Cher Lang Lang,

Grâce à vous, la musique classique a aussi sa rock star ! Vous déchirez les foules : des hordes d'adolescentes chinoises crient votre nom à la sortie des concerts et vous suscitez les vocations de milliers de jeunes pianistes.

Daniel Barenboim dit de vous : « Il joue comme un chat qui aurait douze doigts ». Vos doigts courent sur le piano avec agilité et technique dans un mouvement du corps singulièrement chorégraphique. Vous vivez littéralement la musique que vous interprétez, votre gestuelle accompagne les mouvements de la partition et vous trouvez « fun » de jouer de la musique classique, à rebours des préjugés qui incombent au genre.

A l'heure où beaucoup commencent leur vie, certains, très rares - comme vous cher Lang Lang - sont à même de dresser un bilan. A trente ans, vous êtes le plus jeune et le premier artiste de nationalité chinoise à avoir déjà reçu le doctorat honorifique de la Royal College of Music de Londres.

Pour en arriver là, il a fallu commencer tôt. A trois ans, vous entrez au Conservatoire de Shenyang ; à cinq ans, vous remportez le premier prix au Concours de piano de Shenyang et vous donnez votre premier récital en public. Prémisses d'un parcours fulgurant mais aussi de la volonté de votre père - musicien lui aussi - qui vous a fait travailler jusqu'à sept heures par jour.

Vous intégrez quatre ans plus tard le Conservatoire central de musique de Pékin puis quittez la Chine en 1997 pour les États-Unis où vous recevez l'enseignement de Gary Graffman au Curtis Institute de Philadelphie.

Vous vous faites connaître en 1999, en remplaçant au pied levé André Watts au Festival de Ravinia. Encensé par la critique, vous jouez ensuite à guichets fermés à Carnegie Hall, vous partez en tournée avec le Philadelphia Orchestra et Wolfgang Sawallisch, donnez vos premiers récitals au Wigmore de Londres, au Kennedy Center de Washington, à l'Auditorium du Louvre à Paris... A vingt-six ans, vous êtes déjà un pianiste de renommée internationale, jouant aux côtés des plus grands chefs dont notamment Daniel Barenboim, Zubin Mehta et Lorin Maazel.

Infatigable et insatiable, vous ne cessez de perfectionner votre répertoire et vous êtes conscient d'être au début de votre apprentissage. Vous préférez une approche plus « organique » de l'oeuvre comme jouer Chopin dans un disque complet, The Chopin Album, sorti en décembre 2012, un disque, tout en équilibre et en nuances croissantes.

Votre principal « souci » reste néanmoins « d'attirer les jeunes vers la musique classique ». On connaît votre implication auprès des enfants : vous parrainez de jeunes pianistes talentueux, invitez aux concerts des apprentis, jouez bénévolement dans des hôpitaux ou des contrées isolées.En 2008, vous lancez la Lang Lang International Music Fondation qui encourage la prochaine génération d'amateurs et de professionnels en défendant l'éducation musicale, en aidant les futurs grands pianistes et en s'assurant un public jeune au concert ; souhaitant ainsi répondre à un « vrai » manque d'encadrement professionnel en Chine.

Quel exemple en effet sur la jeunesse lorsqu'on sait que votre concert donné à l'occasion de la cérémonie d'ouverture des Jeux Olympiques de Pékin a mis quarante millions de jeunes chinois au piano. On a d'ailleurs appelé cela « l'effet Lang Lang » !

En parallèle, vous donnez régulièrement des master classes dans le monde, notamment à la Juilliard School, au Curtis Institute of Music, à la Manhattan School of Music, et dans les meilleurs conservatoires de Chine.

Pianiste charismatique, médiatisé, sponsorisé, véritable pont humain entre les cultures orientales et occidentales, fort d'un parcours détonnant musclé depuis votre petite enfance grâce à une formidable détermination et une autodiscipline de fer, Lang Lang vous n’avez certainement pas fini de nous faire entendre vos prouesses.

A tous ces titres, cher Lang Lang, au nom de la République française, nous vous remettons les insignes de Chevalier de l’ordre des Arts et des Lettres.

Chère Nelly Quérol,

A la direction d’une légendaire maison d’édition de musique, engagée dans la défense des droits d’auteur et de l’édition musicale, vous êtes, chère Nelly Quérol, une femme de tête et de coeur.

Puisque la littérature s’est si volontiers emparée des illustres éditeurs de musique, puisant directement son inspiration dans la correspondance nourrie qu’ils entretenaient avec les compositeurs, on s’imagine un jour lire au détour d’un roman un portrait de vous, comme l’on devine sous les traits de Mr Arnoux, Maurice Schlesinger, le célèbre éditeur qui diffusa Berlioz et inspira Flaubert. Histoire et littérature offrent mille variations sur la précieuse réciprocité qui lie l’auteur à son éditeur.

Cette légende dorée de l’édition musicale devient la vôtre lorsque, jeune juriste, vous entrez au sein des Editions Salabert en 1983. Grâce à la vision et à l’intuition de son fondateur, Francis Salabert, puis de son épouse Mica qui lui succède, cette maison, largement centenaire, détient l’un des plus riches patrimoines musicaux français avec plus de 80 000 oeuvres dans son catalogue.

La richesse de cet héritage que vous faites vivre et prospérer depuis plus de trente ans ne tient pas tant à l’épaisseur de ce catalogue qu’à la diversité des oeuvres qui le composent : musique légère et sérieuse s’y côtoient, de l’opérette avec Ciboulette ou La Belle de Cadix au jazz avec l’incontournable Duke Ellington, des oeuvres symphoniques à la musique de film avec Les Enfants du Paradis, sans oublier la musique de chambre.

