de la culture.
La réduire à l’allocation de crédits et au contrôle des règles est une erreur, mais plus qu’une erreur, ce serait une faute par rapport à l’histoire car si nous avons hérité d’un patrimoine en France c’est parce qu’il y a eu toujours à la tête de l’Etat des volontarismes politiques très forts pour inscrire dans l’imaginaire collectif le fait que le patrimoine dépasse la simple notion de la pierre.
On a vu alors par le passé des initiatives incohérentes, les projets inachevés par défaut d’arbitrage et un déséquilibre territorial. Mon objectif est donc, depuis mon arrivée, de construire pas à pas un ministère qui puisse concevoir, décider et qui agisse.
Un ministère qui conçoit, parce que celles et ceux qui font vivre le patrimoine au quotidien dans les services déconcentrés comme dans les opérateurs, attendent qu’un cap leur soit fixé. On a souvent reproché, aux établissements publics et notamment, aux établissements publics parisiens leur trop grande autonomie : la nature a horreur du vide et il ne pouvait donc pas en être autrement si le ministère était incapable de formuler des priorités. J’ai voulu associer les opérateurs à la conception de ces priorités, j’ai confié par exemple à Alain SEBAN un rapport sur la circulation des œuvres et à Henri LOYRETTE, puis Jean-Luc MARTINEZ un rapport sur l’éducation artistique et culturelle. D’autres parmi vous serons associés sur d’autres chantiers.
Je veux saluer tous ces établissements publics. Ce sont eux qui prennent la plus grande part de l’effort budgétaire demandé au ministère de la culture dans le cadre du rétablissement des comptes publics. Et ils assument avec un grand sens des responsabilités cette mission, avec aussi beaucoup de professionnalisme, sans rien perdre de leur capacité et volonté à porter de nouveaux et de vrais projets.
Un ministère qui décide, parce que les projets les plus importants nécessitent des arbitrages du ministère pour devenir réalité. Je prends l’exemple du centre de réserves de Cergy qui était l’illustration des conséquences néfastes d’un défaut de décision. Au départ, on partait d’une nécessité objective : il fallait évidemment mettre les réserves inondables du Louvre à l’abri d’une crue de la Seine. Une collectivité territoriale, là aussi très volontariste et exemplaire en matière d’ambition culturelle, Cergy, s’est mobilisée de façon exemplaire autour de Dominique LEFEBVRE pour accueillir le projet. Mais petit à petit s’est construit alors une véritable « usine à gaz », un centre de réserves à géométrie variable auquel les institutions les plus diverses participent, avec des ambitions et des objectifs de plus en plus épars, pour finalement se retirer une à une. Et tout ceci évidemment sans aucun arbitrage sur le financement.
Ces atermoiements perpétuels, ce manque de méthode ont nuit à la crédibilité du ministère de la culture. Cette crédibilité nous est essentielle. Car nous devons toujours conquérir cette crédibilité. Et notamment auprès des instances décisionnaires en matière budgétaire. Il est donc important de viser au plus juste. Au plus près des besoins de nos concitoyens, des collectivités, au plus près de nos capacités sans réduire nos ambitions. C’est pourquoi j’ai demandé au ministère, à ses services et je remercie Vincent Berjot à la direction générale des patrimoines, au Louvre et je remercie Jean-Luc Martinez et Henri Loyrette avant lui, de remettre ce dossier à plat et de construire une solution alternative. Cette solution est maintenant trouvée, et elle sera réalisée.
Décider, c’est aussi assumer une politique de nominations. Cette politique requiert une méthode, mise en place pour la nomination de Jean-Luc MARTINEZ au Louvre, reprise pour celle de Sophie MAKARIOU ici-même et que je continuerai à appliquer et à suivre. Elle repose sur des principes simples, transparents, connus de tous : le caractère public de la vacance du poste, la sélection des candidats à partir d’un projet écrit et d’entretiens, d’abord au niveau de la direction générale des patrimoines, de mon cabinet, enfin avec moi même. Avec pour ligne constante une conviction : celle que le corps des conservateurs du patrimoine est parfaitement en mesure de fournir des personnalités tout à fait aptes à diriger nos grandes institutions patrimoniales.
Je veux saluer cette excellence française en matière de patrimoine et saluer aussi nos filières de formation remarquables avec lesquels j’ai le plaisir de dialoguer depuis un an.
Sachons que nos institutions patrimoniales sont constamment sollicitées par d’autres pays pour dispenser leur savoir-faire, le faire partager, pour former aussi.
Elles constituent pour moi une composante essentielle de la « marque France » que le gouvernement promeut à l’étranger et nous pouvons en être fiers à l’intérieur de nos propres frontières.
