Chère Marie Desplechin,
Mesdames et messieurs les élus, Mesdames et messieurs les membres du
comité et tous les représentants des ministères partenaires,
Nous allons ensemble ouvrir aujourd’hui une nouvelle et importante étape
dans le chantier national de l’éducation artistique et culturelle que nous
avons présenté ce matin Vincent Peillon et moi en conseil des ministres :
je remercie chaleureusement chacun d’entre vous de votre présence et
d’avoir accepté de vous mobiliser pour contribuer à ces travaux.
Je n’ai évidemment pas besoin de vous dire pourquoi cet enjeu est si
important : la rencontre vivante avec l’art, avec le patrimoine, on le sait
tous, est d’abord un enjeu démocratique qui concerne notre capacité à ce
que tous les jeunes, pas seulement ceux des grandes villes et des
quartiers favorisés puissent bénéficier de cette ouverture que constitue
toujours la fréquentation d’un musée, d’un monument, le contact avec une
oeuvre, dans un cinéma, un théâtre, une salle de concert etc. A condition
que ce contact, ces fréquentations soient de véritables occasions d’accès
à l’art et à la culture. L’enjeu étant de créer les conditions pour que les
jeunes disposent des clés d’accès à cet univers.
Je n’ai pas à vous convaincre du rôle que peut avoir l’art et la culture dans
la construction de la personnalité, dans l’ouverture de l’imaginaire, dans la
réconciliation avec le gout et le désir d’apprendre. C’est de cela qu’il s’agit,
permettre aux jeunes de devenir de véritables amateurs, notamment ceux
qui n’ont pas de par leur milieu ou leur situation géographique les codes ou
les clés pour aller vers des lieux ou des univers qui leur semblent trop
éloignés pour qu’ils se les approprient.
Enjeux démocratique, enjeux de solidarité et d’intégration car la
fréquentation des bibliothèques, des salles de cinémas, des théâtres,
implique de savoir vivre ensemble dans des lieux de mixité et de tolérance.
De tout cela je sais que vous êtes comme moi convaincus.
Ce que nous devons gagner désormais c’est la bataille de la généralisation
de l’éducation artistique et culturelle sur tout le territoire.
Car s’il existe déjà beaucoup d’actions, à l’école et en dehors de l’école,
des actions souvent remarquables, elles ne sont pas assez reconnues, pas
assez lisibles et ne touchent pas tous les jeunes .Or la culture est un droit
pour chacun.
Est-ce à dire que l’EAC serait un serpent de mer, toujours annoncé, jamais
complètement abouti ? Est-ce à dire que nous ne savons pas tirer les
leçons des multiples rapports, des propositions qui existent, à commencer
par le plan Lang/Tasca dont l’ambition a été rognée puis annulée 2 ans
après son lancement .Comment inverser les choses ?qu’est ce qui va
changer aujourd’hui ?
Ce qui change aujourd’hui, c’est que nous voulons partir de ce qui se fait
sur les territoires pour aller plus loin. Je sais qu’il se fait, à l’école, dans les
collèges, les lycées, à l’Université, mais aussi dans les associations de
quartiers, dans les institutions culturelles beaucoup de choses souvent
exemplaires. La question est de pérenniser et d’étendre, de généraliser
progressivement, en partant de l’existant, les énergies présentes et les
partenariats structures sur les territoires. Notre volonté est d’être
pragmatiques et ambitieux à la fois.
Nous partirons de la notion de parcours d’éducation artistique et culturel
qui a été dégagée par la concertation sur la refondation de l’école et qui
fera partie des enjeux posés par la réforme portée par le ministre de
l’Education Nationale. Un parcours qui allie les enseignements, la pratique
artistique et la rencontre avec les oeuvres, les artistes et les institutions.
Le temps est également venu de privilégier une approche territoriale de
l'éducation artistique et culturelle, partant là aussi des pratiques et de
l'expérience des territoires.
Les politiques éducatives et culturelles que les collectivités territoriales
développent sont des leviers essentiels pour la généralisation de
l'éducation artistique et culturelle, permettant de conjuguer l'ambition
éducative et les objectifs de développement culturel et de cohésion sociale
des territoires.
C’est pourquoi il faut décider dès maintenant et clairement les conditions
de la mise en oeuvre de contrats régionaux d’EAC .Il vous reviendra de me
faire des propositions concrètes pour définir leur «cahier des charges» et
donner des cadres.
C’est dans cette optique que votre comité a été constitué.
Avec Marie Desplechin pour présidente : je souhaitais que ce soit un
artiste qui pilote votre travail. Un artiste qui comme Marie Desplechin a
l’expérience concrète de la rencontre avec des jeunes, de ce qui se joue,
ou de ce qui échoue, comme elle l’a montré cet été dans les portraits des
collégiens de Lille Sud qu’elle a publié dans le Monde.
