Monsieur le directeur d'Inria,
Monsieur le président de Wikimédia France,
Monsieur le Secrétaire général,
Monsieur le Délégué général à la langue française et aux langues de France,
Madame le Directeur général de l'Institut national d'Histoire de l'Art
Mesdames et Messieurs,
Je suis très heureuse de me trouver aujourd’hui à vos côtés, à l’Institut
national d'histoire de l'art, que je remercie de nous accueillir pour cet
événement inédit autour de la diffusion culturelle dans l'univers numérique.
Le projet dont il est question aujourd’hui est en effet inédit à plus d’un titre :
c'est la première fois que le ministère de la Culture et de la Communication
formalise un partenariat avec deux acteurs majeurs du monde numérique,
à savoir Inria, dans le domaine de la recherche, qui est un des fondateurs
du « web » que nous utilisons aujourd’hui, et Wikimedia France, qui
s’attache à diffuser et à développer des contenus à caractère culturel, dans
le cadre de projets collaboratifs ou contributifs tels que le Wiktionnaire et
bien sûr l’encyclopédie Wikipédia.
Je tiens aussi à souligner le caractère transversal de ce projet au sein du
ministère, et à féliciter le Secrétariat général et la Délégation générale à la
langue française et aux langues de France et leurs équipes.
Ce projet s’inscrit dans la démarche d’ensemble d’une politique culturelle
de l’accès. C’est la mission même du ministère depuis André Malraux : s'il
nous revient de «rendre accessible au plus grand nombre» les oeuvres du
patrimoine comme celles de la création, nous ne pouvons être de simples
«fournisseurs d’accès», il nous faut en quelque sorte «cultiver» l’accès, en
faire un outil d’enrichissement et d’épanouissement personnel.
Cette ambition, vous le savez, inspire la priorité que j’ai donnée à
l’éducation artistique et culturelle, comme elle irrigue l'action de ce
ministère pour aller au devant des publics qui peuvent se sentir éloignés
de la culture et de ses différents modes d’expression. A vrai dire, elle
donne du sens à l’ensemble de nos politiques culturelles, car elle répond
aussi à un objectif d’égalité et de cohésion sociale.
Cette politique passe aujourd’hui en grande partie par l’univers numérique.
Compte tenu de la place croissante que tiennent la consultation et les
usages de la Toile dans nos vies, il est capital que le public puisse avoir
accès à des données culturelles en ligne.
Or cet univers, en expansion continue, va connaître une véritable
révolution, avec l’essor du web sémantique, ou «web de données», qui
nous conduit à repenser les modes de construction et d’usage des outils
du savoir. Après le Web 2.0 (les réseaux sociaux), il nous faut prévoir le
passage au Web 3.0, qui permet aux ordinateurs de comprendre les
requêtes qui leur sont adressées non plus par mot-clé, mais par champ
sémantique, à partir du sens des mots.
Ce système est amené à jouer un rôle essentiel dans la navigation sur
l’Internet, dans la transmission et le partage des connaissances, dans les
interactions entre langues et cultures médiatisées par les outils
numériques. Pour qu'il participe pleinement au bien commun, il doit être
pensé comme un lieu d’échange ouvert, et il importe évidemment que
notre langue et notre culture y trouvent leur place.
C’est ici qu’interviennent les usages des internautes. Cette encyclopédie
interactive qu'est Wikipédia est l’un des sites les plus consultés au monde.
Elle est largement consacrée par l’usage, notamment chez les
adolescents et les étudiants, qui l’utilisent souvent comme une première
source pour prendre connaissance d’un sujet.
Ce constat a débouché sur le projet d’appliquer à titre expérimental les
techniques innovantes du Web 3.0 à l’extraction de données culturelles
sur Wikipédia, susceptibles d’enrichir les sites culturels de nos
établissements pour être ensuite mises à la disposition d’un large public.
Car le Web sémantique ne se substituera pas aux pratiques interactives
désormais généralisées : il en augmentera puissamment les virtualités.
Avec le projet DBpédia en français, soutenu financièrement depuis son
origine par le ministère, l’encyclopédie se trouve étroitement associée aux
premières applications « grand public » du web sémantique. Ce projet
constitue donc une avancée majeure dans la politique de ce ministère
visant à faciliter l’accès du public à des données culturelles en français.
Le ministère de la Culture et de la Communication, qui a été le premier
ministère à se doter d’un site internet, est aujourd’hui le premier à placer
ces sujets au coeur de sa politique de diffusion culturelle, en tant qu’acteur
à part entière de cette nouvelle «révolution» numérique.
Deux éléments légitiment l’importance que nous attachons au DBpédia
en français. Le premier concerne la langue française : si nous n’avions
pas développé ce dispositif, c’est dans les pages en anglais de Wikipédia,
grâce au projet DBpédia existant déjà en langue anglaise, mais très
pauvre en contenus culturels français, que les opérateurs auraient été
tentés de rechercher l’information. Notre projet remet les données
francophones au coeur du numérique.
Le second enjeu intéresse notre politique du multilinguisme et de diffusion
de la culture française à l’international. En effet, le projet permettra de
diffuser des contenus culturels francophones dans toutes les langues
présentes sur Wikipédia, sans pour autant que l’on ait à les traduire à
partir du français, dès lors que la ressource recherchée existera sur
Wikipédia dans la (ou les) langue(s) visée(s). Compte tenu du fait que
l'encyclopédie propose à ce jour 218 déclinaisons linguistiques, dont
plusieurs en langues de France (le breton, le basque ou le catalan sont
ainsi très présents), le projet apporte une forte contribution à la diversité
culturelle.
En outre, le partenariat entre le ministère de la culture, Wikimédia et Inria
offre aux établissements culturels la possibilité d’enrichir de manière
considérable les ressources culturelles mises à la disposition des
internautes. Dans leurs domaines d’expertise, les établissements culturels
ont tout intérêt à rejoindre leurs publics, là où ils viennent chercher
l’information de première nécessité. Le caractère libre et réutilisable des
informations présentes sur l'encyclopédie Wikipédia, disponibles sous
plusieurs licences ouvertes, est à cet égard un gage de diffusion aussi
large que possible des données qu’elle rassemble.
Mais ce partenariat ne saurait être à sens unique. Le savoir accessible sur
Wikipédia est en perpétuelle construction et peut bénéficier pleinement de
l’expertise du ministère. C’est pourquoi nos établissements sont invités à
leur tour à consolider, à enrichir ou à rectifier s’il y a lieu les données
figurant sur Wikipédia, afin non seulement d’augmenter la qualité de ses
articles en langue française, mais aussi son efficacité sur le Web
sémantique.
Il me paraît aujourd’hui nécessaire de poursuivre cette action et de
continuer à mener d’autres projets alliant, sur le modèle de DBpédia en
français, données culturelles et Web 3.0, dans le cadre de la plate-forme
de collaboration «Sémanticpédia», que j’ai l’honneur d’inaugurer
aujourd’hui en signant cette convention de partenariat.
Je suis d'ores et déjà heureuse de vous annoncer le lancement dès 2013
d’une version «sémantique» du Wiktionnaire francophone, projet soutenu
par la Délégation générale à la langue française et aux langues de
France. C’est ainsi plus de deux millions de termes qui viendront s’ajouter
au réseau sémantique des articles de Wikipédia.
Vous l'aurez compris, il s'agit aussi, à travers ces projets numériques, de
mettre mon ministère aux prises avec les défis de demain, un ministère
que je veux imaginatif, réactif et attentif à toutes les évolutions
technologiques susceptibles d'être mises à profit pour renforcer l'accès à
la culture.
Je vous remercie.