La force de ces institutions tient pour beaucoup à la qualité des agents du ministère de la culture qui y travaillent. Et l’expérience montre que le recours à l’externalisation n’est garant ni d’économies, ni d’une plus grande efficacité. Le plus souvent, et je dis cela sans dogmatisme aucun mais avec pragmatisme, les agents du ministère sont en situation d’assumer les missions patrimoniales dont nous avons la charge. Si l’externalisation doit continuer à être envisagée, ce n’est que dans un cadre précis. J’ai donc donné instruction pour qu’une charte de l’externalisation au ministère de la culture et de la communication soit finalisée d’ici le début de l’année 2014, pour définir les cas dans lesquels on peut y recourir.
Mais, j’ai aussi décidé après un examen rigoureux d’internaliser les emplois de surveillance du musée Picasso, qui rouvrira en 2014. Cette activité dont l’externalisation avait été initialement prévue sera donc assumée par des agents de l’établissement public. Je lie cela à mon souhait que les personnels d’accueil, de surveillance et de magasinage des musées puissent participer à la médiation envers les visiteurs. Je souhaite engager une concertation avec les organisations syndicales et accroître dès 2014 l’offre de formation à la médiation au bénéfice de ces personnels. Là encore, nos agents sont les premiers au contact des publics et ils assument de fait cette fonction d’accompagnement et de médiation.
Il nous faut aussi avancer sur les conditions d’emplois dans certains établissements. Ainsi ai-je décidé de réduire l’emploi précaire à l’Institut national de recherches archéologiques préventives (INRAP), comme je m’y étais engagée dès mon arrivée au ministère. La direction générale de l’INRAP, je salue Pierre Dubreuil et le président Jacob, a signé ce lundi 9 septembre 2013, en ma présence, un accord social unanime qui permettra de recruter en contrat à durée indéterminée, sur la période 2013-2015, 160 agents actuellement salariés en contrat à durée déterminée par l’établissement, réduisant ainsi d’un tiers la part de l’emploi précaire à l’INRAP.
Enfin, dans les mois qui viennent, des concours de recrutement de fonctionnaires seront ouverts pour recruter des architectes en chef des monuments historiques, ce qui ne s’était pas produit depuis 2003, et alors que cette spécialité, qui comptait encore 52 fonctionnaires au 1er octobre 2006, n’en comprendra plus que 36 au 31 décembre prochain et il est donc urgent de pouvoir relancer ce concours. Un concours de jardiniers sera également ouvert, cette spécialité, pourtant indispensable à l’entretien des grands domaines de l’Etat comme Versailles, Saint-Cloud, Compiègne ou Fontainebleau, ayant perdu 35 % de ses effectifs en 20 ans. Et là encore nous avons besoin de spécialistes, d’artisans qui connaissent aussi les établissements dans lesquels ils travaillent.
Un ministère qui agit, parce que les institutions du ministère de la culture doivent prouver au quotidien ce qu’elles apportent à la collectivité. Une politique du patrimoine qui ne placerait pas le public au cœur de son ambition n’aurait pas de sens. Ces publics sont très divers : ce sont les usagers de l’administration qui demandent une autorisation de l’architecte des bâtiments de France, les aménageurs qui sollicitent le service public de l’archéologie préventive, les chercheurs qui fréquentent les services d’archives publics et les visiteurs des monuments et des musées. Satisfaire tous ces publics est une tâche très difficile et pourtant elle s’impose à chacun d’entre nous, au ministère de la culture, à ses institutions et à ses agents.
Une place toute particulière doit être faite à l’initiation à la culture, à cet objectif fondamental de démocratisation culturelle qui était au cœur du projet d’André MALRAUX et qui demeure aujourd’hui plus que jamais un défi à relever. Mon ambition est, à présent, de construire un lien fort et durable entre la culture et l’éducation populaire. C’était l’objectif initial du ministère de la culture, mais vous connaissez les péripéties dans les constructions des périmètres du ministère et les échecs à unifier le ministère de la culture avec l’éducation populaire ; aujourd’hui nous devons parvenir à réunir nos forces.
Valérie FOURNEYRON et moi-même nous y sommes attelées et c’est une belle ambition. Celle évidemment de porter la question de l’éducation artistique et culturelle pas seulement dans le cadre scolaire ou périscolaire mais bien en lien avec cette grande idée de l’éducation populaire.
Dans cette perspective, le rapport sur l’éducation artistique et culturelle de Jean-Luc MARTINEZ comprend des propositions très intéressantes, visant notamment à mieux coordonner l’action des musées nationaux et des autres institutions du patrimoine en matière d’éducation artistique et culturelle. J’évoquerai plus amplement ce rapport le 16 septembre prochain, lors d’une conférence de presse consacrée à ce sujet.
Je souhaite aussi rapprocher autant que possible les œuvres des citoyens, dans la limite bien sûr de ce que permettent leur préservation et leur sécurité, car je veux toujours rappeler que les collections publiques appartiennent à tous.
Cet objectif de démocratisation culturelle part de ce prérequis : les collections publiques sont les collections de l’ensemble de la nation. Pour mettre en œuvre cet objectif j’ai demandé à Alain SEBAN de rédiger un rapport proposant des solutions pour une meilleure circulation de ces collections sur l’ensemble de notre territoire. Les propositions de ce rapport sur la levée des contraintes juridiques et techniques faisant obstacle à cette circulation seront mises en œuvre.
