Monsieur le Président, cher Vincent Feltesse
Monsieur le Préfet, vice président du Comité, cher Jean-Pierre Duport,
Mesdames et messieurs les membres du Comité d'Orientation,
Monsieur le Directeur général des patrimoines, Cher Vincent Berjot
Monsieur le Directeur adjoint au Directeur général en charge de l'architecture, cher Bertrand-Pierre Galey
Chers amis,
Permettez-moi tout d'abord de vous souhaiter la bienvenue au ministère de la Culture et de la Communication, et de vous remercier d'avoir accepté de participer à la concertation que j'ai souhaité engager autour de l'avenir des Ecoles Nationales Supérieures d'Architecture ; chacune et chacun d'entre vous y apportera un point de vue à la fois singulier et indispensable, et je vous en suis par avance extrêmement reconnaissante – tout particulièrement, si vous le permettez, à l'égard de nos invités étrangers qui ont très spontanément accepté mon invitation.
Grâce à vous, nous allons je l'espère pouvoir éclairer une trajectoire d' évolution pour nos Ecoles Nationales Supérieures d'Architecture dont le rôle sera déterminant dans les années à venir pour former les professionnels qui auront la responsabilité de transformer notre cadre de vie individuel et collectif.
Si la France s'est illustrée par la vitalité de ses réalisations architecturales avec de grands projets emblématiques, le quotidien des français est souvent perfectible. Malgré les dispositions de la loi sur l’architecture de 1977, 60% des constructions réalisées en France, le sont sans architecte.
Faute d’architecture notre paysage urbain et rural est durablement dégradé, notamment dans les entrées de villes, les lotissements sans originalité et le mitage du paysage par des maisons individuelles construites à la chaîne.
De nombreux défis marquent la période actuelle avec le développement durable, le développement considérable des mobilités, l'usage quotidien du numérique et des nouvelles technologies. Avec la mondialisation et le développement de grandes métropoles, il est crucial que les réflexions sur l'habitat et nos espaces de vie collectifs - je veux parler de l'espace public en particulier - prennent en compte ces grandes mutations tout en étant guidées par une dimension culturelle. Cette dimension culturelle qui donne une capacité à se projeter dans l'avenir de manière créative tout en ne faisant pas table rase de la mémoire des lieux et des habitants.
Ces défis appellent à conforter la place de l'architecte comme référent incontournable des mutations profondes du cadre de vie. Référent comme maître d'œuvre responsable d'aménagements opérationnels; mais également référent en tant qu'homme ou femme de culture capable d'accompagner les élus dans leur vision prospective du territoire. Plus que jamais l'architecte doit maîtriser les évolutions techniques et technologiques de plus en plus rapides. Plus que jamais, il est appelé à jouer un rôle déterminant dans la pensée qui accompagne les décisions relatives à l'avenir de nos concitoyens.
Dans ce contexte, l'enseignement de l'architecture est une mission majeure de l'Etat, qui revêt un caractère régalien. Responsable des règles qui assurent à la profession les conditions de son exercice, le ministère de la Culture et de la Communication est aussi le garant vis à vis des maîtres d'ouvrage et des citoyens, de la capacité de cette profession à répondre à leurs attentes : il l'assume en exerçant la tutelle de la profession en organisant pour l'essentiel la formation des architectes, dont il assure la tutelle directe en ce qui concerne les 20 Ecoles Nationales Supérieures d'Architecture et le contrôle pédagogique pour les deux autres établissements habilités à former des architectes (l'Ecole spéciale d'architecture et l'INSA de Strasbourg).
Le Ministère est ainsi directement en charge de 19 000 étudiants, et indirectement d'un millier ; il veille au contenu et à la qualité des diplômes d'Etat d'architecte (DEA) et des habilitations à la maîtrise d’œuvre en nom propre (HMONP) délivrés chaque année, respectivement à 2000 étudiants pour le DEA et 2700 pour la HMONP. Il existe, bien entendu, une responsabilité particulièrement exigeante, vis à vis de ces diplômés, celle de les former à leur métier tel qu'ils auront à l'exercer dans leur avenir professionnel.
Pleinement consciente de cette responsabilité essentielle attachée à ma fonction, il était naturel que je sois dès mon entrée en fonctions attentive à la situation des écoles d'architecture, que les Directeurs avaient collectivement exprimée avec force en s'adressant aux élus de la nation. Ils évoquaient des difficultés statutaires et financières qui sont anciennes puisqu'elles s'enracinent malheureusement souvent dans l'histoire de ces établissements, dont le rattachement à mon Ministère en 1996 s'est effectuée, de ce point de vue, dans des conditions qui n'ont pas été satisfaisantes.