Parce qu’elle a su s’entourer des plus grands compositeurs de son temps, la maison Salabert possède aujourd’hui l’un des plus importants catalogues de musique contemporaine. Elle est le premier éditeur du fameux Groupe des Six, de Satie, Chausson, Magnard et Duparc mais aussi de Mistinguette, Joséphine Baker, Edith Piaf, Yves Montand ou Charles Trenet, qui ont interprété, avec un succès égal, le répertoire Salabert.

Passeuse de légendes, gardienne d’un inestimable patrimoine musical, vous êtes aussi une fervente défenseuse des droits des auteurs et des éditeurs de musique.

A l’heure où l’industrie musicale est confrontée à de nombreux défis, votre expertise et votre engagement sont décisifs. Depuis plus de 25 ans, vous oeuvrez à la défense collective du droit d’auteur et de l’édition musicale. De la SACEM à la Chambre syndicale de l’édition musicale (CSDEM) dont vous êtes la présidente depuis 1998, vous avez à coeur de représenter votre profession tout en veillant à la promotion et à la valorisation de la musique et de ses auteurs.

Promouvoir la musique, défendre et valoriser le patrimoine musical, c’est aussi ce qui vous pousse à vous associer à l’action du Hall de la chanson et de Musica Gallica. Ces deux associations que vous soutenez, en étroite collaboration avec la SACEM et le ministère de la Culture et de la Communication, ont le même objectif : sensibiliser le public au patrimoine musical et en favoriser la sauvegarde et l’exploitation. Si le Hall de la chanson s’attache au patrimoine musical populaire pour faire entendre à nouveau certaines chansons oubliées, Musica Gallica a permis la publication d’oeuvres d’une cinquantaine de compositeurs, illustres ou méconnus, de l’époque médiévale au XXème siècle, pour les mettre à disposition des chercheurs et des interprètes.

Parce que toute votre carrière est placée sous le signe de la valorisation du patrimoine musical et de la défense des droits d’auteur et de l’édition de musique, parce que votre action est cruciale alors que l’univers de la musique connaît de profondes mutations, je vous adresse, chère Nelly Quérol, les hommages de la République.

Chère Nelly Quérol, au nom de la République française, nous vous faisons Chevalier de l’Ordre des Arts et des Lettres.

Cher Michael Kurtz,

Il y a des noms que l’on associe volontiers à des coups de génie : le vôtre est de ceux-là. Ce qui commença comme une lumineuse intuition autour d’un café entre amis à Baltimore est devenu un rendez-vous musical à la portée rarement égalée.
Plébiscité par les plus grands noms de la musique partout dans le monde, le Record Store Day que vous avez cofondé porte sur le devant de la scène un maillon incontournable de l’industrie musicale : les disquaires
indépendants.

Le phénomène Record Store Day ne doit pourtant rien au hasard car toute votre carrière est placée sous l’égide des disquaires. Entre les tournées et les répétitions de votre groupe Three Hits, c’est chez un disquaire que vous travaillez, comme nombre d’artistes avant et après vous qui viennent témoigner de ce lien privilégié à l’occasion du Record Store Day. Dans les années 90, vous vous consacrez à la publication de Music Monitor, magazine musical né en Caroline du Nord et distribué auprès de disquaires indépendants aux quatre coins des Etats-Unis. Ce lien d’encre et de papier que vous avez créé grâce à la distribution du magazine va se matérialiser sous la forme du Music Monitor Network pour constituer un des plus importants réseaux de disquaires indépendants des Etats-Unis.

C’est ce même esprit de réseau, cette même conscience de la force fédératrice d’une filière de l’industrie musicale trop souvent négligée qui vous pousse à vous engagez dans l’aventure du Record Store Day. En 2007, vous décidez, avec une poignée de disquaires indépendants, de créer un événement rassembleur pour encourager la vitalité d’un secteur que beaucoup avaient enterré trop vite.

Vous obtenez le soutien immédiat des artistes qui se mobilisent alors pour sortir des titres inédits qui ne sont disponibles que ce jour-là et exclusivement dans des magasins indépendants : Paul McCarthney et Metallica, les enthousiastes de la première heure, mais aussi Bruce Springsteen, Gorillaz, Sonic Youth, les Rolling Stones, les Strokes ou le groupe Blur qui, 7 ans après son dernier album, propose un titre exclusif pour le Record Store Day. Au bout de la deuxième édition du Record Store Day, plus de disques sont vendus sur cette seule journée que pendant toute la période de Noël.

Le concept s’importe partout dans le monde : la version française, Disquaire Day, voit le jour en 2011 grâce au Club Action des Labels Indépendants Français (CALIF). Une centaine de magasins français participent à l’opération avec le soutien de nombreux artistes, de majors et de labels indépendants qui s’associent de bon coeur à cette grande fête des disquaires.

C’est peut-être Iggy Pop, parrain de la dernière édition de Record Store Day, qui parle le mieux des magasins de disque indépendants : « c’est une scène et un laboratoire (..) c’est là que tout se passe ». Et celui qui a découvert sa vocation alors qu’il travaillait chez un disquaire d’ajouter : « le renseignement y a une profondeur et une finesse que seul permet le vrai
échange personnel, physique et humain ».

C’est parce que vous incarnez la force et l’incroyable ressource du réseau des disquaires indépendants à l’heure où l’industrie musicale fait face à des défis majeurs, que j’ai tenu à vous distinguer ce soir. Je suis particulièrement ravie de pouvoir le faire au MIDEM car je sais qu’il était important pour vous de témoigner de la vitalité du réseau des disquaires indépendants devant cette grande assemblée de professionnels et d’artistes réunis à Cannes.

Cher Michael Kurtz, au nom de la République française, nous vous remettons les insignes de Chevalier de l’ordre des Arts et des Lettres.