Mais surtout, je veux que, le ministère de la culture puisse organiser des opérations hors les murs de circulation des œuvres qui sont conservées aujourd’hui dans les fonds régionaux d’art contemporain ou les musées.
Les modalités de mise en œuvre de cette opération sont en cours d’expertise. Mais je puis d’ores et déjà vous annoncer que les entreprises sont pour moi des lieux très adaptés à une telle initiative, parce qu’elles offrent la possibilité de placer l’art au cœur de cette réalité quotidienne, celle du travail, pour des millions de Français qui sont engagés dans la vie active, qui sont dans des temps de la vie ou finalement entre la journée de travail, la vie personnelle, le temps qui est consacré ou peut être consacré aux activités culturelles se réduit. C’est pourquoi il me semblait pertinent d’aller chercher le monde du travail là où il se trouve, dans les entreprises et au cœur du salariat.
Les partenariats entre établissements nationaux peuvent aussi apporter une réponse à cette ambition. Ainsi, les collections du château de Versailles vont contribuer à faire vivre certains lieux choisis du Centre des monuments nationaux (CMN), cher Philippe Belaval, tels que la maison de George Sand à Nohant ou le palais du Tau à Reims où se tiendra en 2014 une exposition consacrée aux sacres royaux.
Enfin, je souhaite mettre en place de nouveaux partenariats pour faire profiter le monde du travail de l’offre du ministère de la culture. Une convention va être conclue en ce sens dans les prochaines semaines, avec la caisse centrale d’activités sociales du personnel des industries électriques et gazières, qui couvre 650 000 salariés en France. C’est donc un très bel accord qui va être un premier pas mais un pas de taille pour retisser un lien entre le monde du travail et celui de la culture.
Mais le ministère de la culture ne peut agir seul en matière de patrimoine, et l’enjeu de demain réside pour lui dans sa capacité à construire des partenariats efficaces avec l’ensemble des acteurs impliqués dans ce domaine. Rien ne se fera, à l’avenir, sans ces partenariats.
Ces partenaires, ce sont d’abord, bien sûr, les autres ministères et administrations de l’Etat. Le ministère de la culture a ses spécificités, mais rien ne serait plus dangereux, pour lui, que de mener la politique du splendide isolement. Lorsque le ministère sait construire un partenariat avec ses homologues, les dossiers les plus complexes peuvent avancer.
C’est le cas, en matière d’archives, avec le projet VITAM, porté par les ministères de la culture, de la défense et des affaires étrangères, et qui va permettre de collecter, de conserver et de communiquer au public les documents numériques produits par les ministères et administrations centrales de l’Etat. Cette question de l’archivage numérique est centrale et cruciale car la mémoire de notre temps passe beaucoup par les supports numériques qui sont volatiles et extrêmement fragiles. Et c’est ainsi la mémoire du temps qui est menacée de disparition faute de solutions techniques.
Ce sera l’indispensable complément numérique du centre de Pierrefitte-sur-Seine inauguré par le Président de la République le 11 février dernier. Ce projet consensuel de modernisation de l’Etat au service de notre mémoire collective sera proposé par le ministère de la culture et ses partenaires au financement du programme d’investissement d’avenir.
J’attache également une grande importance à l’implication du ministère de la culture dans les commémorations nationales qui font partie de la manière dont nous construisons notre histoire et nous nous la représentons. Ces commémorations sont le fruit d’un travail interministériel, c’est la commémoration du soixante-dixième anniversaire des débarquements et du centenaire de la Première guerre mondiale.
Le Président de la République lui-même interviendra le 4 octobre et au début du mois de novembre prochains pour définir l’esprit et annoncer le programme de ces commémorations, coordonnées par Kader ARIF, ministre délégué aux anciens combattants.
Les opérateurs du ministère se sont déjà fortement mobilisés sur ce thème, comme le montre la remarquable exposition « 1917 » réalisée en 2012 par le centre Pompidou Metz. Cette mobilisation va s’accroître, et, pour le seul domaine du patrimoine, des expositions importantes et nombreuses vont être proposées au public à partir de 2014. Elles auront pour axes l’évocation de l’histoire du conflit et de ses prémices, avec notamment les expositions « Jaurès » aux Archives nationales et « Eté 1914, les derniers jours du monde ancien » à la Bibliothèque nationale de France ; les conséquences de la guerre sur la société dans son ensemble, avec notamment l’exposition « Les désastres de la guerre » au Louvre-Lens ; enfin l’impact de la guerre sur toutes les formes de création artistique, avec notamment l’exposition « Picasso pacifiste » au musée Picasso et un projet d’exposition passionnant sur « les écrivains et la grande guerre » à la Bibliothèque nationale de France, alors que nous célébrons cette année le centenaire de « Du côté de chez Swann ».
