Monsieur le Préfet,
Monsieur le directeur général des patrimoines,
Monsieur le directeur régional des affaires culturelles,
Monsieur le président de l’Institut national de recherches archéologiques
préventives,
Monsieur le maire de Saint-Rémy-de-Provence,
Mesdames, Messieurs,
Les premiers mots de cette intervention seront adressés, vous le comprendrez
toutes et tous, à l’équipe du musée de Sens. Le vol commis la semaine dernière
dans les collections de ce musée constitue pour son personnel un choc très
pénible et je souhaite exprimer une nouvelle fois ma solidarité et celle de
l’ensemble des personnels du ministère de la culture vis-à-vis d’eux.
Les moments que je viens de passer sur le chantier de la ZAC d’Ussol ont été
pour moi particulièrement enrichissants. En dialoguant avec les agents de
l’INRAP sur le site de cette impressionnante villa gallo-romaine, j’ai beaucoup
appris sur l’archéologie de terrain, science passionnante servie par des
professionnels passionnés. C’est d’abord vers ces professionnels de
l’archéologie que je veux me tourner et leur exprimer ma gratitude, comme celle
de nos concitoyens, pour leur travail quotidien au service du progrès de la
connaissance. On sait la complémentarité de l’archéologie et des sources écrites
pour mieux connaître l’antiquité, le moyen-âge ou la période moderne. Mais
lorsque les sources écrites se taisent, l’archéologie et ses disciplines associées
constituent le seul moyen de comprendre les modes de vie et la pensée des
humains qui nous ont précédés.
Le travail des archéologues, comme tout travail scientifique, n’a, la plupart du
temps, rien de spectaculaire. Il ne consiste plus, comme autrefois, en une quête
du chef d’oeuvre ou du trésor enfouis, mais en l’application d’une méthodologie
rigoureuse sans cesse renouvelée par le progrès scientifique. C’est par
l’exploitation pluridisciplinaire, notamment au sein d’unités mixtes de recherche,
des résultats de ces centaines de fouilles préventives ou programmées réalisées
chaque année que la connaissance progresse.
Une manifestation comme les journées nationales de l’archéologie permet de
faire comprendre cette réalité au public. Les acquis les plus récents de la
recherche mettent presque toujours, on le sait, un certain temps avant
d’atteindre les non-spécialistes. Les quarante-cinq chantiers de fouille ouverts à
la visite, les cent-quinze expositions présentées, les nombreuses activités
proposées sont autant de passerelles établies, sur plus de quatre-cent-vingt
sites, entre la communauté des archéologues et celles et ceux, toujours plus
nombreux, qui désirent accéder concrètement à la science en train de se
construire. Les archéologues qui participent à ces journées contribuent ainsi à ce
travail de médiation si indispensable à la diffusion de toute forme de savoir et de
culture, dont je compte faire une priorité de mon action. Qu’ils en soient
remerciés, ainsi que tous les partenaires, entreprises et médias, qui contribuent
à rendre possible et à faire connaître cette troisième édition des journées
nationales de l’archéologie.
Comment ne pas voir dans toutes les caractéristiques de l’archéologie que je viens de citer l’évidence d’un
service public ? Le code du patrimoine l’affirme, pour l’archéologie préventive, mais c’est bien pour moi la
discipline dans son ensemble et toutes ses composantes qui justifient cette qualification. Et je ne conçois pas
qu’une mission de service public puisse être exécutée sans une implication forte de l’Etat.
Cette implication est, aujourd’hui, bien réelle. Elle est, d’abord, institutionnelle, au travers des missions exercées
par la sous-direction de l’archéologie de la direction générale des patrimoines, par les services régionaux de
l’archéologie des directions régionales des affaires culturelles, par les musées nationaux d’archéologie, par le
département des recherches archéologiques subaquatiques et sous-marines de Marseille, spécialisé dans
l’archéologie subaquatique, et par l’INRAP, établissement public administratif et opérateur par excellence en
matière d’archéologie préventive. Elle est, ensuite, juridique, par les responsabilités confiées à l’Etat en matière
de prescriptions de fouilles, puis de contrôle scientifique et technique pour garantir en la qualité, mais aussi
d’agrément des opérateurs et de suivi de ces agréments, notamment au sein du conseil national de la recherche
archéologique. Elle est, enfin, financière, par la collecte de la redevance d’archéologie préventive et par la
répartition des prises en charges et des subventions du fonds national pour l’archéologie préventive.
C’est sur cette dernière forme de l’implication de l’Etat qu’il me paraît le plus urgent d’agir. S’agissant de la
redevance d’archéologie préventive, son rendement nécessaire au bon financement de l’ensemble de l’activité de
diagnostic avait été estimé, sur le fondement d’un rapport de l’inspection générale des finances de 2010, à 122
millions d’euros. Voté par la majorité sénatoriale en décembre dernier, ce montant avait été arbitrairement réduit
à 105 millions d’euros par la majorité d’alors à l’Assemblée nationale. Les conditions politiques sont maintenant
réunies pour procéder à un retour à l’évaluation initiale du rendement de cette redevance. Les services du
ministère de la culture et de la communication vont donc préparer, en vue de la loi de finances pour 2013, une
disposition législative en ce sens qui sera soumise, le moment venu, à l’arbitrage du Premier ministre.