Seize ans après, des progrès bien sûr ont été accomplis et en particulier l'adoption du système Licence Master Doctorat issu des accords de Bologne, mais un malaise demeure. Il ne peut être laissé sans réponse ; c'est la raison pour laquelle j'ai veillé à ce que le budget 2013 contienne des signes positifs pour les ENSA avec la sanctuarisation de leurs moyens de fonctionnement – elles sont les seuls opérateurs du Ministère dans ce cas – et plus de cinquante créations de postes ; mais les moyens ne sont ni le seul problème ni la solution de tous les autres, et j'ai souhaité pour élargir la réflexion engager cette concertation, qui impliquera naturellement largement les écoles elles-mêmes mais qu'il m'a paru essentiel d'ouvrir à toutes les parties prenantes, précisément en raison de tout ce que l'architecture représente pour la nation.
Votre réflexion devra d'abord prendre en compte les succès de ce dispositif ; j'ai déjà évoqué le passage au LMD, et nous avons maintenant le recul nécessaire pour constater qu'il a été réussi. Les étudiants affluent à l'entrée des écoles. Leur insertion professionnelle est extrêmement satisfaisante.
De même, les évaluations de l'agence nationale compétente, l'AERES, sont essentielles, mais en matière de recherche il faut aussi tenir compte de l'insertion remarquable des équipes dans les systèmes compétitifs de financement, qu'il s'agisse des investissements d'avenir (labex, equipex et formations innovantes), ou de concours internationaux comme le Solar décathlon remporté en 2012 par une équipe pluridisciplinaire entrainée par l' ENSA de Grenoble et associant notamment l'ENSA de Lyon et les Grands Ateliers de l'Isle d'Abeau.
Ces résultats sont d'autant plus remarquables qu'ils ont été obtenus sans que les moyens aient évolué en fonction des missions nouvelles issues de la réforme.
Face aux nouveaux défis, les Ecoles peuvent s'appuyer sur leurs atouts mais doivent surmonter les fragilités qu'avait identifiées l'AERES dans ses rapports d'évaluation. L'agence soulignait : certaines disparités en matière de politique de sites, les faibles taux de réussite dans les double cursus, les difficultés de l'adossement à la recherche d'une discipline qui reste fondée sur une pédagogie par le projet qui sollicite largement les praticiens, le statut actuel des enseignants.
Le réseau des écoles d'architecture françaises constituent un dispositif particulièrement original qui se distingue aussi bien du système universitaire français que des écoles d'ingénieur, tout autant d'ailleurs que des systèmes de formation étrangers. Il conserve des traits communs avec les enseignements supérieurs artistiques, dont il est issu, avant de s'en détacher.
Cette identité très spécifique doit trouver sa place dans un monde de l'enseignement supérieur qui est lui-même en mutation, et vos réflexions auront à prendre en compte ce qui émanera des assises de l'enseignement supérieur actuellement en cours à l'initiative de ma collègue Geneviève Fioraso et qui tiendront leur réunion finale dans quelques jours.
Votre réflexion viendra ainsi s'inscrire avec ces assises, auxquelles les écoles d'architecture ont d'ailleurs participé sur le terrain dans une nouvelle vision interministérielle de l'enseignement supérieur en France, enjeu majeur pour le redressement de notre pays et priorité affichée du Président de la République qui a fait de l'avenir de notre jeunesse sa préoccupation majeure.
Vous allez aujourd'hui amender et valider une feuille de route qui servira de base de travail aux rencontres que les écoles d'architecture organiseront dans les toutes prochaines semaines dans cinq secteurs géographiques, et dont les résultats convergeront vers une prochaine réunion que je souhaite vous voir tenir vers la mi Janvier pour analyser le résultat de ces sessions régionales sur lesquelles, entretemps, l'ensemble des directeurs d'écoles réunis aura tenu une réunion de travail avec le Service de l' Architecture. Je vous donne quant à moi rendez vous dans deux mois à la fin de Janvier, pour une séance de conclusions permettant de mettre sur la table une analyse partagée de la situation des écoles et des propositions pour la faire évoluer positivement.
Je compte sur cette succession de dialogues, ouverts et interactifs, pour mettre en évidence les lignes de forces sur lesquelles je pourrai m'appuyer, et les points d'action décisifs sur lesquels faire porter mon effort, dans un contexte dont vous connaissez la contrainte.
Je conclus en cédant la parole au président du comité, Vincent Feltesse, que je remercie d'avoir accepté cette mission. Merci aussi à Jean-Pierre Duport qui assure la vice-présidence, merci à vous tous qui avez accepté de prendre part à cet exercice de prospective, et merci à tous les collaborateurs de l'administration centrale et des écoles, et d'abord à leurs directeurs, pour leur engagement non seulement dans la réflexion elle-même mais dans l'organisation de ce dialogue inédit et j'en suis sûre fécond entre les Ecoles Nationales Supérieures d'Architecture et la société.