Les services d’archives publics, archives nationales et départementales, seront également mobilisés autour de ces commémorations. Ce ne sont là que quelques exemples, tant les initiatives culturelles sont nombreuses autour de ces commémorations, et ce au-delà même du domaine du patrimoine. Je veillerai naturellement à ce que ces initiatives soient parfaitement intégrées au programme défini par le Président de la République pour l’ensemble des ministères. Et sur ces commémorations, il est important que la spécificité du ministère de la culture soit préservée non pas pour nous même mais par ce qu’il est toujours difficile de commémorer une guerre et il serait pour le moins paradoxal que l’on ne commémore que les batailles et les faits militaires. Le ministère de la culture peut et doit porter cette volonté très forte de travailler sur l’impact de la guerre sur la société et comment mieux mesurer cet impact sur la société qu’à travers les artistes qui se sont nourris et qui ont été marqués profondément voir déchirés dans leur chair par cette guerre. L’impact artistique et esthétique qu’a eu cette guerre est la traduction de l‘impact que cette guerre a eu sur l’ensemble de la société dans toutes ses dimensions sociales et sociétales. Il est donc de notre responsabilité que le ministère de la culture, ses opérateurs puissent travailler, discuter autour de cet aspect là du premier conflit.
Ces partenaires, ce sont, également, les collectivités territoriales. J’ai accordé depuis mon arrivée une grande importance à ce dialogue avec ces acteurs, qu’il s’agisse de la concertation autour du projet de loi sur les patrimoines ou de la conduite de projets communs. Cette concertation permet aujourd’hui, notamment, de régler la question des réserves inondables du Louvre, puisqu’un accord de partenariat va prochainement être conclu entre la région Nord-Pas-de-Calais, le Louvre et le ministère de la culture pour l’installation de ces réserves sur le site du Louvre à Lens. Je remercie Daniel PERCHERON pour son engagement indéfectible en faveur du patrimoine et des musées. Ce projet sera financé par la région et par les retours financiers du projet de Louvre Abou-Dabi, sur lequel je vais revenir. Une convention tripartite sera signée par le ministère de la culture, le Louvre et la région dans quelques semaines.
Le ministère de la culture approfondira parallèlement son partenariat avec Cergy, que Dominique LEFEBVRE a mobilisée autour du patrimoine, tant sur le plan de l’expertise, avec le laboratoire d’excellence PATRIMA, qui associe notamment le Louvre, Versailles, les Archives nationales et la Bibliothèque nationale de France, que sur celui de la diffusion et de la médiation. Sur ce second point, j’ai demandé au musée du Louvre de proposer à Cergy un partenariat venant compléter ceux déjà existants avec le musée du quai Branly, cher Stéphane Martin, et le centre Pompidou.
S’agissant des réserves des autres musées un temps associés au projet de Cergy, l’étude menée à ma demande par la direction générale des patrimoines sur les musées parisiens riverains de la Seine montre que les risques liés à une crue exceptionnelle peuvent être maîtrisés, même si, pour certains, le sujet de la rationalisation des réserves se pose et devra être traité.
Cette problématique des réserves concerne d’ailleurs également l’image, qu’elle soit fixe ou animée, et qui constitue une composante essentielle de notre patrimoine. Des réponses devront également être apportées avec les principaux acteurs du ministère, le centre national de la cinématographie, l’institut national de l’audiovisuel et les cinémathèques. Il en va de même pour les réserves de l’école nationale supérieure des beaux-arts et du fonds national pour l’art contemporain.
Ces partenaires, ce sont, enfin, les Etats étrangers, dans ce cadre mondialisé qui fait aujourd’hui notre quotidien et qui concerne le monde du patrimoine comme le reste de la société.
Et je voudrais ici évoquer le projet de Louvre Abou-Dabi. Deux choses m’ont frappée lors de mon déplacement en avril dernier : l’ampleur extraordinaire et la beauté du projet de Jean Nouvel ; l’engagement très fort des Emiriens pour la réussite de ce nouveau musée, comme en atteste, je l’ai constaté de mes propres yeux, la qualité des acquisitions réalisées. Je crois que le Louvre Abou-Dabi est en train de franchir une nouvelle étape, qui l’éloigne des polémiques ayant accompagné son lancement et lui confère désormais la dimension de la plus grande réalisation culturelle portée par notre pays hors de nos frontières. Mon rôle est d’aider le projet à franchir cette étape. Cela passe, notamment, par l’installation sur place de l’équipe de l’agence France-Museums, souhaitée à juste titre par les Emiriens et que Marc LADREIT DE LACHARRIERE est en train de mettre en œuvre. Un effort nouveau est également réalisé depuis cet été pour la formation sur place des Emiriens aux métiers des musées par les équipes de l’agence France-Museums. C’était l’un des aspects importants de l’accord entre les deux pays.