S’agissant de l’emploi des crédits du fonds national pour l’archéologie préventive, un projet de décret préparé par
les services du ministère de la culture et de la communication procède à une réduction de la prise en charge par
ce fonds des travaux archéologiques liés à certaines catégories d’aménagements. Ce projet a fait l’objet, en
septembre 2011, d’un arbitrage interministériel que je considère comme toujours en vigueur. J’ai donc demandé
au cabinet et aux équipes de la direction générale des patrimoines de suivre avec toute l’attention requise
l’avancement de ce projet de décret, afin que sa publication intervienne dans les meilleurs délais. Ce texte aura
notamment pour effet de redonner des marges de manoeuvre pour l’attribution de subventions aux aménageurs
concernés par des fouilles importantes, mais dont les projets d’aménagement ne sont pas éligibles aux prises en
charge de droit.
Ces deux mesures permettront de soulager en partie les difficultés structurelles de financement dont souffre
l’archéologie préventive. Elles ne suffiront cependant pas, j’en suis consciente, à régler définitivement ces
problèmes, et d’autres décisions seront nécessaires pour, notamment, poursuivre l’assainissement de la situation
financière de l’INRAP. Afin d’atteindre cet objectif, qui constitue pour moi une priorité, j’examinerai toutes les
pistes compatibles avec le retour à l’équilibre des finances publiques d’ici à 2017.
S’agissant de la répartition des compétences en matière d’archéologie préventive, des questions se posent, mais
les réponses à apporter exigent de prendre un certain recul.
En 2001, le Parlement a adopté une loi affirmant le caractère de service public de l’archéologie préventive et
donnant à l’INRAP le monopole de cette activité, tant du point de vue du diagnostic que de la réalisation des
fouilles. Saisi, le Conseil constitutionnel a confirmé la légalité de ce dispositif. En 2003, la loi a été modifiée pour
accroître les compétences des collectivités territoriales en matière de diagnostic, mais aussi pour permettre à des
opérateurs agréés par l’Etat, dont des sociétés privées, de réaliser les fouilles prescrites. Également saisi, le
Conseil constitutionnel a validé cette évolution de la loi.
De nombreuses voix réclament aujourd’hui un retour au monopole instauré en 2001 et je n’ignore pas que les
parlementaires de gauche s’étaient opposés à la loi de 2003. J’écouterai les arguments avancés en ce sens avec
attention. Mais avant de prendre toute décision sur ce sujet stratégique, je souhaite disposer d’une vision
d’ensemble de la situation actuelle.
Le droit de l’archéologie préventive a maintenant plus de dix ans : c’est le bon moment pour l’évaluer de façon
approfondie, sans tabou ni a priori, avant d’envisager son éventuelle modification. Je souhaite donc confier cette
évaluation scientifique, économique et sociale, dès la rentrée 2012, à une commission dont la composition
reflètera notamment la diversité de la communauté archéologique et, au-delà, des acteurs concernés. Cette
commission devra rédiger, d’ici au premier trimestre 2013, un livre blanc de l’archéologie préventive. Je souhaite
qu’à cette occasion l’ensemble des parties intéressées puisse s’exprimer et faire valoir son point de vue. C’est en
s’appuyant sur ce livre blanc que le ministère de la culture proposera au Gouvernement les décisions
nécessaires.
Ces enjeux législatifs ne sont pas les seuls auxquels le domaine de l’archéologie se trouve confronté.
Ainsi, la place de l’archéologie dans le monde de la recherche doit être redéfinie, sur le fondement d’une
concertation, dont je compte prendre l’initiative, entre le ministère de la culture et de la communication et le
ministère de l’enseignement supérieur de la recherche. Pour le seul domaine de l’archéologie préventive, plus de
trois cents chercheurs de l’INRAP participent à des unités mixtes de recherche et ont publié plus de 2 000
articles, monographies et ouvrages de synthèse. Cette forte contribution doit être mieux prise en considération.
Dans cette perspective, je compte organiser, les 21 et 22 novembre prochains, comme le proposait le rapport de
messieurs les sénateurs Yves Daugé et Pierre Bordier, les premières rencontres de l’archéologie préventive, qui
dresseront, notamment, un bilan des découvertes réalisées entre 2007 et 2011, et permettront d’envisager des
initiatives concernant la diffusion des résultats de la recherche, mais aussi de mieux mettre en lumière la
complémentarité entre archéologues et aménageurs.
Je sais aussi l’importance des enjeux liés aux ressources humaines. La question du recrutement en contrats à
durée indéterminée d’un certain nombre d’agents de l’INRAP actuellement en contrat à durée déterminée est en
cours d’expertise. S’il est établi que les agents concernés occupent des fonctions correspondant à un besoin
permanent, le ministère de la culture et de la communication demandera alors au Premier ministre l’autorisation
de recruter ces agents en contrat à durée indéterminée dans les régions qui le nécessitent. Il faut également
aborder la question des passerelles à construire pour les personnels exerçant dans les différentes institutions
publiques en charge de l’archéologie : la mobilité entre l’INRAP, les services régionaux de l’archéologie et les
services des collectivités territoriales doit être facilitée, dans l’intérêt des agents qui souhaitent diversifier leur
parcours professionnel.
Je ne saurais, enfin, conclure cette intervention sans rappeler que le caractère scientifique de l’archéologie
implique que cette activité soit exercée par des professionnels formés à cette discipline. Les déplorables
événements de Sens que j’évoquais en préambule à mon intervention montrent la menace que fait peser le vol
sur le patrimoine archéologique. Mais le prélèvement sans méthode du matériel archéologique au moyen,
notamment, de détecteurs de métaux, met aussi ce patrimoine en péril, en le privant de l’indispensable analyse
scientifique permettant de faire bénéficier la collectivité de la découverte. Je souhaite profiter de ce moment
privilégié de contact entre les archéologues et le public que sont les journées nationales de l’archéologie pour le
rappeler : l’archéologie est une science, montrons tous que nous l’aimons en la respectant.
Je vous remercie.