Merci à Jérôme Bouet, inspecteur général des affaires culturelles qui a
accepté de seconder Marie et d’être le rapporteur de votre consultation.
Ancien Drac, et directeur en administration centrale il a l’expérience et les
convictions pour remplir cette mission y compris dans les délais contraints.
Je remercie aussi Sylvain Groud chorégraphe que j’ai eu l’occasion de voir
travailler avec des collégiens à Montbéliard, Françoise Legendre directrice
des bibliothèques du Havre et auteur pour la jeunesse, d’apporter leur
expérience du travail dans les quartiers.
J’ai souhaité que votre comité fasse une place importante aux élus, et je
remercie vivement les élus qui ont accepté de participer à ces travaux, je
sais de quel engagement cela témoigne et je remercie chacun d’entre
vous. Pour moi ce chantier de l’EAC ne pourra réussir que parce que nous
aurons su trouver de nouvelles modalités de relation entre l’Etat et les
collectivités territoriales, c’est un chantier exemplaire de la manière dont
nous allons désormais allier nos compétences.
Merci Nicole Belloubet, vice présidente du CR de Midi Py, ancienne
rectrice, votre participation à ce comité va faire le lien avec la concertation
sur la refondation de l’école, puisque vous avez assuré la présidence du
groupe de travail qui a notamment ouvert la réflexion sur l’EAC.
Merci aux deux représentants des Conseils généraux, Vincent Eblé pour le
77 et Mme Françoise Polnecq, vice présidente du CG, élue de
Hazebrouck, pour le Nord, deux départements engagés fortement sur des
priorités d’aménagement culturel des territoires et qui ont fait de l’EAC un
levier de ces priorités.
Je salue la présence d’élus des communes, M. Yves Fournel président de
l’association des villes éducatrices et aussi adjoint au maire de Lyon, qui
apportera son engagement et sa conviction des liens entre culture,
éducation et territoire de vie. Il sera en binôme avec Paul Bron, élu de
Grenoble, M. Pascal Jaillet maire de Cosnes sur Loire qui est très impliqué
dans un contrat local d’éducation artistique et qui apportera la dimension
essentielle des communes en territoires ruraux.
J’ai également souhaité que votre comité intègre des compétences et
l’expérience de sociologues, de philosophes dont les recherches vont
éclairer et interroger les praticiens du terrain. Définir un cahier des charges
ce n’est pas seulement viser l’action immédiate, c’est dans le même temps
réfléchir aux conditions d’une ambition pérenne, d’un projet durable,
éducatif et sociétal.
Marie-Josée Mondzain, votre réflexion sur la question de l’image, de
l’éducation (ou non !) du regard, votre immense connaissance des
questions d’art et d’esthétique seront un éclairage fondamental. Anne
Barrère, vous qui êtes spécialiste de l’école buissonnière, nous sommes
intéressés par la prise en compte de questions pas forcément toujours
reconnues sur les chemins de traverses et le «bricolage» intelligent qui
ouvre les portes et les fenêtres du savoir à ceux qui en sont éloignés.
Marianne Alphant, vous qui êtes à la fois historienne d’art, journaliste,
écrivain, et qui avez longtemps dirigé les «revues parlées» au sein du
Centre Pompidou, je compte sur votre esprit critique, sur votre capacité à
bousculer les consensus trop rapides, les pensées trop molles sur ce sujet
qui ne doit pas être simplifié et édulcoré, celui du rapport vivant à l’art.
Je me réjouis que Lucien Pietron apporte sa connaissance de la réalité
d’un collège lorrain à nos travaux.
Enfin je remercie tous les représentants des ministères qui vont participer
aux travaux afin de veiller aux conditions auxquelles les cahiers des
charges de l’EAC pourront être mis en oeuvre. Nous sommes heureux
notamment de pouvoir bénéficier du point de vue de la Déléguée
académique à l’action culturelle de Bourgogne Agnès Pigler, qui avec
Jacqueline Broll, conseillère à la Drac de Rhône-Alpes, sera attentive aux
réalités des partenariats et des territoires.
Vous allez être accompagnés par une équipe coordonnée par Anne
Coutard qui a préparé vos travaux et qui continuera à les nourrir et à les
documenter, notamment en rassemblant les informations sur les exemples
les plus pertinents à faire connaitre. Je ne crois pas qu’il y ait de modèles
ou de recettes types, mais sans doute des expériences à faire connaitre
des dynamiques à montrer.
Je vais maintenant laisser Claire Lamboley et Véronique Chatenay-Dolto
présenter l’organisation de vos travaux, mais tout d’abord passer la parole
à Marie Desplechin pour qu’elle nous donne son point de vue et nous dise
pourquoi elle a accepté de s’engager dans ce chantier.