Enfin, les principaux musées français qui prêteront des œuvres vont s’investir plus fortement encore pour la réussite de ce projet. Ces évolutions, permettront de tenir nos engagements vis-à-vis des Emiriens et d’ouvrir le musée avant la fin de l’année 2015. Nous tenons là la matière d’une magnifique réalisation, qui sera le symbole de ce dialogue des civilisations par la culture si nécessaire, dans un contexte géopolitique tendu, à notre avenir commun. Cela permettra de faire rayonner la place et l’excellence des métiers de la culture et du patrimoine au delà de nos frontières.
Je retournerai sur place en novembre, à l’occasion de la réunion sur place, pour la première fois, des instances de gouvernance de l’agence France-Museums et de la manifestation d’art contemporain Abou-Dabi art, pour constater les progrès réalisés.
Voici, mesdames et messieurs, les principes de mon action en matière de patrimoine. Ces principes sont ambitieux, parce qu’ils reposent sur la conviction que la politique du patrimoine doit être nationale et donc portée par l’Etat, et pragmatiques, parce qu’ils conduisent à préférer l’utile au spectaculaire, le partenariat au « cavalier seul », le possible au « grand projet » chimérique. Notre devise doit être de rendre possible ce qui est utile.
Les projets qui viennent d’être évoqués ont été retenus sur le fondement de ces principes, et je voudrais à présent en évoquer d’autres, transversaux d’abord, puis spécifiques à tel ou tel secteur du patrimoine, que je vais également porter pour les mêmes raisons.
Parmi les projets transversaux, figure le projet de loi sur les patrimoines, que je conçois comme la traduction législative de la politique que je viens d’exposer. Le cœur de ce projet est une réforme très ambitieuse des espaces protégés au titre du patrimoine. On compte actuellement une dizaine de catégories d’espaces soumis chacun à des règles différentes, selon qu’il s’agit de secteurs sauvegardés, de zones de protection du patrimoine, de l’architecture et du paysage, d’aires de valorisation du patrimoine …
Je propose de fusionner la dizaine de catégories actuelles en une seule, les « cités historiques ». Cette nouvelle catégorie sera tout aussi exigeante que les catégories actuelles sur le plan de la protection, mais elle permettra de mettre fin à un amoncellement de normes qui rendent les règles applicables aux espaces patrimoniaux peu compréhensibles et lisibles pour les citoyens.
Il s’agit de simplifier pour mieux protéger. Je lie cela à une proposition de réforme des abords de monuments historiques, qui permettra de substituer progressivement à la règle des 500 mètres des aires de protection intelligentes, adaptées en fonction des spécificités de l’environnement de chaque bâtiment classé ou inscrit. Je souhaite également mieux protéger dans la loi les domaines nationaux tels que Versailles, Saint-Cloud ou Fontainebleau, dont le démembrement doit absolument être évité car ils sont le fruit de notre histoire, et intégrer dans notre droit les conséquences des protections au titre du patrimoine de l’humanité.
Mais je prévois aussi de proposer des dispositions permettant de favoriser la circulation des collections, de renouveler les conditions de la reconnaissance des institutions au titre des « musées de France », je remercie Marie-Chistine Labourdette pour son travail, de promouvoir la qualité architecturale ou encore de mieux contrôler l’exportation des biens culturels. Je souhaite, enfin, tirer les conséquences législatives du Livre blanc sur l’archéologie préventive et réduire certains délais d’accès aux archives publiques.
Il s’agit donc d’un chantier législatif de très grande ampleur, qui permettra pour la première fois à la représentation nationale d’aborder la question des patrimoines dans leur ensemble. Je compte soumettre ce projet au conseil des Ministres en décembre prochain, après les concertations interministérielles indispensables.
Je souhaite aussi profiter des moyens dégagés par l’arrêt de grands projets pour financer des réalisations correspondant à un besoin réel et à l’ambition qui est la mienne de faire en sorte qu’en en tous lieux du territoire, la rencontre entre le public et les collections soit un plaisir.
Ce plaisir va se décliner. Et je souhaite attirer votre attention sur le projet de la maison des cultures et des mémoires de la Guyane. Ce beau projet, consistant à créer un pôle de conservation et de diffusion des mémoires orales, écrites et matérielles des peuples de Guyane, avait été décidé en 2011 en partenariat avec les collectivités territoriales, mais aucun financement n’avait été prévu dans le budget de l’Etat. J’ai décidé de soutenir ce projet, qui regroupera dans un monument historique situé au cœur de Cayenne, l’ancien hôpital Jean-Martial, deux musées, les archives départementales, le service de l’inventaire régional et un pôle consacré au multilinguisme. Ce dernier aspect est essentiel, car toutes les langues de France appartiennent, elles aussi à notre patrimoine, comme le rappellent, si besoin en était, les travaux du comité consultatif sur les langues régionales et la pluralité linguistique dont les conclusions m’ont été remises en juillet dernier. La Guyane bénéficie d’un patrimoine culturel et linguistique d’exception : elle mérite cette belle réalisation. Les premiers crédits nécessaires seront mobilisés en 2014. Et je veux remercier Michel COLARDELLE, le directeur des affaires culturelles de la Guyane qui a conçu et porté ce projet avec force. Alors qu’il va bientôt prendre sa retraite, je tiens à saluer ce grand serviteur du patrimoine.
Dans le domaine des musées, je veux qu’un effort particulier soit effectué en faveur d’établissements ou d’espaces que la logique des « grands projets » a laissés sur le bord de la route.
C’est le cas du musée de Cluny. C’est un musée en plein cœur de Paris qui a reçu 365 000 visiteurs en 2012, mais dont l’accueil est désormais totalement inadapté à une telle fréquentation. J’ai donc décidé de porter le projet de construction d’un bâtiment d’accueil, qui permettra non seulement de mieux accueillir les visiteurs, mais aussi de mieux les orienter au sein du musée. Ce chantier devrait démarrer au début de l’année 2015. Dans un second temps, la question de la meilleure protection et de la mise en valeur des vestiges archéologiques devra être posée, et des études seront réalisées en ce sens.
La problématique de l’accueil concerne aussi le musée du Louvre, puisque la pyramide avait été conçue pour accueillir 4,5 millions de visiteurs par an, alors que nous frôlons aujourd’hui les 10 millions. Le confort des visiteurs comme des agents chargés de l’accueil en est fortement altéré. Des travaux seront donc engagés en 2014, afin de déplacer la réception des groupes hors de la pyramide et de prévoir des conditions d’accueil plus simples et plus fluides. Il ne s’agit pas là encore de vouloir accueillir toujours plus de visiteurs, mais de mieux, de bien les accueillir et de faire en sorte que ce premier contact avec le musée qu’est l’espace d’accueil soit positif et agréable. Car de là découlera l’ensemble de la visite et l’impression qui en sera retirée.
Le château-musée de Compiègne doit aussi faire l’objet d’une attention particulière. Il abrite le musée national de la voiture et du tourisme, une remarquable collection de véhicules anciens, allant du XVIIIe siècle aux années 1920. Cette collection exceptionnelle en Europe n’est pas conservée dans des conditions satisfaisantes et l’accès du public n’est que très partiel. Elle pourrait trouver sa place dans les anciennes écuries du château construites par Gabriel. Des contacts approfondis sont en cours avec l’Institut français du cheval et de l’équitation, actuel propriétaire des haras, pour voir comment valoriser ces collections autour de la thématique du cheval. Les collectivités territoriales ont également manifesté leur intérêt et je soutiens l’aboutissement de ce beau projet.
Je me dois aussi de veiller au bon fonctionnement des réalisations récentes en matière de musées relevant totalement ou partiellement du ministère, qu’il s’agisse du musée des civilisations de l’Europe et de la Méditerranée, du Louvre-Lens ou du centre Pompidou-Metz. S’agissant de ce centre, les premières années de fonctionnement montrent une fréquentation formidable mais l’absence de collections permanentes crée une certaine déception chez les visiteurs qui viennent dans une période sans expositions temporaires. J’ai donc demandé au centre Pompidou de me faire des propositions en vue de l’installation de collections permanentes sur ce site, que j’examinerai prochainement avec les collectivités locales assurant son fonctionnement.
Notre objectif c’est donc de faire du musée, non pas un espace de consommation culturelle mais bien le lieu public et intime d’une relation très personnelle à la beauté et à l’art.
Sortir de la logique consumériste, cela va nous permettre de travailler aussi sur l’amélioration des parcours de visite et sur l’imprégnation finalement par les visiteurs du sens qui est donné à ces visites et à la muséographie.
S’agissant du patrimoine bâti, je suis naturellement avec une grande attention les débats liés à sa protection. Les termes de ces débats passionnés sont bien connus : la volonté d’aménagement et de modernisation du tissu urbain ou de constructions existantes se heurte parfois à la conservation de tel ou tel élément architectural, qu’il soit protégé ou non au titre des monuments historiques.
Je ne suis pas tenante d’une ligne radicale qui conduirait à dire qu’il faut tout protéger, tout conserver. Cela conduirait à figer nos villes et nos espaces publics dans une forme de « muséification », alors que l’histoire de ces lieux est celle de leur transformation constante. Pour autant, je fais le constat que, dans de nombreux cas, la destruction / reconstruction est privilégiée à la réhabilitation du patrimoine existant. J’entends les impératifs économiques et techniques qui peuvent conduire à ces choix, mais je voudrais rappeler que le patrimoine, y compris le plus récent, peut être un extraordinaire atout pour l’attractivité des villes. Notre pays a aujourd’hui beaucoup plus conscience qu’il y a trente ans de l’importance du patrimoine et je souhaite que nous progressions encore collectivement dans cette voie.
Ce rapport plus mature que nous devons construire avec notre patrimoine doit notamment conduire à nous écarter de tout projet de restitution à l’identique de tout ou partie d’édifices anciens. Loin de constituer des restaurations, ces opérations falsifient l’aspect des monuments tels que l’histoire nous les a transmis. Alors que, sur certains édifices, des restaurations sont urgentes, la dépense d’argent et d’énergie pour des opérations inutiles et trompeuses apparaît pour le moins vaine.
Je tiens à ce qu’une attention particulière soit portée au patrimoine du XXe siècle. Les associations de défense du patrimoine attirent fréquemment notre attention collective sur les atteintes portées à ce patrimoine et elles ont raison. Les difficultés bien réelles liées notamment à la réutilisation ne doivent pas conduire à la disparition systématique de ce patrimoine : nous occulterions ainsi tout un pan de notre histoire, qu’elle soit architecturale, urbaine ou industrielle. Je suis très attachée, notamment, à ce que la mémoire du monde du travail soit, dans la mesure du possible, préservée dans notre environnement urbain et paysager. Il s’agit de respect vis-à-vis des gens qui ont travaillé dans ces lieux et vis-à-vis de l’histoire de ces lieux. J’ai pu observer il y a quelques jours lors d’un déplacement en Allemagne pour les journées du patrimoine allemand, des réalisations exceptionnelles de préservation du patrimoine industriel.
J’envisage, dans cette perspective, trois catégories de mesures. Premièrement, je vais demander à la direction générale des patrimoines de constituer, dès le début de l’année 2014, un groupe de travail ouvert aux architectes, aux spécialistes du patrimoine du XXe siècle, aux aménageurs, aux associations et aux élus, dont le mandat sera de proposer des solutions innovantes pour mieux préserver ce patrimoine et le réutiliser. Deuxièmement, sur le fondement des propositions de ce groupe, instruction sera donnée aux directions régionales des affaires culturelles d’intensifier leur campagne de labellisation au titre du patrimoine du XXe siècle. Troisièmement, je proposerai dans le cadre du projet de loi sur les patrimoines une disposition donnant à ce label une valeur législative et instaurant, pour les édifices labellisés, une consultation préalable du ministère de la culture avant toute destruction.
Au-delà du patrimoine du XXe siècle non protégé au titre des monuments historiques, se pose la question du sort des édifices de toute nature dont l’intérêt, souvent réel, ne justifie pas systématiquement une telle protection. Ce débat concerne en particulier les églises rurales, puisque plusieurs cas récents de destruction ont fait polémique. Je ne suis favorable ni à l’assouplissement des critères de protection au titre des monuments historiques pour cette catégorie d’édifices, ni à ce qu’un dispositif particulier de labellisation leur soit dédié. Il est, en revanche, tout à fait possible de prévoir une protection des églises et, plus généralement, du patrimoine d’intérêt local, dans le cadre des documents d’urbanisme.
Je salue également le travail mené sur ce thème par la fédération du patrimoine, à laquelle l’inspection des patrimoines du ministère de la culture va contribuer.
S’agissant de l’archéologie, je voudrais d’abord rappeler que les engagements que j’avais pris à Saint-Rémy-de-Provence au mois de juin, lors des journées de l’archéologie, quelques jours après ma prise de fonctions ont tous été tenus : le montant de la redevance d’archéologie préventive a été porté en loi de finances à 122 millions d’euros, au lieu des 105 millions d’euros qui étaient la cible initiale, il a été mis fin au remboursement intégral de certains travaux d’aménagement par le fonds national d’archéologie préventive, les engagements sociaux sont devenus réalité.
Le livre blanc sur l’archéologie préventive, dont j’avais également souhaité la rédaction, m’a été remis au printemps dernier. J’ai ensuite laissé un temps de concertation pour que les différents acteurs de la discipline puissent se prononcer sur les conclusions de ce travail conduit par Dominique GARCIA. La grande majorité des conclusions du Livre blanc va être mise en œuvre, tant, je l’ai dit, dans leur dimension législative dans le cadre du projet de loi sur les patrimoines, je pense par exemple à la propriété publique du patrimoine mobilier découvert lors des fouilles, mais aussi sur des aspects scientifiques et techniques, dans la limite des moyens budgétaires alloués à la discipline.
Toutefois, certaines questions méritent encore d’être approfondies. En particulier, la situation actuelle de concurrence sur l’exécution des fouilles prescrites place souvent l’INRAP en position défavorable, car cet opérateur national doit assumer des coûts de structure indispensables pour répondre aux obligations de service public et de présence sur l'ensemble du territoire. Et ces obligations lui sont imposées par la loi. J’ai donc demandé à mes services d’explorer les pistes qui permettraient, sans remettre en cause le principe d’une intervention d’autres acteurs que l’INRAP dans l’exécution des fouilles, de mieux prendre en compte les charges spécifiques et particulières de service public auquel cet Institut national doit faire face. Je souhaite aussi que l’on parvienne à construire avec les services d’archéologie préventive des collectivités territoriales, un partenariat plus efficace pour cette notion de pôle public, sans pour autant que cela soit une tutelle de l'INRAP qui soit instaurée sur ces services des collectivités locales.
L’archéologie préventive mérite vraiment cette attention car c’est, vous le savez, grâce à l’archéologie, préventive ou programmée, que la connaissance historique peut progresser au-delà des sources écrites ou en leur absence. J’ai constaté à plusieurs reprises lors de mes déplacements les extraordinaires découvertes et les qualités des métiers de l'archéologie et je veux encore une fois réaffirmer mon attachement et mon soutien entier à cette discipline.
Je vais également poursuivre la création de centres de conservation et d’études destinés à collecter, conserver et mettre à la disposition des chercheurs les objets mobiliers issus des campagnes de fouille. Un tel centre, le pôle de recherches interdisciplinaires archéologiques de Moselle (PRIAM), va être créé à Metz, ville qui m’est chère, mais aussi une ville dont le sous-sol recèle des vestiges particulièrement riches, et cela se fait avec l’intercommunalité de Metz métropole. La construction sera lancée en 2014.
Je souhaite également soutenir, toujours en partenariat avec les collectivités territoriales, la création d’un centre de même nature à Marseille. Ce centre pourra collecter les vestiges trouvés dans le cadre de campagnes d’archéologie sous-marines menées par le département des recherches archéologiques, subaquatiques et sous-marines (DRASSM) du ministère de la culture, et qui sont actuellement stockés dans des locaux inadaptés. Je sais que la ville de Marseille a manifesté son intérêt pour ce projet, ce dont je me réjouis. Il y aura donc des études de faisabilité dans les prochains mois, et c'est encore la démonstration de la fertilité des ces partenariats responsables et assumés entre l'Etat et les collectivités locales au bénéfice de l’intérêt général.
S’agissant, enfin, des archives, le Président de la République a inauguré il y a quelques mois le nouveau centre des Archives nationales à Pierrefitte-sur-Seine. Ce nouveau site est désormais ouvert au public et accomplit des débuts très prometteurs. Le défi à relever est à présent est celui de l’archivage électronique et j’ai dit tout à l’heure mon soutien au projet VITAM. Mais j'ai également parlé, de la nécessite de revenir sur certaines dispositions concernant les délais d’accès aux archives, nous devons aujourd'hui faciliter l’accès aux archives pour les chercheur et pour nos concitoyens amateurs.
Je tiens aussi à affirmer mon attachement au réseau des archives départementales. Le partage de compétences entre l’État et les collectivités territoriales au sein de ce réseau donne, depuis 1986, des résultats remarquables pour le plus grand bénéfice du public et de l’intérêt général, c'est l’accès à la mémoire nationale qui est en jeu avec les archives, c'est bien-sur l’établissement, par un retour aux sources, d'un récit historique qui soit fiable.
Les archives départementales sont le secteur culturel le plus avancé en matière d’offre numérique. Cette politique très volontariste de mise en ligne menée depuis plus de dix ans avec le soutien technique et financier de l’Etat permet désormais à bon nombre de personnes de travailler sans avoir à se déplacer. J'avais visité les archives départementales du Tarn, ou il y a plus de 60 millions de pages vues, ce qui constitue un succès remarquable. Ces succès me conduisent à estimer que l’équilibre institutionnel trouvé en 1986 est efficace et qu’il doit être préservé.
Mesdames et messieurs, l’exposé qui précède, qui était je crois nécessaire et indispensable, montre l’extraordinaire dynamisme, toute l'énergie du monde du patrimoine dans toutes ses composantes. Il montre aussi que l’exercice de rétablissement de l’équilibre des comptes publics n’empêche pas l'action, cela n’empêche pas de mener à bien de nouveaux et passionnants projets, des projets justes, des projets utiles. Les ressources financières pour concrétiser ces projets existent, nous les avons dégagées. Elles ne reposent pas entièrement sur le budget de l’État, cela se fait par des partenariats responsables et utiles avec les collectivités locales notamment.
D’une manière plus générale, j’estime que, plus de cinquante ans après la création du ministère de la culture, la politique de l’Etat en matière de patrimoine doit connaître un changement complet de paradigme pour conserver son efficacité et sa crédibilité, et parce qu'il y a un besoin de patrimoine dans notre pays, un besoin de politique en matière de patrimoine, un besoin de discours sur le patrimoine : les gens y sont attachés. La popularité des nos journées européennes du patrimoine, la fréquentation toujours croissante de nos établissements, musées ou monuments, le montre. Nous avons une responsabilité vis-à-vis de cette popularité. C'est aussi un défi formidable et un chantier exaltant de savoir faire vivre et fructifier, savoir faire partager et transmettre ce magnifique héritage historique. C'est notre fierté d'homme qui travaillons dans le domaine de la culture et du patrimoine mais notre fierté tout simplement d'homme et de femme citoyens, amoureux de notre histoire, amoureux de notre pays dans toutes sa diversité et ses diversités et désireux de le faire partager au plus grand nombre.
Je vous remercie.